Urbanisme : Toulouse, symbole de ces villes handicapées par le ZAN

Le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) qui demande aux collectivités de réduire de moitié leur consommation de foncier d'ici 2031 est-il une menace pour leur dynamique de croissance ? Selon Arthur Loyd, la réponse est oui et le cabinet a même élaboré un top 20 des villes les plus concernées, dont Toulouse et sa grande agglomération arrivent de loin en tête. Face à cette nouvelle loi, la Ville rose tente d'adapter ses politiques locales d'urbanisme alors que la quatrième ville de France reste encore celle qui accueille le plus de nouveaux habitants chaque année. Analyse.
Selon le cabinet Arthur Loyd, Toulouse et son agglomération seront les plus touchées par le ZAN.

« C'est un message d'alerte que nous tenons à envoyer », lance Cevan Torossian, le directeur du département Etudes & Recherche d'Arthur Loyd. Son cabinet vient de publier une enquête sur les villes les plus concernées et touchées par le ZAN (zéro artificialisation nette). Pour mémoire, cette loi demande aux territoires de diminuer de 50% leur niveau d'artificialisation des sols d'ici fin 2031 par rapport à ce qu'il était entre 2011 et 2020 et que ce taux soit à zéro d'ici 2050.

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Si Toulouse, quatrième ville de France, s'est récemment targuée d'arriver en tête d'un classement du même institut la positionnant comme métropole la plus attractive de France, cette nouvelle étude pourrait mettre en péril ce statut. Selon Arthur Loyd, la Ville rose et sa grande agglomération devraient manquer de 3.155 hectares entre 2021 et 2030 pour répondre à leurs besoins d'urbanisation et de croissance économique.

« Nous voulons faire prendre conscience de ce qui va se passer en mettant en lumière les manques de fonciers probables d'ici 2030. Pour ce faire, nous avons pris les chiffres de la consommation foncière de 2011 à 2020 compilées par l'agence publique du CEREMA et nous les avons mis en perspective avec les estimations démographiques et économiques de l'INSEE et d'Oxford Economics pour les années futures », justifie le scientifique.

Ce podium est complété par Bordeaux (son aire urbaine) et ses 2.302 hectares manquants, ou encore Nantes et ses 1.882 hectares. Mais Lyon, Montpellier, Aix-En-Provence, La Teste-de-Buch, Bayonne, Pau ou Perpignan, sont aussi bien classées dans ce top 20.

« Tous ces territoires ont comme point commun d'être en forte croissance démographique et économique. Ils ont besoin d'équipements et de logements, ce sont des secteurs qui attirent beaucoup les familles. Mais leur croissance risque d'être mise en péril par cette menace sur le foncier. Cela pourrait être un frein à leur attractivité future », estime Cevan Torossian.

Besoin de revoir les politiques locales d'urbanisme

Dans la Ville rose, ce sujet de l'attractivité est d'ailleurs connu sur le bout des doigts. Depuis plusieurs années maintenant, Toulouse est la métropole française qui accueille le plus de nouveaux habitants chaque année. Selon l'Insee, la métropole reçoit environ 14.000 habitants nouveaux tous les ans, tandis que la ville centre à elle seule en accueille un peu plus de 9.000.

« Nos services ne savent pas comment le cabinet Arthur Loyd est parvenu à ce chiffre. Entre 2011 et 2020, la métropole de Toulouse a consommé 1.114 hectares de foncier. Sur la décennie précédente, nous sommes le territoire en Haute-Garonne qui a consommé le moins de foncier par habitant, au regard de notre croissance démographique et du nombre d'emplois créés chez nous. Pour reconstruire la ville sur elle-même et densifier, nous n'avons donc pas attendu la loi pour le faire », expose Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, auprès de La Tribune.

Néanmoins, depuis la crise sanitaire, la machine est grippée. Les professionnels du secteur immobilier alertent les élus locaux sur les divers blocages à la construction de logements neufs sur la métropole toulousaine qui, pour le moment, ne nuisent pas à l'attractivité de la Ville. Selon L'Observer, association qui réunit tous les promoteurs immobiliers à Toulouse, un peu plus de 2.900 logements neufs seulement ont été mis en vente sur l'agglomération en 2023, soit bien loin de l'objectif des 7.000 habitations fixé par les élus eux-mêmes dans un passé proche.

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Dans ce contexte, les 37 communes de la Métropole travaillent de concert à l'élaboration d'un nouveau PLUi-H (plan local d'urbanisme intercommunal et de l'habitat), après l'annulation du précédent en février 2022 par la cour d'appel administrative.

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« Cette annulation nous offre l'avantage que nous allons être la première métropole de France à avoir un PLUi-H bioclimatique, qui intègre la loi ZAN. Nous sommes en train d'élaborer ce document et nous avons décidé de répartir la consommation en deux gros morceaux : un dédié à l'habitat, l'autre à la création d'emplois. Ces deux morceaux doivent ensuite être répartis entre nos 37 communes. Cela a été très compliqué et cela a créé pas mal de tensions. Chaque commune a été dans l'obligation de faire des sacrifices, sur des projets, pour parvenir à cet objectif commun. Nous avons achevé ce travail à Noël mais la finalité est que chaque maire est insatisfait en raison des arbitrages effectués (...) Si le ZAN pouvait être une menace pour notre attractivité, nous sommes en train de nous y adapter », relate Jean-Luc Moudenc.

Des adaptations en fonction des dynamiques démographiques ?

Le document est désormais à l'étude dans chacune des municipalités et Toulouse Métropole espère se lancer dans la rédaction de la délibération finale au cours du second trimestre 2024. Quoi qu'il arrive, le challenge sera rude : il sera question, avec un peu plus de 500 hectares disponibles sur 10 ans, de continuer à accueillir près de 10.000 nouveaux habitants à l'année, créer 5.000 emplois et construire 7.300 logements neufs par an. « Notre PLUi-H aura une validité de dix ans, avec donc une période pour tendre vers le -50% mais aussi cinq années pour atteindre les -75%. C'est une autre étape dont on ne parle pas assez selon moi », met en garde le maire de Toulouse et président de la Métropole.

 Du côté du Sicoval, l'intercommunalité du sud-est toulousain, les services sont aussi en surchauffe pour intégrer les demandes instaurées par le ZAN. Son président, Jacques Oberti, a même pris la plume au cours de l'été 2023 pour partager auprès de Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, ses inquiétudes à ce propos.

« Le problème est que le ZAN se base sur le passé (...) Mais la loi doit prendre en considération les trajectoires démographiques des territoires. Certains ont un effort moindre à faire que nous, alors qu'ils vont accueillir beaucoup moins de nouveaux d'habitants voire aucun sur les prochaines années. Mettons plutôt en place des clauses de revoyure. Le vrai effort à faire n'est pas de consommer moins de foncier, ça tout le monde l'a compris, mais bien de densifier nos territoires. Il faut trouver une grille de lecture équitable entre tous », peste encore Jacques Oberti auprès de La Tribune.

À la fin de l'année 2020, le Sicoval dénombrait alors plus de 82.000 habitants selon l'Insee, avec une densité de 327 habitants au kilomètre carré, contre 297 en 2014. Comme sa voisine toulousaine, cette intercommunalité s'inscrit dans un contexte global plutôt favorable, avec une région Occitanie qui présente là aussi la plus forte croissance démographique du pays (50.000 habitants nouveaux chaque année). Face à cette dynamique, faut-il loger à la même enseigne tous les territoires de France, qui tentent de faire sortir du quota du foncier à consommer des grands projets régionaux d'intérêt national ? C'est notamment le cas du Sicoval, qui tente d'inclure dans ce listing 45 hectares de sa future grande zone économique dite 'bas carbone'.

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« L'enjeu pour ces territoires est de trouver un équilibre entre besoin de sobriété foncière et besoin d'artificialisation des sols. Et pour trouver le bon équilibre, un moratoire sur le ZAN est nécessaire afin de se doter du temps nécessaire pour mesurer tous les impacts socio-économiques d'une telle mesure », juge Cevan Torossian.

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