Fusion des régions : ce qu'il se passe en coulisses

L'harmonisation des politiques publiques entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon est un travail colossal. Après une mise en route difficile, les services techniques des deux Conseils régionaux travaillent désormais de concert. À ce jour, plus de 600 politiques publiques ont été recensées et comparées pour étudier comment les transposer au nouveau territoire. L'urgence : la mise en place d'un payeur unique au 1er janvier 2016 pour pouvoir verser les salaires des agents territoriaux. Pour l'instant, aucune solution n'a été trouvée. Claude Cougnenc, directeur général des services de Languedoc-Roussillon, décrypte pour La Tribune-Objectif News les coulisses de la fusion. Interview.
Interview de Claude Cougnenc, directeur général des services du Conseil régional de Languedoc-Roussillon

L'harmonisation des politiques publiques est un travail colossal : où en êtes-vous ?
C'est un travail énorme, en effet. Bien que toutes les Régions soient dotées, de par la loi, des mêmes compétences, chaque Région a développé (selon le principe constitutionnel de libre administration) des modalités d'exercice de ses compétences en fonction de la situation socio-économique de son propre territoire. C'est pour faire face à cette diversité que l'État a prévu, dans la loi Notre du 7 août 2015, une date butoir pour parvenir à cette harmonisation des politiques publiques régionales : 2021. Cette date témoigne de la prise de conscience de l'État sur l'enjeu et la complexité de ce travail.

Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ont commencé ce travail en février dernier, avez-vous pris de l'avance ?
Damien Alary et Martin Malvy ont souhaité que le travail préparatoire à cette harmonisation soit le plus avancé possible en amont de la prise de fonction de la nouvelle assemblée. Leur sensibilité politique commune a facilité les choses. En réalisant ce travail préparatoire à l'harmonisation, nous gagnons certainement plusieurs années de travail. Dans certaines régions, c'est plus compliqué et la circulation d'information est parfois moins fluide.

Sur quoi travaillent précisément les services ?
Notre premier objectif est d'assurer la continuité du service public au 1er janvier 2016 et notamment la compatibilité des fonctions supports sur le plan financier, informatique et administratif.

Au-delà, nous terminons le recensement, l'état des lieux et l'analyse des écarts de l'ensemble des politiques publiques. On en dénombre un peu plus de 600.

Ces 600 politiques publiques sont-elles transposables au nouveau territoire ?
En l'état, moins de 10 % des politiques publiques paraissent rapidement transposables au niveau du territoire, pour autant que la nouvelle assemblée en décide. Par exemple, dans le secteur culturel, les critères d'éligibilité aux subventions sont sensiblement les mêmes dans les deux Régions et cela ne devrait pas poser trop de problèmes. Mais, pour 90 % des politiques publiques, le travail d'harmonisation présente une forte complexité qui devra également tenir compte du projet politique et de l'évolution souhaitable de l'écosystème territorial. Je pense notamment aux domaines de la formation, du transport ferroviaire ou bien encore de l'économie (la nouvelle assemblée devra par exemple décider de généraliser (ou pas) à tout le territoire l'attribution gratuite d'un PC portable à tous les lycéens, ce qui se pratique déjà en Languedoc-Roussillon. Si ce choix est fait, il faudra trouver les financements et donc ponctionner d'autres services, NDLR).

C'est pour faciliter cette harmonisation que Damien Alary et Martin Malvy ont souhaité proposer, dès 2015, des délibérations communes concernant notamment le développement du très haut débit, la politique de la ville, ou encore les CPER 2015/2020.

Quel sera le montant du budget de la nouvelle Région ?
La somme des budgets 2015 des deux régions actuelles est de 2,657 milliards d'euros : 1,261 milliard pour Languedoc-Roussillon et 1,396 milliard pour Midi-Pyrénées. La gestion des fonds européens donnera en réalité une capacité d'intervention annuelle à la nouvelle entité régionale de 2,827 milliards d'euros, hors budgets des organismes satellites (l'agence Madeeli par exemple, NDLR).

Les notations financières établies par Standard and Poor's (pour LR) et Fitch Ratings (pour MP) AA-1 et AA+ confèrent à la future Grande Région des perspectives favorables, qui leur permettront de consacrer 82 % du budget aux dépenses d'intervention, 18 % seulement étant affectés à la gestion de la dette, aux charges de personnels et de structure. C'est un très bon ratio.

Quand sera voté le nouveau budget ?
Le budget est habituellement voté en décembre par les deux assemblées régionales mais dans la configuration nouvelle, c'est à l'évidence impossible. Ainsi, le budget primitif 2016 de la grande région devra être adopté, conformément à un dispositif législatif exceptionnel, au plus tard le 31 mai 2016.

Comment va fonctionner la région durant les 6 mois pendant lesquels le budget ne sera pas voté ?
Dans l'attente des décisions politiques à venir, la continuité des politiques régionales pourra être assurée. En effet, l'exécutif nouvellement élu pourra disposer de crédits d'engagement (Autorisations d'engagements -AE- et autorisations de programmes -AP-) ouverts en 2015 pour les dispositifs existants. Concrètement, une entreprise qui travaille à la construction d'un lycée pourra être payée et poursuivre le chantier.

Concernant les dépenses non adossées à des Autorisations d'engagements (AE), notamment la rémunération des bénéficiaires de la formation professionnelle, la rémunération des personnels ou le remboursement du capital de la dette, c'est différent. Ces dépenses pourront bien être liquidées et mandatées dans la limite des budgets 2015 de chaque région. Mais, à ce jour, la date de ces mandatements n'est pas encore techniquement assurée.

Cela signifie qu'il n'y aura pas de versement des salaires pour les agents territoriaux au 1er janvier 2016 ?
Pour le moment, aucune solution technique nationale n'a encore été arrêtée avec Bercy. Mais je ne doute pas que l'ARF (Association des Régions de France), qui mène cette discussion avec le ministère, parvienne à un accord. Il s'agit en effet de gérer l'organisation de deux flux comptables vers une paierie unique, qui est en cours de structuration à Toulouse. Cette mise en œuvre nécessitera par ailleurs l'utilisation nouvelle d'un processus de signature électronique.

Comment va s'organiser le travail de la future assemblée ?
L'Assemblée de la nouvelle région (158 élus) se réunira le lundi 4 janvier 2016 à Toulouse, chef-lieu provisoire de la nouvelle région. L'ordre du jour de cette première réunion est consacré à l'élection du président de Région, à la détermination de la Commission permanente (52 membres maximum dont 15 vice-présidents) et à l'élection de cette dernière.

La seconde réunion plénière, fin janvier certainement, permettra de délibérer sur le fonctionnement du Conseil régional : délégation du Conseil à la Commission permanente, délégation du Conseil au président, créations des commissions, etc.

Quand sera fixé le nom de la nouvelle région ?
La résolution unique (prévue par la loi) portant sur la fixation du nom définitif de la Région, de son chef-lieu définitif, de l'emplacement de l'Hôtel de Région, des règles de détermination des lieux de réunion du Conseil régional et de ses commissions, ainsi que ceux du Ceser, devra être adoptée avant le 1er juillet 2016.

Comment les services vivent-ils cette fusion ?
Le processus de fusion est lourd. Il révèle des pratiques organisationnelles, administratives et culturelles différentes. Il révèle également des diversités de politiques publiques pour des écosystèmes différents et des réalités territoriales construites par l'histoire.

Mais le projet d'union est exaltant tant les perspectives de réussite, de rationalisation et de novation sont grandes.

Bien sûr, au début de la démarche, nous avons pu percevoir un mouvement naturel de repli, chacun s'interrogeant sur son devenir personnel. Chacune des deux équipes en MP et en LR, a cru qu'elle était menacée. Chacun s'est dit qu'il pouvait être la victime de la rationalisation du personnel. Mais les présidents Damien Alary et Martin Malvy ont très rapidement su impulser la confiance nécessaire. Et aujourd'hui, un dialogue sincère et fructueux s'est instauré entre les deux administrations et tous nos agents mettent leur savoir-faire et leur mobilité intellectuelle à échanger et à partager.

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