Matinale d'Objectif News : « ATR vit un deuxième printemps »

Président exécutif d'ATR, Filippo Bagnato était ce 28 septembre l'invité de la Matinale organisée par Objectif News au Casino Théâtre Barrière de Toulouse. En présence de plus d'une centaine de personnes, il a évoqué le redressement d'ATR depuis 2004, la spécificité de son marché et sa stratégie auprès des compagnies aériennes. Il s'est aussi exprimé sur l'émergence de nouveaux acteurs mondiaux de l'aéronautique et les challenges qui attendent l'industrie européenne.Leader mondial des avions à hélice de 50 à 74 sièges, ATR revient de loin.

Président exécutif d'ATR, Filippo Bagnato était ce 28 septembre l'invité de la Matinale organisée par Objectif News au Casino Théâtre Barrière de Toulouse. En présence de plus d'une centaine de personnes, il a évoqué le redressement d'ATR depuis 2004, la spécificité de son marché et sa stratégie auprès des compagnies aériennes. Il s'est aussi exprimé sur l'émergence de nouveaux acteurs mondiaux de l'aéronautique et les challenges qui attendent l'industrie européenne.

Leader mondial des avions à hélice de 50 à 74 sièges, ATR revient de loin. La compagnie franco-italienne, dont le siège est à Toulouse, ne produisait plus que 14 appareils par an au début des années 2000. Mais en 2009, ATR a renoué avec la croissance, livrant 54 avions par an pour un chiffre d'affaires de 1,3 milliard de dollars, et a vu ses effectifs augmenter de 60%, passant de 540 employés en 2006 à 870 aujourd'hui. En septembre, ATR a ainsi livré son 900e appareil à la société brésilienne TRIP. Et vient de décrocher un contrat de 200 millions de dollars avec la compagnie Carribean Airlines.

La compagnie, née d'un partenariat entre EADS et Finmeccaninca, reçoit les fruits d'un « printemps » éclos en 2004, lorsque Filippo Bagnato arrive à la tête d'ATR. Ancien vice-président exécutif du développement technique, industriel et commercial de Finmeccanica, passé par le consortium Eurofighter et Lockheed Martin Alenia Tactical Transport Systems, cet Italien de 62 ans confesse « qu'à mon arrivée, en 2004, je n'avais pas grande expérience des marchés car je venais de l'aéronautique militaire, et j'étais anxieux car la restructuration d'ATR supposait de détruire des emplois ».

Première leçon, Filippo Bagnato comprend vite « que si vendre est difficile, acheter est encore plus difficile ! » Les premiers bourgeons du « printemps d'ATR » éclosent en 2004 grâce à l'Inde, où ATR travaille avec des compagnies low-cost. « Après cinq mois, on a gagné une première commande de trente avions. » Restait, après les clients, « à convaincre les actionnaires qu'il y avait un marché de reprise, et on a dû batailler pour leur montrer que c'était le moment de remettre de l'argent dans ATR pour monter en cadence ! » Aujourd'hui, la cadence est là : 70 appareils par an, pour un carnet de commandes comprenant 160 appareils, dont 89 sont des ATR 72-600 nouvelle génération.

Mais comment ATR a-t-il réussi à séduire ? Si 150 opérateurs lui font confiance dans plus de 80 pays, la raison en est à chercher dans la « proximité », fer de lance de la stratégie de l'avionneur. Pour Filippo Bagnato, il s'agit avant tout d'être au plus près des compagnies aériennes et d'accompagner leur démarche, notamment en leur évitant d'être trop engagées dans la logistique. « L'important, c'est de faire voler les avions ! Nous limitons l'investissement des compagnies aériennes dans le support, en entraînant les pilotes avec le simulateur de vol, afin d'assurer une disponibilité opérationnelle des avions de plus de 99% ». L'avantage des avions d'ATR est également de proposer des appareils « sans trop de sophistication, dont le coût de maintenance est faible ».

Si ATR envisage de passer à un appareil d'une capacité de 90 places, il n'est en revanche pas question de construire des avions plus rapides. En effet, sur le segment des moyens courrier, « la vitesse n'est pas importante quand on couvre une distance maximale de 800 km ». ATR refuse donc de jouer sur la vitesse, contrairement à son grand rival Bombardier, qui détient 40% des parts de marché des turbopropulseurs. Filippo Bagnato place en revanche ses espoirs dans le confort passager, « avec une réduction de 10 décibels, atteignant presque le même niveau de bruit qu'un jet » et une nouvelle cabine, « qui associe l'élégance italienne et la technologie française ».

Mais à l'heure du développement durable, c'est incontestablement sur les impacts environnementaux réduits du turbopropulseur par rapport à ceux d'un jet qu'ATR mise désormais. « La demande « verte » monte, à laquelle les ATR peuvent répondre, puisqu'un de nos appareils ne consomme que 700 kilos de kérosène contre 1.500 pour un jet. En une année, cela fait une différence de 350.000 gallons pour un avion de 70 places ! Multipliez ce chiffre par trois, et vous aurez la réduction d'émission de C02 par rapport à un jet ! » Une économie substantielle, puisqu'elle peut atteindre jusqu'à 1 million de dollars par appareil, ainsi que 120.000 dollars pour le niveau faible d'émissions gazeuzes (Emissions Trading Scheme-EU).

Proximité, simplicité, économie : autant d'atouts pour ATR, qui pour Filippo Bagnato vit « un deuxième printemps ». Craint-il l'émergence de nouveaux acteurs mondiaux, comme l'Inde ou la Chine ? « Il ne faut pas être arrogant, reconnaît le président exécutif. Certes, c'est assez simple de faire voler quelque chose, mais c'est plus difficile d'en faire un avion ! Cependant, quand il y aura un avion chinois, ATR devra faire encore mieux. » Mais pour protéger la position de leader d'ATR, Filippo Bagnato souhaite une révision de la présidence tournante, qui échoit tous les trois ans à un représentant soit d'EADS, soit de Finmeccanica. « Il faudra abandonner cette règle des drapeaux, qui est une vraie faiblesse pour l'Europe. » Une faiblesse d'autant plus gênante que la concurrence émergente est sérieuse, et que « l'Europe doit être capable de réagir et de se défendre. Or, le nerf de la guerre, c'est l'industrie, donc il faudra des investissements dans les quinze prochaines années ». Et dans cette guerre à venir, nul doute que Toulouse sera en première ligne, « car c'est l'une des meilleures divisions pour la future bataille de l'aéronautique ».

Simon Castéran

En savoir plus :
- www.atraircraft.com

En photo : Filippo Bagnato était président exécutif d'ATR de 2004 à 2007. Il l'est redevenu le 21 juin dernier, succédant à Stéphane Mayer (© Rémi Benoit)

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