Intelligence artificielle : le programme Watson révolutionne la recherche d'informations

Le programme d'intelligence artificielle Watson, conçu par IBM, modifie en profondeur les méthodes de recherche d'information, en stockant des millions de données sans être connecté à internet. Une révolution qui intéresse le secteur de la santé, poussant le géant américain à lancer, en avril dernier, Watson Health. Comment fonctionne ce nouveau programme sans équivalent ? Décryptage.
Développé depuis 2005, le programme d'intelligence Watson d'IBM s'oriente vers la santé et la finance
Développé depuis 2005, le programme d'intelligence Watson d'IBM s'oriente vers la santé et la finance (Crédits : reuters.com)

Descendant de Deep Blue, l'ordinateur d'IBM qui avait battu le joueur d'échecs Garry Kasparov en 1997, le programme Watson a été initié en 2005 par Charles Lickel, un responsable de la recherche chez IBM. À l'époque l'objectif est plutôt ludique : remporter l'émission Jeopardy!, un jeu télévisé américain de questions-réponses. Après plusieurs années de développement, le programme (mené par David Ferrucci) mène à bien ce pari. Watson participe à l'émission contre deux compétiteurs humains et la remporte en février 2011, empochant au passage un million de dollars, une somme reversée intégralement à des œuvres de charité.

Non connecté à internet pendant l'épreuve, le programme informatique a fouillé une énorme base de données de 200 millions de pages stockées dans ses serveurs pour répondre aux questions posées pendant l'émission. Contrairement à un moteur de recherche qui utilise des mots clefs, Watson est capable de comprendre le langage naturel. "Dans un dialogue, on contextualise les échanges, on n'est pas dans une recherche de mots clefs, mais dans une compréhension du sens, explique Pascal Sempé, le responsable du développement de Watson pour IBM France.

"Si je lui pose la question 'Je viens de me marier, en quoi cela impacte mon assurance ?', Watson comprendra le lien entre les deux alors qu'un moteur de recherche, non."

Le secteur de la santé intéressé

Cette capacité révolutionnaire intéresse rapidement l'assureur maladie Wellpoint et l'hôpital Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York, qui se rapprochent alors d'IBM pour utiliser Watson à leur profit.

"Quand des médecins ont compris que Watson avait trouvé des informations dans des textes non-structurés, ils sont venus à nous pour savoir s'il était possible de le transposer à la médecine, raconte Pascal Sempé.

"Watson est capable de manipuler des volumes colossaux d'information, 400 millions de documents en médecine. Or, les médecins, s'ils ne sont pas spécialistes, sont très vite dépassés par l'évolution constante de la recherche. Ils n'ont pas le temps de se tenir à jour et de tout lire. Ils ont donc besoin d'un outil qui puisse leur amener des informations et des hypothèses, tout en restant accessible à des non-informaticiens."

Personnifié pour les besoins de la promotion, Watson n'est pas une entité dotée d'une intelligence artificielle comme on peut en voir dans les films de science-fiction. "C'est un ensemble de capacités que nous assemblons en fonction des besoins du clients. C'est une machine maitrisée par l'homme, insiste Pascal Sempé. Pour étudier les données d'un patient, un module de Watson lit le corpus disponible, en extrait les données importantes et les transmet à un autre module qui fait des recherches." Le programme répond ensuite à la question posée, en sourçant ses informations pour expliquer ses hypothèses.

Car, en matière de santé, le programme Watson ne délivre pas un diagnostic mais des préconisations. "Il n'est pas là pour dire quelle maladie a le patient mais pour suggérer des prises en charge thérapeutiques, assure Pascal Sempé. C'est une aide à la décision pour les médecins."

Ceux-ci interviennent d'ailleurs dans la mise en place du système dans leur service car, avant de répondre aux questions, Watson doit se constituer un corpus composé du vocabulaire utilisé, des différents sens de ceux-ci, du jargon utilisé, des connaissances et de l'environnement du secteur dans lequel il va être déployé. Après avoir ingéré le résultat de cette curation réalisée par des humains, Watson doit encore apprendre à l'interpréter. Là encore, c'est un être humain qui dirige son apprentissage. "Comme avec un enfant à l'école, il faut lui poser des questions, lui expliquer pourquoi la réponse est bonne ou mauvaise. On l'entraîne à comprendre une question posée sous une dizaine de forme, ajoute Pascal Sempé. Et Watson poursuit ensuite son apprentissage de lui-même." Un apprentissage supervisé tout de même par des spécialistes.

Naissance de Watson Health

Après avoir investi un milliard de dollars en janvier et dédié une division au programme Watson en janvier 2014, IBM a lancé Watson Health en avril 2015. "Nous allons créer un écosystème d'entreprises qui produisent des données autour du patient, rapporte Pascal Sempé. L'idée est d'accumuler toutes les informations médicales et non-médicales sur les patients, mais de manière anonyme, pour pouvoir faire avancer la médecine et générer des marchés." Des partenariats allant dans ce sens ont récemment été signés avec Johnson & Johnson, un fabricant de prothèses, et Medtronic, spécialisé dans les pacemakers et les pompes à insuline.

Toujours dans la santé, IBM a signé en mai dernier un partenariat avec 14 établissements de santé américains pour "analyser plus rapidement le patrimoine génétique des patients et personnaliser leur traitement".

Bientôt disponible en français ?

Le programme Watson intéresse également d'autres secteurs comme la finance par exemple, car "les professionnels de ce secteur ont les mêmes besoins d'informations que ceux de la santé", constate Pascal Sempé. IBM s'est ainsi associé à la banque Softbank pour adapter Watson à la langue japonaise. Un partenariat du même type a été annoncé le 22 septembre dernier avec une banque française.

Ainsi, après l'anglais, l'espagnol, l'arabe, le brésilien et l'allemand, un Watson en français pourrait être disponible en 2016. Une nécessité pour conquérir le marché hexagonal. Déjà déployé aux États-Unis, Watson Health n'équipe en effet actuellement aucun établissement de santé français. Outre la barrière de la langue, le coût de la mise en œuvre (plusieurs millions d'euros) de Watson pourrait ralentir son développement. Des contacts sont cependant établis entre IBM et des agences gouvernementales ainsi que des établissements de santé, publics et privés. "Il faut des grands centres et des experts pour mettre en place Watson et le mettre ensuite à la disposition de toute la profession, estime Pascal Sempé. Le sens commun voudrait que cela soit mutualisé."

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.