Dépistage du cancer : Picometrics Technologies mise sur l'analyse de l'ADN

Analyser l'ADN circulant dans le sang pour dépister le cancer est une piste de plus en plus étudiée. Processus long jusqu'à présent, ces analyses pourraient être accélérées par une innovation développée à Toulouse par le LAAS et bientôt commercialisée par l'entreprise Picometrics Technologies. Le marché est estimé à plusieurs centaines de millions d'euros.
Représentation de la structure en double hélice de l'ADN

L'analyse de l'ADN circulant est une nouvelle approche de la lutte contre le cancer. "Il ne s'agit plus de repérer directement les cellules cancéreuses, mais de repérer leur présence par l'intermédiaire de l'ADN qu'elles libèrent dans l'organisme, et des mutations que porte cet ADN", selon l'Institut Curie. "Cela permet de détecter les tumeurs de façon plus précoce et de remonter à leur origine", ajoute Jean-Charles Garcia, le président de la biotech Picometrics Technologies, basée à Labège.

D'après des études récentes, l'analyse de l'ADN circulant pourrait remplacer les biopsies de tumeur, un acte traumatisant et douloureux pour les patients. "En plus d'être moins invasive, peu douloureuse et plus économique, la recherche des anomalies dans l'ADN tumoral circulant est une alternative fiable aux biopsies", affirme Jean-Yves Pierga, chef du département d'Oncologie médicale à l'Institut Curie.

Présent en infimes quantités dans le sang, il faut concentrer l'ADN circulant pour pouvoir l'analyser. Bonne nouvelle, c'est justement ce que permet une toute nouvelle technologie brevetée en 2013 par le LAAS (Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes)-CNRS et acquise cette année par l'entreprise Picometrics Technologies.

Une petite révolution

En biologie moléculaire, l'analyse de l'ADN est réalisée par une opération appelée électrophorèse qui permet de mesurer la longueur d'un fragment et de l'isoler. Jusqu'à la découverte du LAAS-CNRS, on avait principalement recours à une matrice de gel d'agarose, qui joue un rôle essentiel dans le processus de fragmentation. Très contraignante, cette technique "est tellement casse-pied que les laboratoires la sous-traitent à des entreprises spécialisées", sourit Aurélien Bancaud, l'un des chercheurs à l'origine de l'innovation.

"Complètement par hasard", Aurélien Bancaud et un collègue découvrent en 2012 "qu'en faisant couler de l'ADN dans une canalisation et en le ralentissant par un champ électrique, il est possible de séparer les molécules en fonction de leur taille". Très performante, cette nouvelle technique est beaucoup plus rapide que le processus au gel d'agarose. Elle permet de séparer des ADN en moins de 10 minutes et d'enrichir la concentration d'un fragment plus de 200 fois par minute. Au total, cette innovation pourrait ramener la durée de la manipulation et préparation d'ADN à une trentaine de minutes contre 5 heures actuellement.

"Notre prochain développement serait de concevoir un appareil pour séparer et préparer les échantillons en même temps. L'enjeu est d'avoir un bon rendement pour manipuler des volumes suffisants", prévoit Aurélien Bancaud qui a convaincu le Conseil régional de Midi-Pyrénées d'accorder une aide de 200 000 euros sur 3 ans pour financer la poursuite des recherches.

Brevetée en 2013, cette innovation a attiré l'intérêt de l'entreprise Picometrics Technologies (ex-Picometrics), rachetée et renommée la même année par trois investisseurs. "L'ancienne société fondée en 2000 vendait des systèmes de détection dans les biotechnologies, mais était en difficulté, explique Jean-Charles Garcia, le PDG. Nous avons poursuivi ses premières activités tout en investissant dans la recherche." En effet, après une année de maturation soutenue par Toulouse Tech Transfer, la technologie du LAAS-CNRS est acquise sous licence par Picometrics Technologies en 2015.

"Cette technologie qui permet de concentrer, purifier, séparer et collecter des molécules d'ADN en milieu humide est rapide et simple d'utilisation. Elle permet d'automatiser un processus à faible rendement, assure Jean-Charles Garcia. Le travail de validation est réalisé. Un démonstrateur existe. Il faut maintenant passer au stade de l'outil commercialisable et à l'industrialisation."

Mise sur le marché en 2016

Dans un premier temps, Picometrics Technologies vise le marché des équipements pour faire du préparatif. Ensuite viendra le temps des instruments de diagnostic. Deux marchés aux potentiels très importants. "Le premier pèse plusieurs centaines de millions d'euros et le second, plusieurs milliards, estime Jean-Charles Garcia. Nous prévoyons une mise sur le marché début 2016."

La société, actuellement à l'équilibre avec un chiffre d'affaires de 600 000 euros et 12 salariés, espère réaliser 5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2018. Pour accompagner cette montée en puissance, une levée de fonds de 1,5 million d'euros est en cours de préparation. "Nous sommes convaincus que nos produits vont modifier la façon d'aborder certaines questions biologiques, et seront utilisés à terme en biologie médicale", conclut Jean-Charles Garcia.

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