Patrice Simon, le Monsieur "Supercap" de Toulouse

Enseignant chercheur à l'université Paul Sabatier à Toulouse, Patrice Simon est un spécialiste des "supercap", les supercondensateurs (supercapacitor en anglais). Le CNRS vient de lui attribuer la médaille d'argent pour l'ensemble de ses travaux depuis 2006.
Patrice Simon

Patrice Simon est un chercheur heureux. Directeur de recherche de l'Institut de recherche européen Alistore du CNRS et directeur adjoint du Réseau sur le stockage électrochimique de l'énergie, il vient de recevoir la médaille d'argent du CNRS pour l'ensemble de ses travaux depuis 2006. "Un très grand honneur", selon lui. Si le CNRS lui a attribué cette récompense, c'est en raison d'une découverte fondamentale réalisée en 2006.

Pour la comprendre, il faut d'abord saisir la différence entre un supercondensateur et une batterie.

"Celle-ci délivre un courant moyen pendant un certain temps tandis qu'un super-condensateur envoie une grande source d'énergie pendant quelques secondes, explique Patrice Simon. On peut comparer la batterie à un grand barrage dont le tuyau de vidange est tout petit alors que le super-condensateur serait une petite retenue avec un tuyau bien plus large permettant une vidange plus rapide."

Entre les deux modèles de stockage d'énergie, le rapport est environ de 1 à 30. Les batteries emmagasinent 30 fois plus d'énergie, mais les super-condensateurs ont 30 fois plus de puissance. Ils prennent aussi 30 fois plus de place car l'énergie est stockée à la surface du matériau composant le super-condensateur, et non dans son volume même comme c'est le cas pour une batterie.

L'intérêt ? "Une batterie ne peut pas recevoir ou délivrer de grandes quantités d'énergie en peu de temps. Sinon, elle s'use, précise le chercheur. De plus, quand une batterie a une durée de vie de 2 000 ou 3 000 cycles (charge et décharge de la batterie), un super-conducteur en a une de plus d'un million."

Augmenter la surface et donc l'autonomie

Si sa durée de vie est importante, le super-condensateur a une faible autonomie. Et c'est justement là-dessus que travaille Patrice Simon. "L'objectif est d'augmenter la surface poreuse et polarisée des matériaux, explique-t-il, mais ce n'est pas une chose aisée." L'idée de base est de percer des pores dans les matériaux afin d'y faire circuler les ions.

"Tout le monde pensait que les ions sulfates mensurant 1,5 nanomètres, il était inutile de faire des pores plus petits. En 2006, nous avons démontré que c'était faux car les ions perdaient leurs molécules de solvant en entrant dans les pores, ce qui permettait de stocker 2 à 3 fois plus d'énergie."

Depuis cette découverte publiée dans le magazine Science, le chercheur et son équipe essaient de comprendre le pourquoi du comment. "C'est formidable, après près de 10 ans de travail, nous n'avons pas encore tout compris, s'enthousiasme Patrice Simon. Nous avons été pionniers."

Des pionniers qui ont permis aux industriels de repenser le stockage d'énergie et d'adapter leurs matériaux de carbone pour développer des supercondensateurs se déchargeant plus lentement. "Je n'aurais pas la prétention de dire que mes travaux ont ouvert un nouveau champ de recherche mais il est vrai que de nombreux théoriciens se sont penchés sur la question depuis notre découverte", se félicite Patrice Simon.

Des applications multiples

Du point de vue des applications, les possibilités sont nombreuses. C'est de plus en plus souvent un supercondensateur qui envoie la charge électrique nécessaire pour redémarrer une voiture thermique à l'arrêt (technologie stop-start). Comme il se recharge vite, il peut aussi récupérer l'énergie d'un freinage, sur les trams notamment. Il est également utilisé dans les portes de l'A350 pour les ouvrir en cas d'urgence.

Autre exemple pris par Patrice Simon : le bateau bus électrique mis en service à Lorient en 2013. "Il ne fonctionne qu'avec des supercondensateurs car le trajet entre chaque arrêt ne dure pas plus de 7 min, s'enthousiasme-t-il. Une fois à quai, il ne lui faut pas plus de 4 min pour recharger ses batteries pendant que les passagers débarquent et embarquent."

Les supercondensateurs sont-ils l'avenir des déplacements urbains ? Pas si sûr. "Ils peuvent remplacer les batteries dans certains cas, mais du fait de leur autonomie limitée, ils viennent surtout en complément, assure le scientifique. Il y a un an, il y a eu un buzz sur les batteries de téléphone portable qu'on allait pouvoir recharger en 5 secondes. C'est un leurre. Dans ces conditions, un portable qui recharge en 5 secondes se décharge en 5 secondes également."

Qu'est-ce que la médaille d'argent du CNRS ?

La médaille d'argent du CNRS distingue un chercheur pour l'originalité, la qualité et l'importance de ses travaux, reconnus sur le plan national et international.
En 2015 dans toute la France, le CNRS a décerné 40 médailles de bronze, 17 médailles d'argent et 21 médailles de cristal.
Les scientifiques toulousains en ont récolté 5, dont 2 (matériaux et astrophysique) en argent, 2 (archéologie et robotique) en bronze et une en cristal (administration).

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