Pourquoi ne doit-on pas parler de "cryptage" en informatique

Entre "chiffrement" et "cryptage", la guerre des mots est déclarée. Pour les spécialistes de l'informatique, le second terme est inapproprié. Ils expliquent pourquoi.
© photo Kacper Pempel / Reuters

C'est une confusion qui a le don d'agacer les spécialistes. Peut-on, en bon français, parler indifféremment de "cryptage" des données, ou de "chiffrement" ? Pour le bloggeur Stéphane Bortzmeyer, la réponse est claire, c'est non.

"On voit souvent le terme de "cryptage" apparaître dans les articles ou messages au sujet de la cryptographie. Mais ce terme n'existe pas en français et, pire, représente une erreur de compréhension", explique-t-il.

La cryptographie est, selon le Robert 2011, "un procédé permettant de rendre un message inintelligible et de protéger les données".

"Le message ou "texte en clair" est transformé par un algorithme paramétré par une clé (une suite de nombres), précise Stéphane Bortzmeyer. La connaissance de l'algorithme et de la clé est normalement nécessaire pour opérer la transformation inverse et donc pour lire le message."

Certaines techniques, regroupées sous le terme de cryptanalyse, permettent de déchiffrer un message chiffré sans posséder la clé de chiffrement.

De ces notions découlent trois actions :

  • Chiffrer = coder le texte en clair, grâce à la clé, pour rendre un texte illisible.
  • Déchiffrer = décoder pour retrouver le texte en clair quand on connaît le code.
  • Décrypter = décoder quand on ne connaît pas le code grâce à la cryptanalyse.

"Crypter voudrait donc dire coder sans clé, n'importe comment, sans aucune possibilité de décoder après opération, commente Stéphane Bortzmeyer. Utiliser ce terme est une erreur de compréhension."

Pour ceux qui aiment les dessins, voici comment le bloggeur Ryfe définit ces différents termes :

Crytage n'existe pasUn anglicisme

Si, pour le Robert 2011, "cryptage" signifie "une opération par laquelle un message est rendu inintelligible à quiconque ne possède pas la clé permettant de retrouver la forme initiale", le terme "n'est pas français" selon Stéphane Bortzmeyer. Son homologue Ryfe le confirme : "Les termes 'encryptage', 'cryptage' et leurs dérivés sont des anglicismes récents, tirés de l'anglais 'encryption'".

Sur internet, les sources divergent. Wikipédia renvoie automatiquement vers l'article "chiffrement" et relève que "selon le Grand dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française, la tendance actuelle favorise les termes construits avec crypt-". L'encyclopédie en ligne ajoute cependant que l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information qualifie "d'incorrects 'cryptage' et 'chiffrage'".

Du côté des autres dictionnaires en ligne, "cryptage" est plutôt inconnu. Le Trésor de la langue française ne connaît pas "cryptage" et le Dictionnaire de l'Académie Française qualifie "cryptage" de "une forme introuvable". Seul le Larousse le définit maladroitement comme "la transformation d'un message en clair en un message codé compréhensible".

En conclusion, "cryptage" est un anglicisme, synonyme imprécis de "chiffrement". Si vous voulez briller en société, préférez ce dernier.

Nota Bene :

Suite aux remarques avisées de nombreux lecteurs, nous avons remplacé chiffrage (action de chiffrer) par chiffrement (procédé de cryptographie) plus utilisé dans la communauté informatique.

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Commentaires 4
à écrit le 19/02/2015 à 17:33
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Je me sens moins seul ... Ceci dit vaut-il mieux utiliser le bon terme au risque de ne pas être compris ou utiliser le terme vulgaire pour mieux se faire comprendre et accessoirement ne pas passer pour un pédant réactionnaire ?

le 20/02/2015 à 17:50
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On m'a toujours compris lorsque je parlais de chiffrer de la donnée, même si je parlais à des profanes. Mais je pardonne facilement l'erreur. Pour le chiffrage, on est dans l'informatique, pas dans la comptabilité. C'est un peu comme dire qu'un d...

à écrit le 18/02/2015 à 20:57
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Tous les experts en cryptographie que je connais ont un frisson dans le dos quand ils entendent cryptage. Et oui, on préfère chiffrement; et non pas chiffrage (ce terme est utilisé par des ingénieurs ou des comptables pour mesurer le coût d'un projet...

à écrit le 18/02/2015 à 17:27
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Je pense quà la place de "chiffrage" vous devriez parler de "chiffrement"...

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