Protonthérapie : Montpellier dénonce "l'amateurisme toulousain"

"Le projet de protonthérapie devrait rester entre les mains des spécialistes", proclame David Azria. Ce cancérologue reconnu internationalement est le porteur du projet montpelliérain pour l'implantation d'un centre de protonthérapie doté de 40 à 50 millions d'euros. Il dénonce "la lettre au Père Noël" envoyé par le Ceser Midi-Pyrénées la semaine dernière à Manuel Valls pour soutenir le projet toulousain et propose "des arrangements homogènes" entre les deux métropoles pour porter la nouvelle grande région de la santé. Interview.
Le cancérologue David Azria porte le projet de protonthérapie à Montpellier.

La semaine dernière, le Conseil économique et social (Ceser) de Midi-Pyrénées a adressé une lettre ouverte à Manuel Valls pour soutenir le projet de protonthérapie à Toulouse. Cette prise de position vous a ulcéré. Pourquoi ?

Il est temps de siffler la fin de la récréation. J'ai reçu des messages de 4 ou 5 associations de patients atteints de cancer et elles sont écœurées par ce type de comportement. Il s'agit d'un sujet très important et qui ne devrait pas être la variable d'ajustement pour servir des intérêts politiques ou économiques. La protonthérapie (et la radiothérapie en général) ne doivent pas être laissées entre les mains de non-avertis, au risque de desservir les projets. Le Ceser Midi-Pyrénées commet de graves erreurs : Toulouse n'est absolument pas dans l'organisation hospitalière interrégionale pédiatrique de Montpellier, et donc ne coordonne ni Bordeaux, ni Montpellier. C'est Bordeaux qui coordonne Toulouse, et Marseille qui coordonne Montpellier.

Ensuite, à Toulouse, le projet de protonthérapie est porté par Michel Attal, le directeur général de l'Institut Claudius Regaud. Ce dernier est un hématologue internationalement reconnu (branche de la médecine qui s'intéresse aux maladies du sang, NDLR). Va-t-on laisser un non radiothérapeute défendre ce programme important pour la future grande région devant un jury d'experts en radiothérapie ? En tant que président du groupe de recherche et d'innovation de l'ensemble des centres de lutte contre le cancer (groupe Unitrad), ce n'est pas Toulouse ou Montpellier que je défends mais la radiothérapie du grand sud.

Vous estimez-vous davantage légitime pour porter la protonthérapie dans le Grand Sud?

Le 21 octobre dernier, j'ai reçu aux États-Unis le Translational Science Abstract Award, le prix qui distingue chaque année les médecins-chercheurs les plus influents et reconnus internationalement dans le domaine de la biologie. J'ai été récompensé pour mes travaux sur la mise au point d'un test de radiosensibilité qui permet par une simple prise de sang de prédire quels sont les patients risquant des effets secondaires de la radiothérapie à long terme. Or, la protonthérapie permet justement de limiter les effets secondaires des radiations et de ne pas toucher les tissus sains. Ce test sera donc la base du développement de la protonthérapie personnalisée à Montpellier. Je le répète : ce projet devrait rester entre les mains des spécialistes. Il faut tenir compte des expertises dans chaque métropole de la future grande région et arriver à des arrangements homogènes en matière de santé.

Que voulez-vous dire par "arrangements homogènes" ?

J'ai proposé la semaine dernière à l'Agence régionale de santé (ARS) une répartition cohérente basée sur l'expertise, et j'attends son retour. Ainsi, Toulouse vient de décider qu'elle allait s'équiper d'une radiothérapie spécialisée en neurochirurgie, "le GammaKnife". Or, Montpellier dispose de grands spécialistes en neurochirurgie (chirurgie éveillée avec le Pr Hugues Duffau) avec une réputation internationale. Néanmoins, nous serions prêts à renoncer à nous équiper d'un telle infrastructure (relativement coûteuse) et à participer au projet toulousain. Mais, en échange, Toulouse doit participer à notre programme de protonthérapie adaptée aux tissus sains. Il faut trouver des synergies entre les deux métropoles sinon on va tuer dans l'œuf la grande région de la santé.

Vous en avez discuté avec les instances toulousaines ?

J'ai laissé un message à Michel Attal la semaine dernière mais je n'ai pas eu de retour. Toulouse ne peut pas continuer à travailler en autarcie si elle veut être reconnue au plan national et international. Elle doit apprendre à travailler avec les autres métropoles, c'est une démarche que Montpellier a engagée depuis plusieurs années avec Nîmes, Barcelone et Marseille.

Les porteurs de projets de Midi-Pyrénées ont créé le comité Toulouse Excellence santé, le Ceser a envoyé la semaine dernière une lettre qui fédère des acteurs de la filière santé et du spatial. De son côté, Montpellier est en retrait dans les médias. Qu'allez-vous faire pour porter votre projet?

Envoyer une lettre au Père Noël n'a pas pas beaucoup d'effets et cela peut même s'avérer contre-productif si l'on dit des erreurs. De mon côté, je refuse que le projet soit porté par quelqu'un d'autre que moi. La radiobiologie et le soin doivent rester au cœur du projet.

Pourtant, les protons peuvent également servir à tester les satellites ou les avions et aiguisent l'appétit des industriels...

Il s'agit d'utilisations secondaires et non-substantielles. Airbus irradie déjà ses engins et n'a pas besoin de nos projets de protonthérapie pour le faire. De plus, 80 % des composants d'Airbus viennent de Béziers donc le raisonnement ne tient pas.

Quels sont les atouts de Montpellier en la matière ?

Montpellier a conçu le premier nanosatellite envoyé dans l'espace avec la Nasa en 2006 dans le cadre du projet Robusta. Le programme de nanosatellites (satellites de 1 à 10 kilos) est porté par l'équipe de Montpellier dans le cadre du projet TechProM avec la French Tech. Par ailleurs, le Centre spatial universitaire Montpellier-Nîmes, dont la création a été votée en 2011, a pour vocation de fédérer les activités nanosatellites de la région.

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