Ski : face au manque de neige, les stations des Pyrénées se diversifient

Avec les chutes de neige aléatoires et l'évolution des habitudes de ski, les stations et les exploitants des Pyrénées cherchent à développer de nouvelles activités : sentiers piétons, visites touristiques, plateformes de réservation d'hébergements... Les deux poids lourds régionaux (Altiservice et N'Py) misent également sur l'essor des téléphériques urbains.
L'hiver dernier, la station de ski Luchon-Superbagnères avait ouvert mi-janvier.

L'hiver dernier à Luchon-Superbagnères, il a fallu attendre la mi-janvier pour ouvrir les pistes de ski. Le manque de neige en début de saison a pesé lourdement dans les résultats de la station de ski : "C'était la première fois qu'on ouvrait aussi tard. Notre chiffre d'affaires a chuté de 26 % (passant de 4,3 à 3,5 millions d'euros d'un hiver à l'autre). La fréquentation a elle aussi chuté de 23 % avec 160 000 journées de ski (contre 220 000 habituellement). Espérons que cette année nous pourrons ouvrir en décembre", glisse Patrice Gaut, directeur de la station de Luchon-Superbagnères. Avec le réchauffement climatique, la situation pourrait empirer dans les années à venir .

Dans un rapport de la Cour des comptes publié l'an dernier, Météo France estime que, "selon différents modèles, la hausse attendue des températures serait comprise entre 1 et 1,4 degré en 2030, jusqu'à + 3,5 degrés à horizon 2080" et qu'"une hausse de température moyenne de deux degrés ferait perdre jusqu'à un mois d'enneigement en moyenne montagne", les premières touchées étant les stations de basse altitude. À cette donnée météo, s'ajoute une évolutions des habitudes des touristes qui concernent même les grands sites de haute altitude. "Aujourd'hui, les consommateurs ne cherchent plus à skier de 9h à 17h. Ils ont envie après le ski d'aller au restaurant. Les activités annexes sont de plus en plus développées", assure Christine Massoure, directrice générale de N'Py, société détenant 55 % du marché des Pyrénées avec sept domaines skiables (dont le Tourmalet et Cauterêts) et trois sites remarquables dont le Pic du Midi. Dans ce contexte, il devient de plus en plus difficile pour les stations de rentabiliser les lourds investissements engagés pour maintenir à la pointe les pistes de ski. À tel point que selon la Cour des comptes, "le niveau d'endettement des stations atteint régulièrement 300 % ou 400 % du chiffre d'affaires". Alors pour combler les pertes, l'heure est à la diversification des activités dans les Pyrénées.

DÉVELOPPER D'AUTRES ACTIVITÉS

Première piste envisagée : développer les activités sportives en dehors du ski.

"Le pays de Luchon dispose déjà de 250 kilomètres de pistes pour les VTT. Nous allons investir près de 100 000 euros pour créer de nouvelles pistes ainsi qu'un bikepark dédié à l'apprentissage du VTT. Par ailleurs, nous voulons améliorer la zone de décollage afin de développer le parapente. Enfin, nous allons lancer à l'été 2017 une tyrolienne de 1,7 kilomètre pouvant aller jusqu'à 130 km/h", détaille Patrice Gaut, directeur de la station de Luchon-Superbagnères.

Objectif espéré : multiplier par deux (voire par quatre) le chiffre d'affaires estival qui est actuellement de 250 000 euros (contre 4 millions en moyenne l'hiver). En parallèle, à Luchon comme au sein des quatre stations de l'exploitant Altiservice, on aménage des pistes pour les piétons. "Nous avons lancé depuis le 3 décembre des sentiers givrés pour permettre aux contemplatifs d'avoir un aperçu de la chaîne des Pyrénées catalanes", poursuit Yves Rougier, directeur général d'Altiservice.

Pour capter une clientèle de "contemplatifs", Altiservice organise également des visites des installations de neige de culture et des séminaires pour les entreprises. Les acteurs du ski cherchent également à développer les visites touristiques. Chez Altiservice, le petit train d'Arouste qui parcourt les Pyrénées représente à lui seul 10 % du chiffre d'affaires de l'exploitant avec 100 000 billets vendus l'été dernier.

Afin de s'adapter à la forte hausse de la fréquentation (de 250 000 à 400 000 journées ski en 15 ans), la station Ax 3 Domaines a complètement réaménagé son pied de piste, en dégageant notamment un espace pour les débutants. La surface de ski passe ainsi de 5 000m2 à 10 000m2 afin d'offrir aux utilisateurs une surface d'apprentissage plus aérée. Un chantier à 3 M€ répartis entre plusieurs investisseurs.

LE THERMALISME, UN ATOUT POUR LES PYRÉNÉES

Autre axe de développement envisagé : le thermalisme. "Les thermes naturels sont une particularité des Pyrénées que l'on ne retrouve pas dans les Alpes et qu'il conviendrait de développer encore davantage", estime Jean Canal, président de la Confédération pyrénéenne du tourisme. Selon une enquête du CPT, les Pyrénées représentent 19 % du marché national du thermalise (avec 23 établissements). 2,8 millions de nuitées thermales ont été enregistrées en 2015 sur l'ensemble de la chaîne de montagne.

L'activité a rapporté 52 millions d'euros de chiffre d'affaire et indirectement 188 millions d'euros au territoire. Cela veut dire qu'1 euro dépensé pour un client permet de générer 3,61 euros de retombées économiques dans la région. L'activité est donc plus rentable que les ski de randonnée ou les raquettes (1 euro dépensé = 1,5 euros de retombées) mais reste beaucoup moins rentable que les remontées mécaniques qui permettent de réaliser 7 euros pour 1 euro dépensé.

LE GRAND CHANTIER DE RÉNOVATION DES HÉBERGEMENTS

"Les activités hors-ski ne représentent que 10 % du chiffre d'affaires. Sans la neige, il n'y a plus rien, confirme Christine Massoure, directrice générale de N'Py. Il n'existe pas d'activité miracle pour remplacer le ski qui est l'activité structurante du territoire". Puisqu'il n'existe pas d'alternative, les stations et leurs exploitants multiplient les micro-activités en dehors des pistes. N'PY a investi depuis 2015 dans une place de marché qui permet d'acheter son forfait ski, réserver son hébergement et des soins dans les centres de bien-être.

L'exploitant a également noué un partenariat avec Affiniski pour faciliter la rénovation des hébergements de haute-montagne. "Il existe beaucoup d'hébergements vieillissants datant des années 70-80 . Mais pour un propriétaire habitant Paris, Bordeaux ou Toulouse, il est difficile de faire des allers-retours pour suivre les travaux de rénovation. Nous avons donc mis au point une solution clé en main qui accompagne les propriétaires du montage financier à la réception des travaux en passant par la réalisation de devis auprès des prestataires", avance Christine Massoure, directrice générale de N'Py.

QUID DES TÉLÉPHÉRIQUES URBAINS ?

Dernière piste de diversification pour les exploitants : le téléphérique urbain. N'Py et Altiservice se sont tous les deux positionnés sur l'appel d'offres pour le projet toulousain qui doit relier l'Oncopole, le CHU de Rangueil et l'université Toulouse-3 Paul-Sabatier qui représente un budget de 80 à 100 millions d'euros. En service depuis quelques semaines à Brest, ce mode de transport semble séduire de nombreuses villes en France et en Europe et les exploitants y voient un levier de croissance."L'expertise acquise par Altiservice dans les remontées mécaniques peut être valorisées via ce type d'activités", explique Yves Rougier, directeur général d'Altiservice. De son côté, N'Py y voit "une manière de fidéliser et d'attirer des cadres qui avaient jusqu'ici peu de perspectives d'évolution dans leur métier au-delà de l'exploitation des remontées mécaniques".

Les Pyrénées en chiffres

Les Pyrénées comptent 767 pistes et 401 remontées mécaniques. Ces dernières ont généré 102 millions d'euros de chiffre d'affaires et 4,5 millions de journées skieurs durant la saison d'hiver 2015-2016 selon la Confédération pyrénéenne du tourisme.

Le secteur bien-être et détente (qui comprend notamment les spas) a réalisé 12,33 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015 et 1 million d'entrées journées. Les espaces nordiques (ski de fond et raquettes) ont enregistré 1,1 million d'euros de revenus sur 311 000 journées. Les Pyrénées concentrent 19% du marché national du thermalisme avec 23 établissements, 2,8 millions de nuitées et une activité de 52 millions d'euros.

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