Éric Charpentier, prochain "Bill Gates du Volvestre" ?

On le dit "fou", "audacieux", "persuasif" et "charismatique" : Éric Charpentier va vite, très vite. Payname, sa dernière entreprise, créée en 2013, compte aujourd'hui 25 salariés sans pour autant être rentable. Spécialisée dans la fintech, la startup toulousaine et son fondateur ont toutefois les arguments pour convaincre les investisseurs qui, comme Denys Chalumeau, le fondateur de Seloger.com, lui font confiance. Après deux échecs, le dernier rebond d'Éric Charpentier sera-t-il le bon ? Lui, en tout cas, croit dur comme fer en sa bonne étoile.
Éric Charpentier, fondateur de Payname

Lancé à 26 ans dans le bain de l'entrepreneuriat, Éric Charpentier a bu la tasse à deux reprises avant de sortir la tête de l'eau en fondant Payname en 2013. Dix ans plus tôt, ce natif de Rieumes (31) crée l'agence de services à la personne Vitali à Muret, au sud de Toulouse. L'expérience n'est pas concluante et cette affaire périclitera avant d'être liquidée en 2010. "Avec 1 500 euros, on ne va pas très loin, même si avec l'enthousiasme, on pense que cela va marcher", reconnaît-il aujourd'hui.

D'enthousiasme, le jeune entrepreneur n'en manque pas. En 2007, Éric Charpentier se lance dans une nouvelle aventure avec Dwého, une place de marché numérique, toujours autour du service à la personne. En 2009, le site se recentre sur la recherche de personnel ménager et réalise alors un chiffre d'affaires de 3 millions d'euros. Ce "gros carton" attire le fond d'investissements Generis Capital Partners, qui entre au capital de Dweho en décembre 2010. Entre le fondateur et les actionnaires, la mayonnaise ne prend pas. Un an plus tard, un manque de trésorerie conduit Éric Charpentier à déposer le bilan de sa société, puis à en démissionner, le 5 janvier 2012.

"La rentabilité prévue n'était pas atteinte. Le différentiel était de l'ordre de 200 000 à 300 000 euros, expliquait-il alors à La Tribune-Objectif News. Generis Capital Partners a alors fait une proposition de refinancement que j'ai refusée car elle était inacceptable. Ils étaient prêts à remettre de l'argent à condition que je sois débarqué."

À l'époque, la tension entre les deux partenaires est si forte que Thibaut de Roux, alors directeur général du fonds d'investissements, n'y va pas par quatre chemins au sujet d'Éric Charpentier : "Il a beaucoup de qualités en termes de communication et de stratégie internet, mais il faut aussi savoir gérer une entreprise." Des critiques toujours d'actualité selon certains acteurs économiques toulousains qui mettent en doute la stratégie et la communication de Payname aujourd'hui.

Le rebond

Après cette "grosse tambouille", Éric Charpentier met un an à tourner la page. Un temps nécessaire de "réflexion et de tâtonnements" avant de lancer un nouveau projet. Créée en 2013, Payname est dans la lignée de ses entreprises précédentes. Après avoir mis en relation clients et prestataires, l'entrepreneur veut faciliter le paiement des prestations entre particuliers en permettant "en un seul clic, de déclarer, d'assurer et de payer une personne qui vous a rendu service".

Pour financer les premiers pas de son entreprise, Éric Charpentier rassemble 300 000 euros, dont un tiers, investi par Denys Chalumeau, le fondateur de Seloger.com.

"Quand j'ai lancé Sefaireaider.com, je voulais mettre en place un système de paiement avec l'Ursaff. Payname le faisait déjà. Plutôt que de réinventer la poudre, j'ai investi, explique Denys Chalumeau. Je suis un grand fan d'Éric. Il m'a parlé avec honnêteté de ses difficultés précédentes. J'ai vu qu'il était dans le rebond et son charisme m'a impressionné."

En mars 2014, la jeune entreprise étend son offre, notamment aux achats sur leboncoin.fr, en proposant une garantie de paiement pour le vendeur et un débit bancaire à la réception du colis pour l'acheteur. Pour acquérir de nouveaux utilisateurs, Payname met ensuite en place une cagnotte en ligne complètement gratuite. Puis, histoire de monétiser ses services, la startup propose des services prémium pour les professionnels, dont chaque transaction est déduite d'une commission de 1,5 %.

"Depuis le 1er janvier 2015, les places de marché, comme CDiscount par exemple, n'ont plus le droit d'encaisser directement, explique Éric Charpentier. Elles doivent passer par un module de paiement comme le nôtre. Notre vocation est de sécuriser l'argent des consommateurs. Les fonds échangés sont placés sur un compte séquestre."

Petit à petit, Payname, qui annonce vouloir émettre une carte de paiement, s'oriente résolument vers un modèle de banque collaborative. "Nous revenons aux bases de la banque, c'est-à-dire à un lieu de stockage sécurisé et pas un endroit qui spécule et fait payer des frais de gestion." Début juillet, Payname a d'ailleurs obtenu l'agrément bancaire délivré par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ce qui lui permet d'accélérer le développement de son activité d'encaissement pour compte de tiers.

"Aller vite et loin"

Un changement d'orientation qui enthousiasme le fondateur de cette fintech française très suivie. "C'est ça qui est magique dans l'entrepreneuriat, s'exclame-t-il. On commence par une activité connue et on arrive à quelque chose qu'on découvre. Grâce aux usages numériques, il n'y a presque plus de barrières."

Denys Chalumeau, qui fait office de mentor auprès du Haut-Garonnais, semble lui-même impressionné par les réalisations de son protégé :

"Il a su faire évoluer son produit en un an et demi et prendre des risques sans savoir s'il aurait de l'argent. On peut dire que c'est un fou. Il a une foi aveugle dans son projet. Ce qu'il est en train de faire est extraordinaire. Je n'imaginais pas qu'il irait aussi vite et loin. Éric Charpentier est un gars à suivre."

Car la startup, si elle n'est pas encore rentable, embauche à vitesse grand V. Elle pourrait compter une cinquantaine de salariés en 2016.

"C'est un chef d'orchestre, poursuit Denys Chalumeau. Il a su s'entourer des bonnes personnes et faire un bon enchaînement de dépenses en embauchant des développeurs, puis des juristes, et enfin des spécialistes du marketing."

En bon meneur d'hommes et de femmes, "il se repose beaucoup sur ses équipes, il est à l'écoute, remarque Édouard Forzy, le président de La Mêlée, l'association fédératrice des acteurs de l'économie numérique en Midi-Pyrénées. Mais il a son caractère : on peut s'engueuler avec lui, même si cela ne m'est pas arrivé personnellement."

"À 25 personnes, on ne peut pas tout faire. Il doit déléguer pour ne pas s'essouffler et recruter un numéro 2, conseille cependant Denys Chalumeau. C'est ce que j'ai fait avec Amal Amar, sans qui je n'aurais rien pu faire."

Un funambule à la campagne

Menant de front l'obtention de l'agrément bancaire et une levée de fonds importante, Éric Charpentier a également anticipé la croissance de son personnel. Logée dans les locaux de La Cantine à Toulouse, Payname déménagera dans quelques mois dans ses nouveaux locaux à Saint-Élix-Le-Château, à 50 kilomètres au sud de Toulouse.

"Ce retour aux sources qu'il prépare est une bonne idée, mais risquée. Quand les gens font ça, c'est qu'ils s'appellent Google, observe Édouard Forzy. Mais Éric Charpentier un entrepreneur averti qui a connu l'échec. Il a une vision à long terme comme un Ludovic Le Moan. Nous le connaissons depuis 11 ans. C'est quelqu'un de très entier qui va au bout de ses ambitions. Nous sommes heureux qu'il soit en train de percer."

Dans le Volvestre, où Payname va établir ses quartiers, l'entrepreneur est unanimement apprécié. "Ce n'est pas commun de vouloir s'installer à la campagne, constate François Deprez, le maire sans étiquette de Saint-Élix-Le-Château, une petite commune de 800 habitants. Le fait d'avoir fait adhérer ses 25 salariés à ce projet montre qu'il a une force de persuasion et beaucoup de volonté."

"J'admire Éric même s'il me fait peur parfois, avoue Dominique Valentin, président du club des entrepreneurs du Volvestre. C'est un funambule qui essaie de révolutionner des modèles bien établis. Il a beaucoup d'audace car son modèle économique doit faire ses preuves. Il va vite mais il n'a pas le choix car il y a de la concurrence. Soit il devient le Bill Gates du Volvestre, soit cela fera patatras."

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Commentaires 2
à écrit le 01/09/2015 à 22:44
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Vive les Rivois Entrepreneurs 😜

à écrit le 01/09/2015 à 9:01
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Toute ton équipe est fière de toi Éric...

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