LGV Bordeaux-Toulouse : quelles pistes innovantes pour financer le projet ?

Emprunts à très long terme, fonds européens, investisseurs privés... Quelles pourraient-être les solutions pour financer la future LGV Bordeaux-Toulouse ? Alors que l'État et les collectivités locales peinent de plus en plus à trouver les fonds nécessaires, tour d'horizon des pistes évoquées lors d'un colloque organisé le 31 mars à Toulouse.

Comment financer la LGV Bordeaux-Toulouse ? À un an du lancement programmé des travaux, les collectivités ne savent toujours pas comment payer les 9,2 milliards d'investissements nécessaires au projet. Le 31 mars dernier, élus et chefs d'entreprise ont débattu sur le sujet à l'occasion d'un colloque organisé à Toulouse par Eurosud Transport, association de promotion de la ligne à grande vitesse du Sud-Ouest. Plusieurs pistes de financements innovants ont été évoquées.

Les fonds européens

Les défenseurs du projet espèrent déjà décrocher des fonds européens. Depuis quelques années, l'Europe met les bouchées doubles pour financer les grands projets de transport, notamment en France.

"Jusqu'en 2008, l'Europe investissait seulement 4 milliards d'euros par an en France, une moitié allant vers le privé et une autre vers le public. Mais, depuis la crise, les institutions financières européennes viennent couvrir les besoins accrus que les collectivités locales ne peuvent plus financer. Depuis 2013, l'Europe verse 8 milliards d'euros par an en France pour de grands projets transports, dont près de 80 % à destination du public", explique Stéphane Viallon, responsable du secteur public de la Banque européenne d'investissement à Paris.

Dernier exemple en date, le 29 juin dernier, la Commission européenne a publié une première liste de projets éligibles aux financements prévus dans le cadre du "Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe" pour un montant total de 13 milliards d'euros. Parmi eux figurent deux projets soutenus par Eurosud Transport : Montpellier-Perpignan (11,6 millions d'euros) et Bordeaux-Dax (52,4 millions d'euros).

Des emprunts à très long terme

"Il faut envisager leur financement et leur rentabilité sur leur durée de vie qui dépasse le siècle, comme un emprunt de très long terme", a fait remarquer en introduction du colloque Jean-Louis Chauzy, le président d'Eurosud Transport. C'est la solution qui a été adoptée pour financer le Grand Paris, un nouveau réseau de métro de 200 kilomètres qui va coûter 25 milliards d'euros. Les premiers emprunts ont été contractés auprès de la Caisse des Dépôts - selon un taux basé sur le livret A - et de la Banque européenne d'investissement, à un taux fixe très bas, les seules institutions financières à prêter actuellement sur 30-40 ans. Encore rare, ce mode de financement n'est pourtant pas nouveau. "Il faut rappeler que le métro historique de Paris a fini d'être remboursé en 1973 pour des emprunts contractés en 1900 !", a souligné Bernard Cathelain, membre du directoire de la société du Grand Paris.

Pour Alain Rousset, président de la Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, intervenu via un message vidéo, "quand on se lance dans un grand projet de transport, on investit pour un siècle et on devrait pouvoir se financer aussi sur un siècle".

Les investisseurs privés

Autre piste évoquée, la possibilité de se tourner vers des investisseurs privés. À leur arrivée, les nouveaux investisseurs chinois de l'aéroport Toulouse-Blagnac avaient proposé d'investir dans le projet de quartier Toulouse Euro-Sud-Ouest. Pourraient-ils investir dans la LGV ? Pour l'heure, aucune déclaration publique en ce sens n'a été faite. Qu'en est-il des principaux acteurs économiques régionaux ? Présent au colloque, le président du directoire de l'aéroport Jean-Michel Vernhes a lancé :

"Je suis exploitant de l'aéroport. Mon métier n'est pas de financer des lignes de métro ou de train."

Jean-Luc Moudenc a rétorqué du tac-au-tac :

"Grâce à votre excellente gestion, l'aéroport dispose de 50 millions d'euros de réserves. Vous voulez une liaison directe depuis l'aéroport via la troisième ligne de métro ? Si vous réinvestissez ces réserves auprès des actionnaires publics de l'aéroport, cette somme pourra financer l'infrastructure et vous aurez la troisième ligne !"

Le patrimoine foncier

Le président aquitain Alain Rousset a aussi préconisé de mieux valoriser le foncier autour des gares. Une solution déjà choisie par le Sicoval à Labège pour financer alors le prolongement de la ligne B du métro. La vente de plusieurs terrains à Thales (1 million d'euros) ou à Berger-Levrault (1,2 million) a permis à la communauté d'agglomération du sud-est toulousain d'engranger des recettes. Mais cette option de financement peut être mise à mal face à l'incertitude d'un grand projet. À Labège, les entreprises ont racheté ces terrains avec la perspective d'une arrivée imminente du métro. Mais face aux reports successifs du projet, aujourd'hui, par exemple, les salariés de Thales rechignent à déménager dans le futur siège.

La fiscalité écologique

La fiscalité écologique est l'une des autres options évoquées. Pour Alain Rousset, il faudrait penser à "réintroduire la vignette automobile pour les poids lourds". Un peu plus tard au cours du colloque, la présidente de la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées Carole Delga a plaidé pour la mise en place "d'une taxe poids lourds pour les véhicules en transit international qui circulent dans les petites communes". "Ces camions évitent les grands axes autoroutiers et s'affranchissent ainsi de toute taxation", a-t-elle estimé. Mais, après l'échec de l'écotaxe abandonnée par Ségolène Royal en 2014 face à la colère des bonnets rouges, sera-t-il possible de réintroduire une telle taxation ?

Le financement participatif

Enfin, dernière piste évoquée : le financement participatif. Très en vogue pour financer les disques de jeunes artistes, des projets d'économie solidaire et des startups, ce mode de financement alternatif pourrait venir compléter les sommes engagées par les autres acteurs. "Un peu de crowdfunding pourrait financer de petites infrastructures en local. Ce mode de financement par la foule a déjà été utilisé au Mexique pour la construction de réseaux télécoms", note Gabrielle Gauthey, directrice développement France de Méridiam, société spécialisée dans l'investissement et la gestion d'actifs dans les infrastructures.

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