Dominique Reynié, le candidat qui dérange

Dans 8 mois, les 6 et 13 décembre prochain, les électeurs de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon vont voter. C'est un scrutin doublement inédit. C'est la première élection pour la nouvelle grande région et le casting des candidats est original. À gauche, une jeune ministre de 43 ans, Carole Delga, va porter les couleurs du PS. À droite, le renouvellement est encore plus flagrant. Un politologue médiatique, venu de Paris et des plateaux d'Yves Calvi entre dans la compétition. Qui est Dominique Reynié ? D'où vient-il ? Quels sont ses soutiens professionnels et politiques ? Portrait d'un candidat qui détonne et dérange.
Dominique Reynié, candidat de la droite aux régionales de 2015, suscite bien des interrogations

Le 10 mars 2013, Dominique Reynié est sur le plateau de BFM. Face à Manuel Valls, le politologue déclare : "je ne suis pas un politique. Je n'ai pas de mandat. Je n'y prétend pas". Avril 2015, Dominique Reynié est investi par l'UMP pour les élections régionales. Deux ans après sa déclaration au micro d'Olivier Mazerolle, le prof de Sciences Po change d'univers. Fini les commentaires et les analyses, le candidat Reynié se lance dans la mêlée électorale. L'observateur devient acteur. En réalité, ce basculement n'est pas une vraie bascule. Dominique Reynié baignait dans la politique avant de devenir un politique.

Un universitaire "politique"

Dominique Reynié est universitaire de profession. Auteur d'une thèse sur l'Ordre démocratique, agrégé en science politique, il professe un cours sur les enjeux politiques après avoir dirigé un troisième cycle de marketing. À première vue, Dominique Reynié c'est "amphithéâtre" et "copies à corriger". Mais, en réalité, l'homme a fait toute sa carrière dans un temple du pouvoir : Sciences Po.

Dominique Reynié est un pur produit de l'Institut d'Études Politiques de Paris. Or, la rue Saint Guillaume est une adresse qui a été fréquentée par plusieurs Premiers ministres (Michel Rocard, Lionel Jospin, Alain Juppé, Édouard Balladur), deux présidents de la République (François Hollande, Jacques Chirac), des bataillons de ministres (Emmanuel Macron, Bruno Le Maire), une multitude de hauts-fonctionnaires et une myriade de dirigeants du secteur privé. Parmi les (3 500) enseignants, on ne compte plus les membres des cabinets ministériels, des grands corps de l'État et des entreprises cotées au CAC 40.

Ainsi, l'univers professionnel de Dominique Reynié n'est pas celui d'un simple "prof de fac". En 2012, suite au décès de Richard Descoings, il est candidat à la direction de Sciences Po. Pendant sa campagne, il reconnaît lui même une évidence : "Sciences Po est à la fois un réseau et un ancrage".

Un parcours" parisiano-parisien"

Un réseau et un ancrage que Dominique Reynié doit à un homme : Alain Lancelot. Après une année à Toulouse, le jeune aveyronnais réussit le concours d'entrée de Sciences Po Paris. L'étudiant (dont le cœur bat franchement à gauche) fait une rencontre décisive. Le directeur de l'époque le remarque et l'intègre (aux côtés de Laurence Parisot) dans son "écurie". Alain Lancelot lui "offre" une carrière rue Saint Guillaume.

Certains diplômés (faisant le choix d'une carrière universitaire) doivent faire leur valise pour une fac de province ou de la proche banlieue. Ils passent des années dans les TGV et les RER (entre Paris, Nanterre, Orléans ou Strasbourg) en espérant (re)trouver un jour le chemin de Sciences Po. Alain Lancelot épargne ce "chemin de croix" à Dominique Reynié. Dans un reportage diffusé sur Canal +, ce dernier déclare : "je ne me suis jamais senti parisien". C'est possible. Mais l'enfant de Rodez a bénéficié d'un privilège appréciable : un parcours parisiano-parisien.

Le soutien d'Alain Lancelot ne s'arrête pas aux portes de Sciences Po. Ce proche de Jacques Chirac va le mettre en piste pour la Fondation de l'Innovation Politique. Une fondation créée (en 2004) et présidée (pendant quelques mois) par un membre imminent de la chiraquie : Jérôme Monod. En 2008, Dominique Reynié devient le directeur général de la "Fondapol".

Un "spectateur engagé" :

"Un lieu d'expertise capable de formuler des propositions et des recommandations à la différence d'un centre de recherche universitaire". Le site de la "Fondapol" annonce franchement la couleur. Une couleur qui va bien au teint de Dominique Reynié.

En effet la Fondation pour l'Innovation Politique affiche une image compatible avec celle de son directeur général : un "think tank" engagé mais non militant. Au travers de ses livres, de ses tribunes dans Le Figaro ou Libération, Dominique Reynié revendique l'objectivité et le détachement de l'observateur. Il n'est pas question de changer de rôle et de registre en prenant la tête de la "Fondapol".

L'anti-sarkozy qui côtoie des sarkozystes

Néanmoins, Dominique Reynié accepte de prendre une charge une structure dont le père est chiraquien et dont le conseil de surveillance est composée de personnalités sarkozystes. Il est sous le même toit que Nicolas Bazire (ancien directeur de cabinet d'Édouard Balladur et proche de Nicolas Sarkozy) ou Pierre Giacometti (ex-sondeur et conseiller de l'ancien président).

Cette cohabitation est forcée. Nicolas Sarkozy a flanqué Dominique Reynié de soutiens fiables. Dominique Reynié est "chiracophile". C'est en soi un motif de méfiance. Et, en plus, l'habitué des plateaux télés n'a jamais épargné l'ex chef de l'État. Il n'a pas hésité à dire : "le problème de la droite, ce n'est pas l'UMP, c'est Nicolas Sarkozy".

Cette ambiguïté est révélatrice. Dominique Reynié est anti-sarkozyste, mais il côtoie des sarkozystes. Le politologue se drape dans les habits du savant. Mais il dirige une Fondation qui ne cache pas sa filiation avec la droite.

Il faut pourtant relativiser. Le fait de cohabiter avec des sarkozystes ne remet pas en cause la sincérité et la pertinence des commentaires de Dominique Reynié. De même, la direction de la "Fondapol" n'est pas comparable à la direction des études de l'UMP.

Néanmoins, le jugement d'un proche de Dominique Reynié reste vrai : "il a tendance à courir après deux lièvres au risque de verser dans le mélange des genres". On retrouve cette inclinaison naturelle dans son engagement électoral.

Un politologue-candidat

"Dominique Reynié n'est plus véritablement un politologue. Mais il ne ressemble pas à un homme politique".

Le jugement, prononcé par un de ses collègues, résume parfaitement la situation du nouveau Reynié.
En entrant dans l'arène électorale, Dominique Reynié change d'existence. Cette perspective n'est pas simplement voulue. Elle est désirée. En 2012, Dominique Reynié brigue la direction de Sciences Po. Au micro de RSP (la radio des élèves de Sciences Po), il déclare : "bien sûr, c'est un changement d'existence (en cas de nomination au poste de directeur NDLR) et je vous souhaite de changer aussi d'existence, dans la vie c'est important de changer".

Pourtant, le candidat aux régionales n'a pas "tué" le politologue de France 5.

Dominique Reynié découvre les meetings et les poignées de mains sur les marchés. Le lendemain de son élection à Sète, un de ses soutiens s'interroge : "comment ça va se passer lorsqu'il sera derrière le c... des vaches ?". Certains le trouvent un peu maladroit et pas toujours à l'aise. Ce n'est pas déterminant. Tout s'apprend et un manque de savoir faire peut passer pour de la fraîcheur. Ses adversaires au sein de l'UMP devraient, d'ailleurs, modérer leur critique sur son manque d'expérience. Être élu est (incontestablement) un métier. Mais c'est un des métiers les plus impopulaires de France.

 Maitriser "les codes du milieu"

En revanche, Dominique Reynié conserve des réflexes qui ne cadrent pas toujours avec son nouveau statut. Dans son entourage professionnel, on le décrit comme quelqu'un"qui joue très perso et qui ne sait pas agrégé des gens autour de lui". C'est possible. Mais le personnage est plutôt ouvert. A la différence des professionnels de la politique, il se permet des réflexions à haute voix. La veille de son élection à Sète, en pleine nuit, il est capable d'envoyer un SMS analysant le scrutin et de remercier chaleureusement pour l'échange intellectuel.

Cette attitude est loin d'être négative. Elle peut même lui valoir la "sympathie" des journalistes. Néanmoins, elle alimente un procès en illégitimité : " il n'est pas à sa place, il ne maitrise pas les codes du milieu".

À Sciences po, Dominique Reynié a la réputation d'être quelqu'un d'intelligent et cultivé. Des collègues dressent un bilan mitigé de sa présidence de l'Observatoire Interrégional du Politique : "il n'a pas vraiment excellé". En revanche, dans son entourage professionnel, on souligne "sa grande capacité d'adaptation". Le "politologue-candidat" peut progressivement apprendre les us et coutumes, les petites et les grosses ficelles d'une campagne électorale.

Ouverture politique

Néanmoins, comme il le reconnaît lui même, "je ne vais pas changer à 54 ans". Or son ADN politique peut lui jouer des tours. Il peut démobiliser ou du moins déstabiliser son électorat. Depuis des années, Dominique Reynié se définit comme un libéral. Mais, il ajoute immédiatement :

"Il y a, à droite, des personnes qui, du point de vue de leurs idées, sont des adversaires et il y a, à gauche, des personnes qui, du point de vue de leurs idées, sont des alliés".

Cette ouverture politique est un atout. Dans une région ancrée à gauche, c'est même adroit. Dominique Reynié répète que son père a été socialiste. Ce rappel va dans le même sens et montre que le politologue connaît sa carte électorale. Ses appels du pied sont également de (possibles) clins d'œil au maire (ex-PS) de Montpellier Philippe Saurel.

Cependant, Dominique Reynié a fait son premier meeting, dans l'Hérault, aux côtés de Nicolas Sarkozy. Dans un plan "en deux parties, deux sous-parties" (modèle de base des copies à Sciences Po), il est possible d'exposer un paradoxe. La lutte électorale est beaucoup plus brutale et simpliste.

LE lion et le renard

Avant le 1er tour, il faut rassembler son camp, endosser le dossard d'une droite régionale menacée par les scores élevés du FN. Dominique Reynié doit également faire oublier son "parachutage" et donner des gages aux barons régionaux. Sa concurrente, la socialiste Carole Delga, dispose des importants réseaux départementaux et du vivier militant du PS. Dominique Reynié a besoin de relais locaux pour mener la bataille. Son investiture officielle (le 7 mai dernier) a été acquise à une courte majorité (11 voix "pour", 9 voix "contre"). Dominique Reynié doit convaincre et vaincre des résistances internes.
Le politologue doit se métamorphoser. Il ne doit pas simplement se transformer en candidat. Comme le dit un de ses soutiens régional, "il doit gagner ses galons de général". Dominique Reynié doit devenir un leader politique.

Par définition, un leader conjugue deux qualités : la ruse et la force. Cela tombe bien elles sont présentes sur le blason de Sciences Po sous la forme d'un lion et d'un renard. Pendant toutes ses dernières années, Dominique Reynié a vécu sous cet emblème, placé en haut du portail de la rue Saint Guillaume. Il doit maintenir transformer la devise en réalité politique.

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