Quand le maire de Cahors invite les Toulousains à vivre dans sa ville

Opération séduction pour Jean-Marc Vayssouze-Faure. Le maire PS de Cahors (depuis 2008) a fait du développement économique une priorité pour sa ville, et il compte bien le faire savoir. Lui qui veut "changer la destinée" de la préfecture du Lot (20 000 habitants) en la rendant dynamique et attractive, fait un appel du pied aux Toulousains à la recherche de "bien-vivre". Néanmoins, face à la baisse des dotations de l'État, il n'exclut pas une hausse de la fiscalité. Entretien.
Jean-Marc Vayssouze-Faure, le maire de Cahors.

Vous avez fait du développement économique une de vos priorités depuis votre élection en 2008. Quels sont les points faibles de Cahors ?
Ils sont connus. La priorité donnée à l'économie est très récente. On s'est longtemps contenté dans cette ville des services, de l'économie présentielle, de la fonction publique, de l'administration. On n'a pas forcément accompagné les petites entreprises et l'emploi industriel. La politique engagée par Martin Malvy il y a 20 ans sur la Mecanic Valley à Figeac commence à peine à porter ses fruits. À Cahors, on a quelques belles entreprises comme le Groupe Cahors, que je suis avec attention, mais force est de constater que Cahors doit être davantage axée sur le développement économique. C'est une priorité forte pour la ville et son agglomération.

C'est un long travail car il faut changer l'état d'esprit des acteurs économiques, et arriver à convaincre des investisseurs potentiels que Cahors n'est pas une ville endormie qui n'accueille que des retraités, mais une ville où il est bon de vivre et de travailler.

Un autre point faible réside dans l'état d'esprit de la ville : nous sommes dans un département agricole, avec un rapport particulier à la thésaurisation. Nous avons donc la qualité d'avoir les pieds sur terre, mais parfois, on prend moins de risque qu'ailleurs.

Quels sont les atouts de Cahors pour attirer investisseurs et jeunes actifs basés à Toulouse ?
Le développement s'est fait ces dernières années essentiellement sur la métropole toulousaine, avec un fort étalement urbain autour de Toulouse qui n'est plus raisonnable. Je milite pour que l'on change la règle du jeu du développement toulousain, basé sur sa périurbanisation, et sur des communes trop petites pour accueillir les nouveaux habitants.

Nous avons dans nos villes moyennes autour de Toulouse toute cette capacité à accueillir, nous avons les équipements sportifs, culturels de qualité, et des services de santé performants (il y a à Cahors un hôpital de 1 000 salariés en plein centre-ville). Il y a aussi des places en crèches : je cherche des enfants pour occuper des places, alors qu'à Toulouse, c'est l'inverse ! Il n'y a pas d'étalement urbain, les logements du centre-ville attendent d'être réhabilités, et disposent d'une véritable valeur patrimoniale. Tout à une heure de Toulouse, dont le centre-ville est asphyxié.

Que mettez-vous en place concrètement ?
Nous avons un bon exemple avec l'enseignement universitaire. Quand je suis arrivé à la Mairie en 2008, il y avait 650 étudiants à Cahors. Aujourd'hui, il y en a plus de 1 000. En partenariat avec la Région, nous sommes allés chercher des formations qui ne sont pas concurrentielles avec Toulouse. Il était hors de question de proposer une licence de droit à Cahors, par exemple. On s'est positionné sur les aspérités du territoire et nous avons obtenu que le pôle patrimoine de l'université Jean-Jaurès soit implanté à Cahors.

Par ailleurs, comme il y a beaucoup de personnes âgées, nous nous positionnons sur la silver économie. La CCI vient ainsi d'ouvrir à Cahors une école d'audioprothésistes. Cela marche bien et peut attirer des entreprises et chercheurs du secteur.

Nous usons aussi d'outils classiques comme la mise à disposition de foncier. Sur la zone Cahors Sud, il y aura 35 hectares viabilisés à partir de 2016 et un potentiel de 400 hectares. Depuis 2008, nous y avons déjà multiplié les surfaces occupées par trois et il y a 700 emplois aujourd'hui contre 280, il y a 7 ans.

À Cahors, l'attractivité passe aussi - et surtout - par le tourisme. Comment adapter votre offre ?
Nous avons deux projets phare. Tout d'abord, une auberge de jeunesse de 92 lits va ouvrir au pied du pont Valentré en 2017. Ce sera la seule auberge de jeunesse internationale de Midi-Pyrénées, gérée par la Fuaj, la Fédération unie des auberges de jeunesse. Cela représente un investissement de 4,2 millions d'euros pour le Grand Cahors. Nous n'aurons pas en charge le fonctionnement (qui coûte le plus cher).

Par ailleurs, dès cet été, un hôtel haut de gamme ouvrira ses portes juste en face de la future auberge de jeunesse, un Best Western de 38 lits. Il s'installera sur le site d'une ancienne imprimerie que nous avons achetée puis revendue à un opérateur privé.

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                             Le pont Valentré à Cahors © photo Rémi Benoit.

Que va changer la fusion des régions pour une ville moyenne comme Cahors ?
Je ne suis pas inquiet. Toulouse restera la locomotive et la grande région apportera une capacité d'attractivité supérieure dont tout le monde profitera, si le rééquilibrage est fait. On oppose beaucoup métropole et ruralité, mais ce sont les pôles moyens qui bâtiront l'équilibre, et qui feront l'aménagement du territoire. Tout cela va prendre du temps, et si on fait un bilan dans deux ans, il sera encore négatif. Il faudra faire un bilan dans 10 ans.

Comment voyez-vous l'évolution de la grande voisine, Toulouse ?
Je ne vois pas grand-chose. L'identité toulousaine se cherche. On dirait que Toulouse s'endort, ou manque d'ambition. Pas de grand festival, la LGV se fait attendre... Bordeaux et Montpellier ont beaucoup changé ces dernières années, pas Toulouse. Le maire doit porter un vrai projet. Une 2e rocade et une 3e ligne de métro ? Cela va à contre-courant de tout ce qui se fait aujourd'hui. À Toulouse, il semblerait qu'on s'en tienne à la seule dynamique aéronautique. Elle est bien présente mais pas suffisante. Par ailleurs, Jean-Luc Moudenc a augmenté de 15 % la fiscalité, pensant que les Toulousains oublieraient d'ici à la fin du mandat. Sérieusement ? Ça ne marche plus comme cela aujourd'hui. La question de la fiscalité est autrement plus sensible désormais.

Vous êtes maire PS de Cahors, et opposé à la baisse des dotations de l'État. Pourquoi ?
Les collectivités locales veulent bien participer à l'effort national qui est demandé, mais il est extrêmement important, et je crains qu'il soit difficilement tenable dans la durée.

Pour Cahors, cet effort représente sur trois ans 900 000 euros pour la ville, et 3 millions d'euros pour le Grand Cahors. Ce qui pose problème, c'est la durée : si l'on maintient cet effort, beaucoup de communes et d'intercommunalités vont se retrouver dans une situation d'alerte dramatique. Je soutiens le gouvernement, surtout quand il prend les bonnes décisions, mais quand elles sont dures et injustes, je le dis. Il y a là une entreprise de stigmatisation des élus qui est injuste.

Pourquoi parlez-vous de "stigmatisation des élus" ?
On laisse entendre que les élus sont dépensiers, qu'ils recrutent à tour de bras, et qu'ils ne sont pas bons gestionnaires... Alors que dans le même temps, l'État sait qu'il a répercuté sur les collectivités un très grand nombre de charges qui étaient les siennes auparavant. On assiste à une opération de communication menée par la Cour des Comptes et le gouvernement pour dire "nous, on sait gérer, et vous non". Si "bien gérer", c'est désigner des compétences et dire "ce n'est plus à nous de le faire", je sais faire aussi.

Allez-vous augmenter les impôts à Cahors ?
Si la conjoncture n'évolue pas, je crains que nous soyons contraints de toucher à la fiscalité. J'avais fait de la stabilité fiscale mon cheval de bataille et on est à 0 % d'augmentation depuis 2008. Mais à un moment, il faut se décider : soit on laisse la situation se dégrader, soit on joue sur le seul levier qu'il nous reste.

Par ailleurs, je le dis clairement : il est injuste de dire qu'on va baisser l'impôt sur le revenu au niveau national, tout en mettant les collectivités dans l'obligation d'augmenter les impôts locaux. Je suis pour une fiscalité distributive, c'est l'ADN du PS. On ne fait pas de redistribution en baissant l'impôt sur le revenu, qui est le plus juste, tout en augmentant la fiscalité locale, qui est la plus injuste. Évidemment, le citoyen est pour une baisse de l'impôt sur le revenu car c'est le plus ressenti, le plus violent. Mais je rappelle qu'il y a un foyer sur deux qui ne paye pas d'impôt sur le revenu. Il faut faire preuve de responsabilité sur des sujets qui ne sont pas faciles et que les citoyens ont du mal à appréhender.

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