Régionales : retour sur une soirée de débats (très) animés entre les candidats

Mardi soir 10 novembre, La Tribune-Objectif News et la Jeune chambre économique ont organisé à Toulouse un grand débat entre cinq candidats aux élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Entre éléments de programmes économiques, remarques acides, petites piques et attaques frontales, récit d'un débat parfois tendu.
Les échanges se sont poursuivis après le débat entre Carole Delga (PS) et Dominique Reynié (LR), sous le regard de Gérard Onesta (EE-LV)
Les échanges se sont poursuivis après le débat entre Carole Delga (PS) et Dominique Reynié (LR), sous le regard de Gérard Onesta (EE-LV) (Crédits : Rémi Benoit)

Après des débuts relativement sages, le débat organisé mardi soir à Toulouse s'est transformé en joute verbale plutôt musclée. À l'initiative de La Tribune-Objectif News et de la Jeune chambre économique (JCE) de Toulouse, cinq candidats aux élections régionales en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Carole Delga (Parti socialiste), Damien Lempereur (Debout la France), Gérard Onesta (Europe Écologie-Les Verts), Dominique Reynié (Les Républicains) et Philippe Saurel (sans étiquette, divers gauche), ont été invités à échanger autour de leurs programmes économiques. Au menu des discussions, trois grandes thématiques : l'organisation de la future région, les enjeux économiques et l'emploi, et l'environnement et la nouvelle économie.

Les débats ont débuté après l'intervention impromptue d'une représentante de la Coordination des intermittents et précaires de Midi-Pyrénées, montée sur scène pour dénoncer "une vague de contrôles sans précédent" des intermittents dans la région de la part des services de l'État. Des contrôles que la coordination juge "abusifs" et même "illégaux".

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Plus de 200 personnes ont assisté au débat ©photo Rémi Benoit

 "Il faut sortir de la logique jacobine"

Quelle organisation pour la nouvelle grande région ? Premier thème abordé et premiers échanges, parfois piquants, entre les candidats. Pour Carole Delga, il est fondamental de sortir "des oppositions stériles entre les deux métropoles". Et la candidate socialiste d'ajouter :

"Il faut sortir de la logique jacobine. J'ai proposé que nous conservions les deux hôtels de région. Nous devons permettre une implantation territoriale qui favorise l'accessibilité. Dans chaque préfecture, il y aura une antenne de la région. Pour permettre aux conseillers régionaux de se réunir et aux services de venir au plus près des acteurs économiques, des forces de la région".

L'ancienne secrétaire d'État l'assure : pour elle, "l'union est une chance. 2016 ne sera pas une année blanche, mais une année d'action".

Un point de vue fondamentalement opposé à celui de Damien Lempereur, candidat du parti de Nicolas Dupont-Aignan.

"Nous, cette réforme, nous l'avons combattue. Nous avons la constance de la combattre, car nous estimons qu'elle est dangereuse. On nous explique que l'objectif était de simplifier le mille-feuille territorial. C'est raté. Elle va coûter 10 milliards d'euros".

Son souhait ? "Que les directions régionales soient réparties sur l'ensemble du territoire. Que la Drac (Direction régionale des affaires culturelles, NDLR) soit à Albi !". Assise à sa gauche, Carole Delga rectifie : "La Drac, ce n'est pas la Région, mais l'État !". Un procès en imprécision rapidement contourné, dans un sourire, par le candidat de Debout la France : "Je suis le seul ici à proposer une liste qui ne compte pas de politicien professionnel..."

"Cette réforme a vraiment été bricolée !"

De son côté, l'écologiste Gérard Onesta ironise sur la question posée.

"Ce qui est baroque, c'est que nous sommes encore à nous poser la question de la gouvernance de la nouvelle région, grince-t-il. C'est dire si cette réforme a été vraiment bricolée ! Nous allons vivre à partir de janvier un grand moment de poésie politique, car il y aura tout à régler. Quand un train a deux locomotives, il avance plus vite. Mais ne larguons pas les wagons, c'est-à-dire tous les autres territoires. Il n'y a pas de petit territoire, il n'y a que de petits politiques qui n'ont pas compris la richesse de ces territoires".

Sa proposition : rééquilibrer la gouvernance en créant une seconde assemblée régionale "qui ne sera pas décorative, mais qui aura un véritable pouvoir". Doubler le nombre d'assemblées, donc doubler les coûts ? Gérard Onesta balaie l'objection du revers de la main : "Ça ne coûtera pas un kopeck ! Au contraire, ça fera économiser beaucoup d'argent, car chaque décision sera établie à double source".

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Dominique Reynié ©photo Rémi Benoit

De son côté, Dominique Reynié, s'il plaide lui aussi pour un "rééquilibrage territorial", entend l'illustrer à travers une seule et unique assemblée régionale. "Ce sera à la fois une assemblée populaire et une sorte de Sénat. Nous allons métisser pour pouvoir coproduire". Au-delà de la gouvernance, le candidat du parti Les Républicains insiste sur la question des ressources.

"L'État français est dans une crise budgétaire dont il ne se relèvera pas d'ici à longtemps. Nous devons imaginer un avenir où l'argent public sera moins présent. Je soutiens que si l'on a un discours qui ne fait pas référence à la raréfaction de l'argent public, alors on parle d'un monde qui n'existe plus".

Son analyse : "On se paye de mots en se disant aussi grands que l'Autriche, mais notre budget est absolument riquiqui".

"Ma maison n'est pas là. Je n'habite pas à côté..."

Dernier intervenant sur ce thème, Philippe Saurel soupire.

"Je ne crois pas que l'on puisse piloter une grande région de 5,6 millions d'habitants avec des raisonnements du niveau : 'tu prends la Drac, je prends l'ARS. Ce n'est pas responsable".

Et si le tacle suscite quelques haussements d'épaules parmi les autres candidats, le maire de Montpellier s'en amuse. Appelant à "l'équité du temps de parole", l'élu grince : "Les autres ont parlé 10 minutes, nous avons attendu Monsieur Reynié trois quarts d'heure, et je n'ai encore rien dit. Ce n'est rien, ce n'est pas grave, mais ma maison n'est pas là. Je n'habite pas à côté..." Sourires dans la salle. Le candidat divers gauche (sans étiquette) poursuit : "Il ne faut pas considérer cette région comme deux régions collées l'une à l'autre. Avec quinze entités, nous pourrons offrir un vice-président à chacun de ces territoires, afin que les territoires ruraux soient représentés autant que les métropoles".

"Il faut assumer cet échec !"

Le ton monte encore d'un cran lorsque le deuxième grand thème des débats - les enjeux économiques et l'emploi - est abordé.

Pour Damien Lempereur, l'une des solutions au chômage consisterait en la mise en place d'un "protectionnisme intelligent, un patriotisme régional dans les marchés publics". Et le candidat souverainiste de tacler les élus sortants : "Au niveau régional, le PS dirige cette région depuis presque 18 ans. Si les résultats ne sont pas bons, c'est que quelque chose n'a pas été bien fait".

Un avis partagé par Dominique Reynié.

"La crise, c'est droite et gauche confondus, assure-t-il. Nous sommes les héritiers de différentes strates d'erreurs qui n'ont pas été rectifiées. Une campagne, c'est présenter des projets, mais c'est aussi rendre des comptes. Il n'est pas possible que ceux qui ont été au pouvoir ne rendent pas de comptes. Je les entends nous parler comme si le bilan était bon. Il faut assumer cet échec important. Le taux de chômage est ici à 12,5 %. C'est un échec cuisant. Il y a des héritages qu'il faut assumer".

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Carole Delga ©photo Rémi Benoit

Directement visée, Carole Delga reste droite dans ses bottes.

"Je revendique le bilan de la Région, assure-t-elle. De nombreuses mesures ont été mises en place avec efficacité".

Pour la candidate socialiste, "nous devons avoir une Région qui agit, pas qui fait du 'blabla'. Il faut aider les entreprises qui accueillent des apprentis et des stagiaires. Il faut soutenir l'investissement des entreprises, renforcer les fonds d'investissement en matière de capital risque et augmenter les fonds d'investissement pour le capital développement".

"Cesser de dire, comme un bureaucrate coincé, que ça n'est pas une compétence de la région"

Si l'emploi est au cœur des préoccupations de tous les candidats, pour Gérard Onesta, il doit absolument être "non précaire, non délocalisable, socialement utile et environnemental". Sa proposition ? Généraliser les avances remboursables aux entreprises, plutôt que les subventions. "On avance un euro, et quand l'entreprise réussit ses objectifs, on récupère l'euro et on le réinjecte dans une autre entreprise", résume-t-il.

De son côté, Philippe Saurel annonce proposer "des mesures pragmatiques".

"Je soutiendrai davantage les missions locales d'insertion des jeunes entre 16 et 25 ans, qui doivent travailler en réseau sur la grande région. Il faut intégrer les clauses sociales dans les embauches liées aux grands chantiers, aux infrastructures, afin de pouvoir intégrer les jeunes des quartiers populaires, notamment".

Les divergences de vues entre les candidats apparaissent encore plus nettes sur la question des transports. Défenseur du rail, Gérard Onesta s'étonne "que la plupart des candidats découvrent aujourd'hui que nous avons deux capitales très mal desservies par le train". Dominique Reynié, lui, s'il "ne conteste pas l'importance du rail", souligne que "si la SNCF ne fond pas les plombs, c'est parce que le contribuable abonde. Pour le trajet domicile-travail, nous ne sommes que 7 % à utiliser le train". Sa proposition : "rééquilibrer la politique de transport en direction de l'automobile".

Pour le candidat Les Républicains, "il faut cesser de dire, comme un bureaucrate coincé, que 'ça n'est pas une compétence de la région'. Il y a des compétences qu'il va falloir prendre et qui ne sont pas aujourd'hui prévues par la loi. Avant la fin du mandat, les compétences vont beaucoup évoluer. Car la Région va reprendre en charge des compétences qu'elle n'a pas aujourd'hui".

"Vous nous donnez des cours sans arrêt"

Un argumentaire qui irrite Carole Delga. "Vous nous donnez des cours sans arrêt...", soupire-t-elle, faisant référence à l'activité professionnelle de son concurrent, politologue et enseignant à Sciences Po Paris.

"J'espère que vous prenez des notes ?, s'amuse ce dernier. Non ? Alors, c'est que je suis un mauvais prof..."

Et d'ajouter, revenant sur le sujet : "Il faut que le gouvernement, qui ne peut pas nous aider financièrement, nous paye en liberté. Qu'il nous donne des marges de manœuvre. On ne maillera rien du tout avec du rail ! C'est une histoire, un mythe !"

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Gérard Onesta et Dominique Reynié ©photo Rémi Benoit

Sur ce point, Philippe Saurel se dit "partagé entre les deux positions".

"Si on veut la LGV, il faut que ce soit les collectivités qui la financent, estime-t-il. Et pourquoi pas avec des financements privés. Mais le réseau des routes est aussi à considérer..."

"Une très belle route cofinancée par la Région mène à Figeac..."

Et le maire de Montpellier ajoute, acide : "Il faut désenclaver les territoires. Rien n'empêche de faire des cofinancements avec les Départements. Il y a une très belle route qui mène à Figeac (ville de Martin Malvy, NDLR)  et qui a été financée en partie par la Région... Il y a d'autres territoires à désenclaver. Il y aussi des lignes de chemin de fer à reprendre. Ce que je veux, c'est un diagnostic sérieux".

Sur la question du transport ferroviaire, Carole Delga dit "entendre des contrevérités" :

"Le train est très utilisé. En dix ans, nous sommes passés de 5 à 12 millions d'utilisateurs en Midi-Pyrénées. Les transports collectifs doivent être privilégiés. C'est le transport de demain".

De son côté, Damien Lempereur, s'il assure, sur le fond, "croire en la complémentarité entre la route et le rail", s'amuse de la tournure des débats. "En écoutant les autres candidats, je comprends le naufrage, je comprends l'abstention, s'irrite-t-il. Ils se rejettent sans cesse la faute les uns sur les autres !"

"Toutes les listes vont se peinturlurer en vert"

Autre thème, autres arguments. Sur la question de la transition énergétique et de la nouvelle économie, Dominique Reynié assure que "nous avons la capacité dans les cycles de production de développer une économie qui, à terme, produira zéro déchet". Philippe Saurel, lui, liste quatre thématiques prioritaires : "la politique de l'eau, les isolations thermiques, la ville intelligente et les circuits courts".

Carole Delga égraine également ses propositions : "Nous devons mettre en œuvre deux cités des startups à Toulouse et à Montpellier et des tiers lieux dans les autres parties des territoires. Et concernant les énergies renouvelables, nous avons un formidable potentiel, notamment sur la méthanisation et l'éolien marin".

Damien Lempereur, lui, voit dans l'Économie sociale et solidaire (ESS) un champ "profondément gaulliste", un mouvement dont il se revendique.

Quant à l'écologiste Gérard Onesta, il milite pour une "véritable transition énergétique".

"On m'annonce que les marchands de couleurs sont en rupture de couleur verte, ironise-t-il. Mais vous allez voir qu'à l'approche de la COP21, toutes les listes vont se peinturlurer en vert. Or, ils sont tous comptables de la situation. Qu'est-ce qu'on a fait pour les énergies renouvelables dans ce pays ? Ici, on a toutes les énergies. Laquelle manque ? Peut-être l'énergie politique".

Dans la salle, le scud amuse.

"Nous ne sommes pas drivés par une chapelle nationale"

Dernière ligne droite du débat. Les candidats ont deux minutes chacun pour convaincre.

Philippe Saurel, lui, mise sur la nature-même de sa liste.

"C'est une liste citoyenne, résume-t-il. Elle est hors des partis politiques. Elle n'est pas 'drivée' par une maison-mère, par une chapelle nationale. Mais aujourd'hui, nous sommes sur la ligne de départ, face aux grandes cylindrées nationales, avec une Simca 1000, petite mais vaillante !"

De son côté, Dominique Reynié l'assure : "Bien qu'appartenant à l'une de ces 'chapelles', j'estime que l'on peut y trouver des espaces de liberté permettant de donner à sa démarche une singularité". Et d'ajouter :

"Les déceptions, nous en avons eu assez. La déception suivante sera celle de trop. L'alternance est un signe de bonne santé politique. Nous portons un projet : nous voulons bâtir une région prospère, généreuse et fière".

Gérard Onesta, lui, brandit sa Charte éthique et démocratique, "qui réinvente réellement la vie politique en donnant de vrais pouvoirs aux citoyens". Damien Lempereur revendique quant à lui une liste 100 % citoyenne, "sans le moindre élu".

"Ce n'est pas la gauche qui supprime les tarifs sociaux pour les cantines à Toulouse !"

Fin du dernier tour de table, la parole est à Carole Delga. Mais avant de dérouler son argumentaire, la candidate socialiste entend revenir sur une précédente attaque de Dominique Reynié, qui, s'étonnant du calendrier des élections régionales, avait estimé que "tout avait été fait pour que l'abstention soit forte". Une attaque dont Carole Delga n'avait pas goûté le sel.

"En tant que femme de gauche libre, je ne peux pas accepter que l'on dise que l'abstentionnisme et la montée de l'extrême droite sont la volonté de la gauche. L'extrême droite est notre ennemi, car nous savons que ces valeurs-là sont en dehors de la vision républicaine que nous avons. Jouer avec ces peurs, c'est laisser croire que la droite et la gauche, c'est la même chose".

Bronca dans la salle. Le public, majoritairement composé de militants, s'écharpe. La candidate poursuit. "Ce n'est pas la gauche qui supprime les tarifs sociaux pour les cantines à Toulouse !, assène-t-elle. On ne peut pas laisser tout dire sous prétexte de démagogie ! Nous ne sommes pas en train de faire un cours de politique, mais de parler de la vision de la région."

Fin des débats, le calme revient. Sur la photo, les sourires sont légèrement crispés. C'est officiel, la campagne des régionales a vraiment commencé.

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 ©Rémi Benoit

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