Matinale d'Objectif News : Airbus "vigilant" sur les difficultés des compagnies aériennes

Directeur général délégué d'Airbus, Fabrice Brégier était ce 25 septembre l'invité de la Matinale organisée par Objectif News au Casino Théâtre Barrière de Toulouse. En présence de près de 400 chefs d'entreprises, décideurs et élus, il a évoqué la crise, la réduction des cadences de production et la stratégie de l'avionneur : anticiper pour éviter la constitution de stocks. Il espère également que l'aéronautique bénéficiera du grand emprunt gouvernemental.Comment Airbus vit-elle les difficultés économiques actuelles ?

Directeur général délégué d'Airbus, Fabrice Brégier était ce 25 septembre l'invité de la Matinale organisée par Objectif News au Casino Théâtre Barrière de Toulouse. En présence de près de 400 chefs d'entreprises, décideurs et élus, il a évoqué la crise, la réduction des cadences de production et la stratégie de l'avionneur : anticiper pour éviter la constitution de stocks. Il espère également que l'aéronautique bénéficiera du grand emprunt gouvernemental.


Comment Airbus vit-elle les difficultés économiques actuelles ?
Airbus connaît la crise, comme toutes les entreprises. Nous avions en début d'année une très grande inquiétude, les capacités de financement de nos clients. A l'époque, aucune banque, aucun investisseur, aucune société de leasing ne voulait mettre de l'argent. Il faut reconnaître qu'il y a eu un effort particulier du gouvernement qui a incité les banques à un soutien important. Cette période est derrière nous et se régularise. Airbus tient bien le coup. Nous avions pour objectif 300 commandes en 2009, nous en sommes actuellement à 125. Il sera très difficile d'atteindre cet objectif, mais c'est secondaire. Ce qui compte, c'est qu'aujourd'hui le carnet de commandes est important, 3.500 avions.

Quelle est votre stratégie ?
Il faut maintenir une cadence de livraison acceptable : 480 appareils prévus en 2009, comme en 2008. Pour 2010, nous avons quelques éléments de reprise du trafic aérien mais certaines compagnies sont exsangues. Notre stratégie est d'anticiper au maximum et de ne pas construire d'appareils sans être sûrs de pouvoir les livrer. On doit regarder le cas de compagnies qui nous causent soucis pour la deuxième moitié de 2010, il faut trouver des solutions avec elles, on a encore le temps d'ajuster la production.

Quel est l'impact sur les cadences ?
L'hypothèse de base était de monter en cadence, nous avons finalement décidé de les geler voir de les éroder mais pour l'instant, nous avons pu livrer autant d'avions en 2009 qu'en 2008. Pour la famille A 320, nous produisons 36 avions par mois. On a tenu ce cap jusqu'à présent et on va descendre à 34 avions en octobre. 34, c'est le point le plus haut atteint en 2008 donc on ne peut pas parler de baisse de cadence, juste de tassement. Nous avions prévu d'augmenter la cadence à 40, la crise nous affecte donc de 15 à 20%. Mais on ne le voit pas car on était sur un marché en croissance. Il n'y a pas de raison de penser à une nouvelle réduction de production, même si nous sommes très vigilants.

Qu'espérez-vous pour l'A350 XWB?
Nous comptons en vendre de 2.000 à 2.500 unités et comptabilisons pour l'heure 493 commandes en 3 ans. C'est plus rapide que ce qui a été fait avec le Boeing 787. Le challenge, c'est que les premiers A350 soient livrés mi-2013.

Et l'A400M ?
Les Etats l'auront avec 3 ans de retard. Aujourd'hui, le moteur marche bien, nous avons de plus en plus d'espoir d'avoir un premier vol avant la fin de l'année à Séville. On ambitionne de ne perdre que 2,3 milliards d'euros après avoir livré 180 avions aux forces européennes. C'est un désastre absolu mais c'est notre tribut pour sortir ce programme de l'ornière. Nous n'avons pas l'espoir de nous refaire avant 30 ans. Nous pensons exporter au moins 200 unités, sans compter une éventuelle percée sur le marché américain.

L'armée américaine a lancé le 3è appel d'offre pour le marché des 179 avions ravitailleurs. En avez-vous pris connaissance ?
On aura le draft de l'appel d'offre ce soir. Nous lui prêteront évidement beaucoup d'attention. C'est un élément très important de notre stratégie internationale. Pour rentrer sur le marché militaire américain, on comprend qu'il faut être bien meilleur que Boeing. On l'a été une fois, pourquoi pas deux ? Le challenge est grand.

Airbus vient d'annoncer ses prévisions : 25.000 appareils en 20 ans. N'est ce pas trop ambitieux ?
Non, le trafic aérien augmente deux fois plus vite que le PIB mondial. Cela s'explique en partie par la croissance de l'Asie dont le potentiel est énorme. A terme, cette évolution du marché devrait représenter 8,5 millions d'emplois. De son côté, Boeing prévoit une baisse du marché des gros porteurs. Nous anticipons au contraire une augmentation de la capacité des avions de l'ordre de 25%.

Craignez-vous l'émergence d'acteurs en Russie, en Inde ou en Chine ?
Peut-être 4 acteurs se partageront le marché des avions de plus de 150 places dans les années à venir. Les 2 nouveaux arrivants seront positionnés sur les appareils type A320. Sur les marchés de l'A350 et de l'A380, nous serons seuls avec Boeing. A nous de ne pas avoir peur de la concurrence, qui sera de plus en plus rude, et de prendre l'initiative.

La France réfléchit à lancer un grand emprunt gouvernemental. Vous évaluez les besoins de l'industrie aéronautique à 1 milliard d'euros ?
S'il y en a un, on ne peut pas passer à côté. On entend les politique dire : le grand emprunt doit aller vers les projets innovants et l'investissement. C'est génial. En temps qu'industriel sur un secteur de haute technologie, je ne peux pas dire le contraire. Mais attention : la bataille n'est pas finie. Airbus, c'est 17.000 emplois à Toulouse, (l'aéronautique représentant 280.000 emplois sur le territoire national), on est leader sur le marché mondial. Si on n'investit pas aujourd'hui dans les technologies de demain, on va perdre cette position. Le développement d'un nouveau programme coûte environ 10 milliards d'euros, c'est le cas de l'A350. Cela aurait été impossible si nous n'avions pas investi préalablement 1 milliard d'euros en recherche et technologie. Un effort de recherche donc d'innovation est nécessaire pour concevoir et valider les nouvelles technologies. On peut diviser par deux la consommation et l'impact sur l'environnement. Mais pour lancer la nouvelle génération d'avions, il faut alimenter la chaudière. On le fait tous, nous industriels, mais un coup de pouce de l'Etat ne fait pas de mal.

Comment vivez-vous les attaques lancées par la CGPME qui accuse Airbus d'étrangler les sous-traitants ?
Chacun tient son rôle, cela ne me gêne pas que les syndicats professionnels prennent position. Airbus n'a pas la prétention d'être soutenu par tous. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas d'être aimé mais de faire avancer les choses et ces déclarations ne me gênent pas du tout.

Votre avenir est-il à Airbus ?
Il y a bientôt trois ans, j'ai été appelé par Louis Gallois pour remettre sur pied la société qui connaissait des difficultés sur le programme A380, la baisse du dollar et des successions régulières du haut management. Aujourd'hui, mon avenir c'est de tenir au moins trois ans, ce qui me fera passer pour un des pionniers de la direction d'Airbus au cours de ces dernières années ! Plus sérieusement, je me sens très bien à Toulouse, beaucoup mieux que quand je suis arrivé au sein d'Airbus. Ca commence à prendre tournure, ce n'est pas le moment de laisser tomber la société. J'espère qu'on arrivera dans les prochaines années à remettre de la sérénité et à maintenir notre rôle moteur.


La Matinale d'Objectif News s'est poursuivie avec les questions du public

- Christian Lahccen, directeur régional d'Air France : « Dans le transport aérien, sommes-nous de bons lobbyistes ? » « 80% de nos recherches visent, d'une manière ou d'une autre, à réduire la consommation de carburants, donc sont en faveur de l'environnement, a rappelé Fabrice Brégier. Nous sommes vertueux, contrairement à ce que certains pensent. Il faut que nous fassions au moins autant de bruit que l'industrie automobile. Notre devoir est d'expliquer ce que l'on fait. »

- Brigitte Barèges, député-maire de Montauban et candidate UMP aux prochaines Régionales, s'est inquiétée des attentes d'Airbus envers les collectivités et des sous-traitants. « Les collectivités territoriales soutiennent bien Airbus, l'a rassuré Fabrice Brégier. Si Midi-Pyrénées doit se diversifier, l'aéronautique doit rester un cœur de métier. Il faut maintenir du foncier disponible pour nos futures croissances. Quant aux sous-traitants, nous devons leur apporter plus de visibilité sur les plans de charge. On a un très bon tissu mais trop éparpillé, pas assez capitalisé. Nous devons trouver des relais, des sociétés de taille moyenne pour mieux manager les PME car ce ne peut pas être la préoccupation d'Airbus. Nous regardons comment fédérer ces PME, comment les aider à trouver une base à bas coût. La concurrence sera de plus en plus dure, nos PME nous en avons besoin. »

- Monique Iborra, députée de la Haute-Garonne, a questionné Fabrice Brégier sur le pôle de compétitivité Aerospace Valley et de celui de Saclay, qui entrent en concurrence. « Aerospace Valley est une grande réussite, considérée comme le gouvernement comme le seul pôle de compétitivité mondial, lui a répondu Fabrice Brégier. Midi-Pyrénées doit en être le moteur et s'inscrire dans les grands projets de recherche. N'ayons pas peur des autres pôles : Aerospace Valley tient la main, c'est un atout pour la région comme pour Airbus. »

En savoir plus :
- Retrouvez la vidéo de la Matinale dès lundi sur notre site, rubrique Business Hours.
- La compagnie turque MNG Airlines a commandé le 25 septembre deux A330-220F supplémentaires, qui se rajoute à deux commandes fermes précédentes.

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