Matinale d'Objectif News : "3A doit entrer à nouveau dans une phase de croissance"

Directeur général de 3A, Henri-Jacques Buchet était ce 10 juin l'invité de la Matinale organisée par Objectif News au Casino Théâtre Barrière de Toulouse. En présence de près d'une centaine de chefs d'entreprises, de décideurs et d'élus, il a évoqué le redressement de 3A depuis 2004, ses spécificités de coopérative et son positionnement assumé sur les marques de distributeur. Il analyse également les tensions sur le marché de l'agroalimentaire et les perspectives de croissance du groupe.

Avec plus de 2200 salariés, 2500 producteurs de lait affiliés sur le grand quart sud-ouest de la France et un chiffre d'affaires de 650 millions d'euros en 2009, 3A est incontestablement le plus gros acteur de l'agroalimentaire en Midi-Pyrénées. Considéré comme une entreprise de « taille intermédiaire » face aux mastodontes nationaux et internationaux du secteur, le groupe a su se remettre en question pour surmonter d'importantes difficultés financières au milieu des années 2000. « Personne ne connaissait l'ampleur des dégâts en 2004 lorsque ce poste de directeur général m'a été proposé, reconnaît son directeur général Henri-Jacques Buchet. C'est en restructurant la dette, en cédant des actifs tels que Lactalis ou les Eaux d'Alet et en réalisant un plan social sur Toulouse, et surtout en tenant nos engagements, que nous avons réussi à regagner la confiance de nos partenaires et à sauver le groupe .»

3A a ainsi vécu un véritable recentrage sur ses métiers forts en l'espace de quelques années. L'activité de la coopérative s'articule désormais autour de quatre filiales, les Fromageries occitanes (250 millions d'euros de chiffre d'affaires et 1000 salariés), le spécialiste du surgelé Boncolac (100 millions d'euros et 500 salariés), Yéo pour les produits frais et Bonilait Protéines (produits laitiers pour l'industrie alimentaire et l'alimentation animale). Mais pour son directeur général, ce qui fait la force de 3A, c'est avant tout son statut de coopérative. Et d'expliquer : « La coopération est une véritable alternative aux groupes capitalistiques purs et durs et aux groupes familiaux. Nous fonctionnons selon deux principes : 100 % du capital du groupe est détenu par nos producteurs de lait et lors de nos conseils d'administration, un homme égale une voix. Ce système nous permet de nous inscrire dans la durée. Il garantit que nous préservions des emplois sur des territoires parfois reculés. Il est inconcevable que j'aille demain délocaliser pour aller faire des tartes tatin au Maroc ! »

Autre facteur de redressement du groupe, le choix stratégique de s'appuyer sur les marques de distributeur et non une grande marque nationale. « On rêve tous d'une grande marque nationale, reconnaît Henri-Jacques Buchet. Faute de moyens, nous n'avons pas pu ou pas su défendre, lors de la crise de 2004, certaines de nos marques qui bénéficiaient pourtant d'une bonne notoriété. Cette stratégie est donc plutôt subie mais nous avons eu la chance que ce soit un marché porteur. A côté de ça, nous nous faisons aussi un peu plaisir sur des niches en faisant le pari de produits de terroirs, plutôt haut de gamme. »

Interrogé sur l'impact de la Loi de modernisation de l'économie (LME) censée apporter un peu de souplesse aux relations entre producteurs et grande distribution, Henri-Jacques Buchet s'est montré plutôt pessimiste sur ses effets : « La LME n'a pas changé grand chose. La crise est aujourd'hui bien présente et nous n'en voyons pas la fin. Nous constatons tous des tensions extrêmes avec nos confrères industriels. Les cessions-acquisitions se multiplient et les fonds d'investissement s'intéressent même à des entreprises telle que la nôtre, là où ils privilégiaient plutôt les marques nationales. On ressent les mêmes tensions avec les distributeurs et il est toujours aussi difficile de leur faire répercuter la hausse mondiale du prix des matières premières ». Et de regretter : « Nos producteurs n'ont plus de revenus suffisants pour vivre. Ils vont encore disparaître par milliers. »

Face à ces tensions, Henri-Jacques Buchet a confié son désir de « s'affranchir de la pression de la grande distribution. (...) La période semble propice, on ressent une certaine lassitude des consommateurs face au gigantisme. Même la grande distribution revient avec des petits enseignes dans les centre-villes. » Le groupe a créé dans ce sens une filiale baptisée 3A Direct pour vendre ses produits en direct via des magasins d'usine. Il ouvrira également progressivement sa vente en camionnette, jusque-là réservée à ses producteurs, aux autres consommateurs. « On essaie modestement en restant très lucide, note Henri-Jacques Buchet. 90% de notre production continuera de passer par les canaux de la grande distribution. »

Concernant enfin les perspectives de croissance du groupe, son directeur général a annoncé avoir confié des mandats pour aider 3A à réaliser des opérations de croissance externe. Le groupe se positionne clairement sur des opérations d'acquisition et de développement. « Notre objectif est de développer 3A, de conforter nos positions et peut-être même, si l'opération a du sens, de participer à un projet fédérateur dans le monde de la coopération laitière pour concurrencer de grands groupes étrangers. Ce projet n'existe pas pour le moment mais nous restons attentifs. »

Marie Grivot

En savoir plus :
- www.3agroupe.com

En photo : Joël Echevarria, directeur développement marketing partenariats de l'ESC Toulouse, Henri-Jacques Buchet, directeur général du groupe 3A, Jean-Christophe Tortora, directeur de la publication d'Objectif News (© Rémi Benoit)

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