Startup : les Ateliers Tersi changent de pointure

Une nouvelle collection inspirée de son grand-père, un déménagement, des projets d'embauche... Le Toulousain Arnaud Thersiquel, 24 ans, poursuit son aventure entrepreneuriale. Sa startup les Ateliers Tersi propose des collections de chaussures haut de gamme imaginées par des artistes. Le concept - risqué - semble fonctionner.
Arnaud Thersiquel va lancer une collection plus personelle

À côté de l'ordinateur allumé, une toute petite sandale à talon aux lanières orange, patinée par les années. "C'est quelque chose d'unique, une miniature créée par mon grand-père. Certains modèles ont plus de 60 ans, s'enthousiasme Arnaud Thersiquel. Nous allons nous inspirer de ce travail d'orfèvre pour lancer notre propre collection de chaussures, en septembre."

C'est un nouveau défi pour le jeune entrepreneur, âgé de seulement 24 ans. Sa startup, les Ateliers Tersi, propose un concept innovant : la vente sur internet de souliers féminins, imaginés par des artistes renommés de tous horizons (design, littérature, gastronomie...), et fabriqués à la demande avec des matières nobles par les meilleurs artisans français du secteur.

Déménagement et élargissement de l'équipe

Créée il y a à peine plus d'un an, l'entreprise s'est développée rapidement. Arnaud Thersiquel est rejoint dès le premier semestre 2013 par deux associées : Camille, 27 ans, chargée de la communication et du marketing, et Julie, 37 ans, styliste.

"J'espère maintenant stabiliser l'équipe existante à plein temps et, si tout va bien, chercher deux nouveaux profils fin 2015", explique le jeune homme.

Il a emménagé il y a une dizaine de jours au n°1 de la place de la Bourse, dans un espace qu'il partage avec les startups CitizenFarm, Meet My Designer, SchoolMouv et Yestudent.

La nostalgie de l'odeur du cuir

À l'origine de ce projet ambitieux, une histoire de famille.

"Mon grand-oncle a créé les ateliers de fabrication de chaussures Myma en 1934, à Toulouse, raconte Arnaud Thersiquel. Ils ont embauché plus d'une centaine de salariés et vendaient à Paris, aux États-Unis et au Japon avant de faire faillite en 2004."

Pendant ses études à la Toulouse Business School (TBS), le jeune homme rompt avec cet héritage et s'engage dans un cursus en alternance dans une grande entreprise d'aéronautique. Mais fin 2012, l'odeur de cuir des immenses ateliers du quartier des Minimes, "sa madeleine de Proust", revient le hanter.

"J'avais envie de créer, confie l'entrepreneur. L'idée du soulier pour femme s'est imposée naturellement. Il offre cette fantaisie, ce grain de folie que ne permettent pas les chaussures pour hommes."

Un pari audacieux, alors que "90 % des emplois du secteur de la chaussure ont été supprimés en France, entre 1960 et 2000", souligne-t-il. Pour se démarquer, il décide de faire appel à des artistes tout en prenant en charge la conception, la fabrication et la distribution du soulier.

Coaché à l'incubateur de startups de TBS

De 2013 à 2014, il peaufine son projet dans le giron de l'incubateur de la TBS, TBSeeds. Le 12 juin 2014, sa première collection, quatre chaussures aux formes futuristes et aux couleurs flashy imaginées par la designer industrielle Matali Crasset, est mise en ligne. Suivent la gamme de l'écrivain Marie Desplechin en novembre 2014, et celle du boulanger-pâtissier-chocolatier Gontran Cherrier en mai 2015.

Pour chaque collection, le processus dure environ six mois.

"Cela commence par un peu de psychanalyse, sourit Arnaud Thersiquel. Nous demandons à l'artiste quelles chaussures portaient sa mère, quel est son rapport au pied, à la démarche... Arrive un moment où la discussion bascule, où l'artiste se livre sans retenue. Là, on s'aperçoit que chacun a un rapport unique, intime à cet objet."

Scotch, carton et... littérature

Puis, pendant un mois et demi, les modèles sont imaginés, dessinés, maquettés à l'aide de Julie, la styliste. "L'artiste est libre de faire ce qu'il veut. Le plus marquant, c'est de voir à quel point chaque démarche de création est unique, s'émerveille le jeune homme. Matali Crasset a immédiatement ouvert son ordinateur avant de donner forme au soulier avec du carton et du scotch. Marie Desplechin, elle, a rassemblé un classeur entier d'extraits d'œuvres de la Comtesse de Ségur et d'auteurs russes du XIXe siècle."

Vient ensuite le processus de fabrication. Arnaud Thersiquel fait travailler les meilleurs artisans français. Les semelles et les talons sont fabriqués à Cholet, les doublures et les cuirs "classiques" viennent de Lyon, les boutons et les nœuds sont confectionnés à Saint-Étienne et le tout est découpé et monté dans les ateliers historiques de Romans-sur-Isère.

"Pour le modèle L'Irrésistible de Gontran Cherrier, nous avons fait appel à la dernière entreprise de patrimoine vivant capable de fabriquer des franges haut de gamme, souligne l'entrepreneur. Pourquoi ne pas faire travailler des gens qui disposent d'un savoir-faire unique, qu'on est en train de perdre ?"

Reste à éduquer les consommateurs au "prix juste de l'excellence" : de 340 à 380 euros la paire de chaussures...

Le casse-tête de la distribution

Comment vendre en gérant ses coûts quand on travaille avec des matériaux et des artisans aussi chers ? Les Ateliers Tersi travaillent avec plusieurs distributeurs : leur propre site internet, le spécialiste de la vente en ligne Made In Design, et un gros distributeur chinois basé dans la métropole de Chongqing, qui dispose de points de vente en ville et d'un portail de e-commerce. La startup entame une nouvelle collaboration avec le concept-store Front de Mode de la créatrice Sakina M'Sa, qui ouvrira prochainement dans le quartier du Marais à Paris.

70 % de ses ventes sont réalisées en magasin. "Je vends des lots de 30 à 50 paires aux distributeurs", indique Arnaud Thersiquel. Pour la vente sur le site internet des ateliers Tersi, c'est plus compliqué. "Les chaussures sont fabriquées à la demande. Mais je dois quand même prévoir des stocks de matières premières, de talons... Cela donne lieu à des calculs complexes et à des prises de risque."

Photo, blog et réseaux sociaux

En matière de communication, rien n'est laissé au hasard. Un soin particulier est apporté à l'histoire de chaque création. L'artiste à l'origine de la collection est filmé lors de sa visite des ateliers, interviewé sur ses sources d'inspiration. Les shootings photo sont très travaillés, et mobilisent un photographe, son assistant, un styliste chaussures et un styliste vêtements.

L'équipe anime un blog, consacré à des techniques haut de gamme de fabrication des souliers.

"J'ai dû lire un livre entier sur le galuchat, une technique de tannage du cuir de poisson, avant de rédiger un post, rigole le jeune homme. Mais nous ne voulions pas faire la même chose que les blogueuses modes. En abordant des sujets techniques, nous gagnons en référencement."

La startup est aussi très présente sur Instagram, où "des clientes envoient des photos des chaussures qu'elles nous ont achetées. Nous avons quasiment 8 000 followers ! Ce qui est le plus apprécié, c'est le caractère unique de ces souliers."

Reste à pérenniser les Ateliers. L'entrepreneur reste discret sur le nombre de paires déjà vendues.

"Nous devons vendre 80 paires de chaussures par mois pour atteindre l'équilibre, se contente-t-il de préciser. Nous nous donnons deux ans pour y arriver."

Il s'est fixé un objectif de 110 000 euros de chiffre d'affaires en 2015, 450 000 euros en 2016, et 850 000 en 2017. Arnaud Thersiquel est déterminé : "Nous travaillons. Mais à 24 ans, ce projet me permet de rencontrer des artistes incroyables. Intellectuellement, c'est génial."

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