Timothée Boitouzet veut construire les villes du futur avec son "bois armé"

Fondateur de Woodoo, Timothée Boitouzet a développé un bois imputrescible et plus résistant. Présenté lors de l'événement Emtech France, ce "bois armé" pourrait devenir, selon son créateur, le matériau de base des villes du futur. Entretien.
Thimotée Boitouzet, le fondateur de Woodoo

Parti à 20 ans étudier l'architecture au Japon, Timothée Boitouzet a découvert là-bas l'usage du bois dans le bâtiment. Convaincu des perspectives de ce matériau s'il était possible d'en dépasser les limites, Timothée Boitouzet est allé étudier la biologie pendant deux ans à l'université d'Harvard. De ses recherches est né un "bois armé" qui pourrait révolutionner la sylviculture et le secteur du bâtiment.

Qu'avez-vous changé dans le bois ?
J'ai retiré la lignine (une macromolécule composant le bois) qui donne au bois sa rigidité et j'ai imprégné les cavités du matériau avec un monomère biosourcé. Cette résine végétale, synthétisée à partir de la biomasse, durcit à l'intérieur des cellules du bois qui devient étanche, ne pourrit plus, résiste mieux au feu et est trois fois plus rigide. Cela veut dire qu'on peut construire trois fois plus haut. C'est un matériau d'avenir parce que c'est le seul qui pousse tout seul et qui stocke le CO2 dans sa structure au lieu d'en émettre comme c'est le cas pour la fabrication des autres matériaux de construction. Les villes de demain seront en bois, plus vertes et neutres en carbone.

Combien coûte la fabrication de ce nouveau matériau ?
C'est encore confidentiel. Cela dépendra des économies d'échelle et des essences de bois utilisées pour faire du bois armé.

Est-ce plus cher que les matériaux actuels de construction ?
Notre objectif est d'être compétitif. Aussi révolutionnaire soit-elle, une technologie restera limitée à des marchés de niche si elle est trop chère. La construction est un marché de masse. Nous voulons rendre cette technologie la plus accessible possible. Pour être compétitif, nous allons isoler la lignine et la transformer en source d'énergie verte, en fibre de carbone biosourcée pour l'automobile et en vanilline ou en médicaments. Cela viendra diminuer les coûts de production et l'empreinte carbone de ce matériau.

Quelle quantité de bois armé pouvez-vous produire aujourd'hui ?
Nous sommes sur des sections de 5 millimètres à 1 centimètres. On pourra produire à terme du lamellé-collé pour faire des éléments structuraux avec ces petites sections. Avant cela, d'autres marchés nous intéressent comme celui du luxe, du design et du mobilier, de l'automobile. Pour le second œuvre de construction, ce bois armé peut servir pour les façades, les toitures et les éléments de planchers. Comme il est imputrescible et résistant au feu, c'est intéressant.

Quand prévoyez-vous de commercialiser votre bois armé ?
Pour les premiers marchés de niche, c'est à l'horizon d'un an. Pour le second œuvre, cela sera dans deux ans. Dans cinq ans, pour des éléments porteurs. Les premiers marchés sont moins règlementés que le gros œuvre où il faut du temps pour apporter un nouveau matériau.

Ce bois sera produit en France ?
Il faut savoir qu'en France, 50 % du bois qui pousse n'est pas utilisé. La France est le deuxième producteur de bois sur pied en Europe et le dernier à l'utiliser dans la construction. La France produit des essences faibles comme le peuplier, le tremble, le pin des landes, qui sont très fragiles car très poreuses. Si on les améliore, on peut en faire un bois ultra performant.

Nous sommes assis sur une ressource extraordinaire et sous-exploitée. Le but est de revaloriser ses ressources forestières françaises et de redynamiser toute la filière bois. Celle-ci représente un déficit de la balance commerciale de 5,8 milliards d'euros en 2015. 80 % des scieries ont fermé depuis les années 80. La France n'est pas compétitive. Les Chinois achètent nos chênes, les traitent chez eux et nous les revendent. À travers le développement en France de ce produit, nous espérons relancer la filière sur le territoire.

Vous avez créé votre société Woodoo cette année. Vous allez chercher des fonds prochainement ?
Pour l'instant, nous nous autofinançons grâce aux sept prix d'innovation gagnés ces six derniers mois. Nous devons accélérer pour lancer le produit et nous étendre à l'international. Pour cela, nous lèverons trois millions d'euros d'ici quelques années.

Cherchez-vous à être racheter par un groupe ?
Cela serait très facile de nous vendre à des groupes étrangers mais notre but dépasse la constante commerciale. Nous espérons avoir un impact social et économique en France. C'est quelque chose qui me tient à cœur personnellement. Ce matériau est né aux États-Unis. J'aurais pu aller le développer dans la Silicon Valley. Je suis revenu en France parce que ça peut relancer la filière.

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