Protonthérapie : l'appel à la raison du directeur de l'Oncopole Michel Attal

Le professeur Michel Attal, directeur général de l'Institut Claudius Regaud et de l'IUCT Oncopole, souhaite la fin des polémiques entre Toulouse et Montpellier sur la protonthérapie, mais soutient néanmoins la lettre envoyée à Manuel Valls par le Ceser Midi-Pyrénées. Dix-huit mois après l'ouverture de l'IUCT, il livre par ailleurs un premier bilan positif et détaille les axes de développement du site. Entretien.
Michel Attal, directeur général de l'Institut Claudius Regaud et de l'IUCT Oncopole

Vous avez été l'un des porteurs du projet de l'IUCT Oncopole pendant plusieurs années et le parcours jusqu'à l'ouverture de cet établissement n'a pas été facile, racontez-nous...
Je suis professeur d'hématologie et j'ai travaillé au service hématologie du CHU sur de grandes thématiques de recherche scientifiques, notamment la greffe de moelle. À ce titre, je suis membre fondateur de la société française de greffe de moelle. Entre 2001 et 2010, le projet d'IUCT a surtout avancé au plan architectural, mais au plan médical les choses étaient tellement compliquées que tout a failli être stoppé net. En 2010, la conseillère du ministre de la Santé de l'époque (Xavier Bertrand, NDLR) m'a demandé si je voulais m'en occuper et j'ai accepté. À ce moment-là, j'ai été nommé préfigurateur médical et j'ai bâti un projet en six mois.

Pourquoi les choses ont-elles été si compliquées au plan médical ?
Parce qu'avec l'ouverture de l'IUCT à Toulouse, les gens du CHU comme ceux de l'Institut Claudius Regaud (ICR) craignaient de part et d'autre de perdre un pan de leur activité. J'ai dit qu'au contraire, il fallait considérer que l'oncologie disposerait désormais de trois sites à Toulouse au lieu de deux. J'ai construit un projet de façon à répartir les activités et à positionner à l'IUCT toutes les structures indispensables à l'oncologie moderne.

On trouve ainsi à l'IUCT un service d'anatomopathologie (l'analyse des tumeurs), des banques de tissus, l'organisation de la recherche clinique, la pharmacie pour la fabrication des médicaments anticancéreux, la recherche fondamentale autour du cancer avec le CRCT, la radiothérapie, la biologie moléculaire.

Le projet médical a été validé en six mois.

Sur le terrain, les équipes de recherche clinique travaillent-elles ensemble aujourd'hui ?
Pour l'instant, deux structures coexistent toujours, celles du CHU d'un côté, celles de l'ICR de l'autre. Mais on est en discussion pour aboutir à une seule structure de recherche clinique. Nous devrons y arriver en 2016 car il y a un réel enjeu pour nous en matière de recherche clinique. Nous avons actuellement 250 études en cours, tous domaines confondus, et une dizaine de nouveaux médicaments en phase d'étude précoce. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un grand laboratoire ne vienne nous voir pour nous proposer de travailler avec lui en contractualisation ou évaluation de nouvelles drogues.

Quels sont les laboratoires avec lesquels vous travaillez déjà ?
Nous avons déjà des partenariats signés avec Roche, les Laboratoires Pierre Fabre, Sanofi, Arik Ginseng International et Celgene.

Un an après l'ouverture, quel est le premier bilan de l'activité médicale de l'IUCT ?
Elle est bonne. L'IUCT compte 300 lits, toutes les unités sont pleines et les projections financières dépassent les espérances. On fonctionne à plein régime. Dans certains domaines comme l'hématologie, on commence même à se poser des questions concernant des listes d'attente.

Et du côté des patients ?
Nous avons commencé avec des taux de satisfaction assez médiocres, de l'ordre de 50 %, mais après 18 mois de fonctionnement, nous avons amélioré les choses concernant l'organisation de la structure, l'alimentation, l'attente au moment des consultations, l'accueil des patients qui était perçu comme impersonnel... Aujourd'hui nous avons revu certaines choses y compris au niveau de l'architecture intérieure. Nous enregistrons désormais un taux de satisfaction de 85 %.

Quels sont les axes de développement stratégique de l'IUCT ?
Il y en a quatre. D'une part nous travaillons en collaboration avec la région et les établissements publics et privés pour finaliser la mise en place d'un dossier commun en cancérologie sous l'égide du réseau Oncomip.

Nous travaillons aussi à la mise en place des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) de recours avec l'ensemble des établissements de la région pour assurer une parfaite égalité de traitement à tous les patients, qu'ils habitent Toulouse, le Gers ou l'Ariège...

Nous avons des projets d'organisation d'activités nouvelles et souhaitons créer un département dédié aux nouveaux traitements et traitements à la carte. Nous travaillons, par exemple, à l'arrivée de nouvelles molécules d'immunothérapie.

Enfin, nous implanterons une machine de radiothérapie Gamma Knife au CHU sous la gouvernance de l'Oncopole fin 2016. Ce sera un outil régional partagé entre les radiothérapeutes des établissements publics et privés.

Que pensez-vous de la volonté de Toulouse Métropole de faire sortir l'Oncopole du tout cancer ?
Loin de moi l'idée d'opposer cancer et hors cancer. In fine, le fait que Toulouse veuille sortir du tout cancer sera profitable à tous. Néanmoins, le domaine de la cancérologie reste porteur, le site de l'Oncopole est dédié au cancer et il doit continuer à se déployer avec la mise en œuvre de nouveaux traitements, de prévention, d'organisation, de technologies nouvelles.

Concernant le projet de protonthérapie, discutez-vous avec les porteurs de projet de Montpellier ?
Cela suffit, sur ce sujet, chacun a mis assez d'huile sur le feu ! Oui, les médecins discutent, mais en dehors d'une seule fois (par l'intermédiaire des médias, NDLR), ils ne communiquent pas vers l'extérieur.

Si on analyse les forces en présence, me semble-t-il, Toulouse et Montpellier ont des légitimités. Mais, au final, il n'y aura qu'un seul centre, et celui qui ne sera pas choisi devra travailler avec l'autre. Chez nous, les médecins disent : "de toute façon si ce n'est pas nous, on comprendra".

Par contre, ce que l'on ne veut pas, c'est que l'implantation de la protonthérapie relève d'un choix politique.

Vous dites qu'il faut arrêter la polémique, mais la lettre envoyée par le Ceser Midi-Pyrénées à Manuel Valls n'est-elle pas de nature à alimenter la polémique ?
Je soutiens la lettre envoyée à Manuel Valls. D'ailleurs, je l'ai cosignée, elle n'est pas polémique. Nous souhaitons qu'il n'y ait pas de tractation mais un vrai choix stratégique sur ce projet.

Êtes-vous le porteur de ce projet à Toulouse ?
Attention, je ne suis pas radiothérapeute ! Les porteurs de ce projet d'un point de vue médical seront Élisabeth Moyal, radiothérapeute, et Régis Ferrand, physicien. C'est d'ailleurs lui qui avait implanté le premier centre de radiothérapie de France à l'Institut Curie.

Ils travaillent déjà depuis un an au sein du groupe de travail Periclès 2, se réunissent de façon hebdomadaire avec des médecins, radiothérapeutes, physiciens. L'objectif de ce groupe de travail étant de renforcer le dossier de Toulouse dans son aspect industriel, car Toulouse bénéficie d'un écosystème favorable.

Si l'on installe l'appareil de protonthérapie ici, il sera pour la première fois situé au cœur d'un hôpital, mais il servira aussi de plateforme aux industriels toulousains qui ont de la microtechnique embarquée.

Le groupe Périclès 2 travaille également avec des médecins espagnols, pourquoi ?
Parce qu'il y a un groupe de radiothérapeutes à Barcelone, et l'on travaille sur un réseau Toulouse, Montpellier, Barcelone. D'ailleurs, je pense que les médecins de Montpellier travaillent aussi de leur côté avec les médecins espagnols.

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