Spatial : un an après, que nous apprend Rosetta sur les origines de la vie ?

En orbite depuis un an autour de la comète Tchourioumov-Guérassimenko, la sonde Rosetta a envoyé de nombreuses données aux scientifiques. Que nous apprennent-elles sur notre propre planète? Éléments de réponse avec plusieurs spécialistes dont Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta au Cnes.
Le robot Philae et la sonde Rosetta, sur la comète Tchouri

"Cette mission est à 99,9 % une réussite, s'enthousiasme Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta au Cnes. L'orbiteur Rosetta fonctionne très bien. Il n'y avait jamais eu une observation continue d'une comète. Jusqu'à présent, les survols avaient duré quelques heures."

Flashback. Le 6 août 2014, la sonde Rosetta se place en orbite à 100 km de la comète Tchourioumov-Guérassimenko, dite "Tchouri", après plus de 10 ans de voyage. Quelques jours plus tard, les premières images de la comète sont rendues publiques. Pour les scientifiques, c'est déjà l'heure des premières interrogations. "Nous avons alors vu qu'elle était double. Est-elle en train de se casser ou est-ce le résultat de l'agglomération de deux corps ? Cela n'est pas encore résolu", révèle Philippe Gaudon.

Comète Tchouri

Vue de la comète Churyumov-Gerasimenko, enregistrée par l'instrument OSIRIS embarqué sur le satellite ROSETTA. © ESA/Rosetta/NAVCAM, 2014

Sur ces images, on voit également des jets de gaz et de poussières sortir de gouffres, démontrant ainsi une grande activité de la comète. Dans la nuit du 12 au 13 août 2015, la comète est passée au plus près du Soleil, moment appelé "périhélie".

"C'est un moment essentiellement symbolique, précise Philippe Gaudon. Cependant, dans les semaines qui viennent, la température de la comète va continuer à augmenter, accroissant l'activité de la comète. Cela va nous permettre de récupérer beaucoup de matière."

L'eau terrestre ne viendrait pas des comètes ?

Nées dans les confins du système solaire et très éloignées du Soleil pendant la majeure partie de leur vie, les comètes sont, de par la faible évolution de leur composition, des témoins privilégiés des conditions de la naissance du système solaire. Pour cela, l'observation de Tchouri devrait faire avancer de nombreuses théories, sur les origines de la vie notamment.

Par exemple, l'origine de l'eau terrestre est l'une des plus grandes questions scientifiques et les comètes sont perçues comme une des sources possibles. Sous sa surface, recouverte d'une couche de matière noire constituée de matière carbonée, Tchouri renferme une couche d'eau "située entre 20 cm et 1 à 2 m de profondeur", selon Philippe Gaudon. Cette eau a été analysée par l'instrument Rosina, qui a notamment mesuré le rapport Deutérium / Hydrogène. Celui-ci s'est révélé largement supérieur à celui de l'eau sur Terre, remettant en cause l'origine cométaire de l'eau.

"Cela demande en tout cas de s'interroger à nouveau sur la formation des océans. Ce n'est pas des comètes comme Tchouri qui en sont à l'origine visiblement", estime Philippe Gaudon.

Des molécules indispensables à la vie

Grâce à la mission Rosetta, de nombreuses données ont été récoltées. "Nous avons appris énormément, assure Philippe Gaudon. Et pour le moment, le travail porte essentiellement sur les données de 2014."

Ainsi, 16 molécules complexes ont été identifiées sur Tchouri, dont 4 qui n'avaient jamais été observées dans l'espace. Ce sont les outils Cosac et Ptolemy, présents sur le robot Philae qui ont pu réaliser ses mesures en procédant par reniflage, aspirant gaz et poussières.

"Dans de bonnes conditions, ces molécules prébiotiques peuvent former des acides aminés", explique le chef de projet Rosetta au Cnes. Nous avions une théorie selon laquelle les comètes seraient venues percuter les planètes et auraient amené les molécules prébiotiques nécessaires à la vie. Ces premières observations pourraient confirmer cette théorie, dite 'panspermie'".

Selon poursuit Philippe Gaudon, des scientifiques ont fait des essais à partir des molécules présentes sur la comète et ont pu synthétiser des acides aminés, eux-mêmes à l'origine de l'ARN (molécule très proche de l'ADN présente chez tous les êtres vivants).

"C'est extrêmement important, s'enthousiasme le scientifique. Cela pourrait prouver qu'il n'y a pas de raisons que la vie ne se soit développée que sur Terre. Si cela se confirme, cela pourrait arriver dans les manuels scolaires dans 20 ou 30 ans."

Quels avenir pour Philae ?

La mission du robot doit prendre fin en novembre. Il n'aura alors plus assez de batterie pour être autonome. Depuis le 9 juillet dernier, Philae ne répond plus. Il faut dire que son atterrissage ne s'est pas fait en douceur et que la position du robot n'est toujours pas précisément identifiée. "Avec le rebond, nous avons mis énormément de temps pour savoir où était Philae et comment il était tombé. Nous avions un cercle de 100 m de diamètre, qui s'est petit à petit réduit. Nous pensons l'avoir localisé mais nous n'en sommes pas encore certains", détaille Philippe Gaudon.

Philae

Premier cliché de Philae lors de sa séparation de Rosetta © ESA/Rosetta/Philae/CIVA, 2014

Avant cela, Philae a eu le temps de remplir une bonne partie de sa mission. "Le robot a radiographié l'intérieur de la comète. On s'est aperçu que la structure de la tête de la comète était très homogène, ce qui signifierait qu'elle s'est formée en une fois", explique le scientifique. En novembre dernier, quelques jours après son atterrissage, le robot a été actif pendant deux jours et demi. L'instrument de forage est l'un des seuls qui n'a pas pu être utilisé lors de cette période.

Peut-il se réveiller et apporter de nouvelles informations ?

"La probabilité s'affaiblit de jour en jour", selon Eric Lewin, chercheur à Grenoble, spécialiste des sciences de la Terre. Celui qui fait parti de la mission Curiosity sur Mars animait une conférence sur le "tourisme spatial" lors du Festival d'astronomie de Fleurance. Il y abordait la mission Rosetta et se montre pessimiste sur le réveil de Philae.

"Rosetta a dû s'éloigner et la communication est d'autant plus difficile. Mais cela reste un très beau succès. Il a fonctionné à 90 % alors que sur le papier, il n'était qu'un supplément à la mission Rosetta", ajoute-t-il.

Un constat partagé par Philippe Gaudon, chef de projet Rosetta au Cnes. "C'est un très beau succès sur les deux jours et demi d'analyse" même si, aujourd'hui, la communication est difficile. Philae a atterri couché et ses antennes sont tournées vers la surface de la comète. D'autre part, Rosetta devait être en orbite à 30 km et a dû être éloignée à 300 km. En effet, les censeurs stellaires, qui permettent à la sonde de s'orienter par rapport aux étoiles, confondaient les étoiles et les poussières. Mais selon lui, "l'activité de la comète va rebaisser d'ici à novembre, ce qui pourrait permettre de rétablir la communication avec Philae".

Fin de mission dans un an

Alors que les premières conclusions sont faites à partir des données récoltées en 2014, la mission de Rosetta doit se poursuivre jusqu'en septembre 2016. Elle ira alors se poser à la surface de Tchouri avec une approche très lente de manière à récolter un maximum de données à proximité de la comète. La quantité des données à traiter va donc s'avérer colossale, au grand bonheur des scientifiques. "Cela va prendre des années pour exploiter l'ensemble des données. Mais elles pourraient nous permettre de confirmer certaines théories ou, au contraire, nous forcer à repenser les modèles sur les origines de la vie." Les découvertes passionnantes n'ont pas finies d'être annoncées.

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