Objets connectés : les patrons de Sigfox et Microsoft France expliquent leur stratégie

L'Internet des objets fait rêver. Avec Microsoft France, Sigfox compte le rendre le rêve bien réel. Partenaires depuis avril, la startup et le géant de l'informatique - qui a récemment orienté sa stratégie vers les objets connectés - veulent allier leurs compétences. Grâce à son réseau bas débit, l'opérateur toulousain connectera les objets et collectera les données qui seront analysées par Microsoft via sa solution Azure. L'enjeu : accélérer la transformation des industries et connecter des milliards d'objets. Entretien croisé entre Ludovic Le Moan, directeur général de Sigfox, et Alain Crozier, président de Microsoft France.
Alain Crozier, président de Microsoft France et Ludovic Le Moan, directeur général de Sigfox.

Pourquoi ce partenariat entre Sigfox et Microsoft ?

Ludovic Le Moan : L'enjeu pour Microsoft et pour Sigfox est de développer l'Internet des objets. On en parle depuis des années mais tant qu'il n'y a pas l'infrastructure pour que les objets puissent se connecter, cela ne décolle pas. Les clients ont besoin de connectivité et de valeur derrière, car ils ont besoin d'améliorer leurs process et leurs marges.

Là où finit le business de Sigfox commence celui de Microsoft. Nous cherchions un partenaire présent partout dans le monde, avec des compétences que nous ne cherchons pas à développer. Réaliser un réseau mondial, c'est déjà assez ambitieux. En travaillant avec Microsoft, nous avons un partenaire crédible, connu et capable de stocker des données et de les utiliser. Les clients ne connaissent pas la valeur des données qu'ils transmettent. Nous récupérons leurs données et nous les envoyons à Microsoft.

Alain Crozier : De notre côté, nous stockons la donnée et nous la recoupons avec d'autres bases. Cela nous permet ensuite de prévenir le client avant que son appareil connecté tombe en panne et de conseiller pour qu'il améliore son utilisation. Nous mettons par exemple des capteurs sur des moteurs d'avions pour que le fabricant réduise la consommation de kérosène. Ces données, couplées à des informations sur les routes aériennes et la météo, nous permettent de conseiller les pilotes pour économiser du carburant. Et les applications sont infinies.

Sigfox connecte. Microsoft stocke et analyse. Sigfox est-il le collecteur unique pour le réseau bas débit ?

A. C. : Sigfox n'est pas le collecteur unique. Mais il y a une vraie complémentarité entre nos deux entreprises.

L. L. M. : Nous ne sommes pas en concurrence pour le wifi ou le GSM. Ce que nous faisons ensemble, c'est donner de la valeur à des choses qui n'en ont pas aujourd'hui. Tant qu'on n'a pas atteint un certain plancher, la valeur de la data n'est pas suffisante pour se payer une connectivité. L'intérêt de travailler dans le cloud, c'est que le client, qui paye pour une donnée simple, se rend compte qu'en la recoupant avec d'autres informations, il peut recevoir d'autres services.

Nous sommes au début de l'histoire. Microsoft a une feuille de route. Nous aussi. L'idée est de partager cela pour répondre aux besoins de nos clients.

Comment s'est noué le partenariat ?

L. L. M. : Des gens de Microsoft et de Sigfox se connaissaient. Nous avons vu le changement d'approche de Microsoft vers l'Internet des objets (IdO). Nous avons beaucoup discuté lors du Mobile World Congress de Barcelone 2016. Maintenant, ce partenariat doit vivre car le marché va vite. On ne peut pas attendre d'être pris de vitesse.

A. C. : Il y avait une communauté de besoins et un ADN commun. Il y avait une volonté de Sigfox de devenir international. Nous sommes présents dans 190 pays. La technologie de Sigfox nous intéresse. Nous voulons nous appuyer dessus. En tant que Français, je voulais nouer un partenariat avec les meilleurs acteurs locaux : Sigfox en est un. En mêlant nos compétences, nous pouvons ouvrir des marchés gigantesques. Ce partenariat va nous permettre d'accélérer et de répondre à plus de besoins de nos clients. Dans toutes les industries, nous apportons des solutions permettant d'être agile, rapide et de faire des économies. Récupérer des informations, c'est une chose, mais il faut aussi pouvoir les renvoyer très vite vers le client pour que cela lui soit utile.

L. L. M. : L'enjeu d'une plateforme comme Azure (la solution cloud de Microsoft, NDLR), c'est que les clients vont pouvoir se transformer très rapidement. Nous, ce qui nous intéresse, c'est de connecter des milliards d'objets. Pour que les clients passent des tests à des grands volumes, ils doivent valoriser leur investissement très vite en misant sur la connectivité

Nous parlons avec de nombreux industriels. Ils vont gagner rapidement en maintenance, en satisfaction client, en ressources humaines, etc. L'enjeu de l'IdO est là. On entend beaucoup parler des montres connectées etc., mais on ne sait pas très bien où cela va finir. On achète un bracelet et on le jette au bout de six mois. Nous visons au contraire des changements clés pour les industriels.

La solution est-elle déjà utilisée par des clients ?

A. C. : Oui, mais on ne peut en parler car nous avons des clauses de confidentialité. Mais cela convainc nos clients car nous répondons à leurs besoins de transformation digitale.

L. L. M. : Microsoft a des clients grands comptes en France, chez qui faire entrer une nouvelle technologie prend du temps. Microsoft étant déjà en place, cela nous fait gagner du temps car, maintenant que Sigfox a intégré Azure, le client ne voit même plus Sigfox.

Ce partenariat permet-il à Sigfox de distancer ses concurrents, comme Lora par exemple ?

L. L. M. : Oui, mais je ne suis pas inquiet de la concurrence. Qu'ils fassent des affaires ou pas, ce n'est pas un sujet. Personne n'a déployé un réseau comme le nôtre. Je suis assez confiant. La compétition n'existe pas et, si elle existe, ce n'est pas grave car on parle d'un marché de millions de milliards. Si, demain, nous sommes trois à se partager le gâteau, je signe. Cela ne me fait pas peur. Ce qui m'importe, c'est d'avoir des clients contents et qui s'y mettent rapidement. Avec Microsoft, tout est prêt. Entre le moment où on leur montre la solution et le moment où elle se met en place, la période est raccourcie. L'enjeu est là.

A. C. : C'est ce que demandent les clients qui veulent aller plus vite et améliorer leurs business. Si ce n'est pas nous, un autre le fera.

Quelle est l'envergure de ce marché que l'on dit colossal ?

L. L. M. : Honnêtement, personne ne le sait. Certains disent 500 milliards. D'autres 200. On peut dire n'importe quoi, mais je n'en sais rien. C'est trop gros. On ne sait même pas ce qui va être inventé. Il y a 6 milliards d'humains sur Terre, des milliards d'objets et d'animaux à connecter.

A. C. : Il y a des scénarii partout : quand on conduit, quand on mange, quand on s'habille, dans un ascenseur, sur un ordinateur. Certains usages commencent à voir le jour et à être testés. Certains vont mourir car la valeur n'y est pas. Dans l'agriculture, l'IdO va changer un nombre incroyable de choses. 500 ou 300 milliards ? On sait que c'est un très gros nombre et on n'en est qu'au début.

Le partenariat avec Microsoft concerne-t-il également les startups de l'IoT Valley ?

L. L. M. : Connit, une startup de l'IoT Valley, a tout développé en outils Microsoft. Ils se demandaient comment gagner en "scalabilité" (monter en cadence tout en maintenant ses performances, NDLR). Avec notre partenariat, Connit va passer sur Azure avec le soutien des ingénieurs de Microsoft. C'est une épine de moins dans leur pied. C'est clef pour eux, car nos startups ont besoin d'aller vite.

A. C. : Les startups qui passent par les solutions de Microsoft vont bénéficier d'un des plus gros cloud au monde. En nombre de serveurs et en aires géographiques, nous sommes capables de servir nos clients 24h/24h dans des conditions de sécurité extrême. Les startups peuvent se concentrer sur leur idée et s'appuyer sur un partenaire comme nous pour répondre à la question de la "scalabilité".

Les grands serveurs et les grands data center disposent d'une technologie qui est remise à jour de manière continuelle. Cela fera la différence pour les startups qui utiliseront nos services et qui veulent avoir des clients dans le monde entier.

L. L. M. : Ce qu'on veut, c'est que les startups se développent le plus vite possible. Nous avons des partenaires comme Intel ou Samsung pour industrialiser les objets de nos startups. Avec Azure et Microsoft, on leur offre de ne plus se soucier de la montée en cadence et de se concentrer sur leur business.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 17/06/2016 à 11:27
Signaler
Aucune envie d'avoir la boite à café et le poivrier connectés, je m'en passe très bien .... du gadget, du sophisme !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.