Du bio dans les cantines françaises, le pari de la société toulousaine Proxidélice

Le Toulousain Serge Atia est un pionnier du bio dans les cantines scolaires. Depuis 2013, sa société Proxidélice fournit plus de 1 000 sites de restauration collective en produits bio et locaux du Sud-Ouest. Malgré les attentes des parents en matière de "manger sain", faute de budget, les produits low-cost restent majoritaires dans les assiettes des écoliers. Une avancée législative est-elle possible ? Décryptage.
Serge Atia est le fondateur de Proxidélice fournit des produits bio et locaux à la restauration collective.

Le Toulousain Serge Atia est un défenseur de la première heure du bio dans les cantines. Dès 2001, sa première entreprise distribuait des produits bios dans les cantines. "À la naissance de la ma fille en septembre 2000, on était en pleine crise de la vache folle. Avec ma femme, nous n'avions pas confiance dans la nourriture qu'on donnait aux enfants à l'école. D'un besoin de parent, j'ai créé la première entreprise de France à ne faire que du bio pour la restauration collective", se remémore l'entrepreneur qui a été par ailleurs président du centre des jeunes dirigeants (CJD) de Toulouse. Au bout de sept ans, le grossiste Pomona rachète la majorité des parts de la société Biofinesse et Serge Atia la quittera quelques années après le rachat.

Mais en 2013, il se lance dans une nouvelle aventure entrepreneuriale avec Proxidélice. La société fournit actuellement plus de 1 000 sites de restauration collective (écoles, sites militaires, entreprises) en produits biologiques français mais aussi en denrées locales, avec un signe officiel de qualité (ex: Label Rouge, AOP, AOC). Basée à Toulouse, l'entreprise dessert tout le Sud-Ouest, de Bordeaux à Montpellier. Proxidélice a ouvert également en 2014 une plateforme de distribution à Rungis où elle sert des produits estampillés Ile-de-France aux cantines de la région parisienne.

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Entrepôt de Proxidélice à Toulouse (Crédit : Rémi Benoit).

De fortes attentes pour manger sain dans les cantines

"C'est un marché en forte croissance dans la restauration collective, il croît de plus de 20% chaque année, remarque Serge Atia. Aujourd'hui, les consommateurs sont plus exigeants sur le contenu des assiettes à la cantine." Selon un baromètre réalisé en février par le CSA pour l'Agence bio, 90% des parents se disent intéressés par une plus grande offre bio à l'école, tandis que 80% des actifs souhaitent des produits bio dans leur restaurant d'entreprise. Pour le créateur de Proxidélice, les scandales alimentaires à répétition ont favorisé ce plébiscite du manger sain :

"La crise de la viande de cheval a été un premier point déclencheur au sein de la population. Les consommateurs ont vu les limites du système qui consiste à acheter toujours moins cher sans savoir ce que l'on mange. L'an dernier, un reportage de Cash Investigation montrait que l'on pouvait retrouver des pesticides dans les cheveux des enfants scolarisés à proximité de champs traités".

Malgré cette prise de conscience, seules 5% des denrées sont bio dans les cantines scolaires et près de 80% de la viande sont importés depuis l'étranger. Serge Atia est confronté quotidiennement à des freins pour développer ce marché :

"Tout le monde aimerait faire du local mais dans les faits, les collectivités se retranchent souvent derrière les questions de budget. Les appels d'offres sont d'abord basés sur le prix, autrement dit le moins-disant. Par exemple, un client m'a expliqué que pour un collège, il a un budget imposé d'1,42 euros pour un repas complet (entrée, plat, laitage, dessert) alors que les denrées bio coûtent plutôt entre 2 et 2,30 euros. De la même manière, les parents ont de fortes attentes mais des moyens financiers limités pour les repas à la cantine".

L'entrepreneur soulève un autre paradoxe : "L'Occitanie dispose de la plus grande surface agricole bio de France mais en grande majorité destinée à la nourriture animale et la région manque d'usines de transformation pour estampiller les produits locaux".

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Produits frais vendus par Proxidélice (Crédit : Rémi Benoit).

L'article de loi sur le bio dans les cantines dans l'impasse

L'État a essayé à plusieurs reprises de légiférer afin d'accélérer le développement de produits bio en restauration collective. Dès 2007, le Grenelle de l'environnement fixe pour objectif d'atteindre 20% de bio dans la restauration collective d'ici 2012, mais la filière, pas suffisamment structurée, n'arrive pas à suivre la demande. En janvier 2016, une nouvelle tentative est lancée avec un article de loi prévoyant d'atteindre "40% d'alimentation locale, durable, de qualité dont 20 % d'aliments issus de l'agriculture biologique ou en conversion d'ici 2020". Mais le projet de loi est dans l'impasse après avoir été retoqué deux fois à l'Assemblée nationale puis au Sénat. Du coup, l'idée est désormais reprise par plusieurs candidats à l'élection présidentielle : Emmanuel Macron, Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon fixent un objectif de 50 à 100% de bio dans les cantines.

"Nous sommes à la croisée des chemins, insiste Serge Atia. Il manque un rien pour que nous avancions de manière significative. Les cantines bio, c'est un acte citoyen, cela booste l'économie. Ces circuits courts favorisent des emplois non délocalisables et aident les agriculteurs à s'autosuffire, à ne plus vivre des aides de la Pac", martèle l'entrepreneur. Il rappelle qu'en trois ans, Proxidélice a créé une dizaine d'emplois indirects auprès des producteurs agricoles. Mais il ajoute que l'équilibre financier reste fragile. La société de 12 salariés a réalisé 1,1 million d'euros de chiffre d'affaires en 2016 mais son dirigeant ne se verse pour le moment toujours pas de salaire.

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