"Nutrition & Santé est dans un rapport de force disproportionné en faveur de la grande distribution" (1/2)

Le Toulousain Didier Suberbielle, président du directoire de la société Nutrition & Santé (1 800 salariés dans le monde), est en lutte. Il se bat contre la grande distribution qui veut baisser les prix, contre les pouvoirs publics qui taxent les entreprises, contre les médias qui donnent une mauvaise image du secteur agroalimentaire. Première partie de cet entretien avec le leader des "trois sans" : sans-gluten, sans-sucre et sans-viande.
Didier Suberbielle, président du directoire de Nutrition & Santé

Comment qualifier le bilan 2016 de Nutrition & Santé ?

2016 a été une bonne année, avec une croissance soutenue en termes de chiffre d'affaires, portée avant tout par trois catégories en croissance et que nous appelons les trois "sans" : le sans-sucre, le sans-gluten et le sans-viande. Au niveau international, notre chiffre d'affaires a bondi de 16 % (458 millions d'euros contre 419 en 2015), notamment grâce à l'acquisition de Bicentury, société espagnole spécialisée dans la production de galettes de riz soufflé. Cela a été l'événement le plus important pour nous l'année dernière.

Vous dénoncez pourtant un contexte difficile pour votre société...

En effet, cette croissance soutenue a été réalisée malgré de fortes difficultés sur le marché français en grandes surfaces, où nous faisons face à une baisse de marge significative. Nous souffrons de la pression de nos clients de la grande distribution qui n'acceptent pas des augmentations de prix qui, malgré la hausse de nos coûts de revient (nous faisons face à une augmentation de nos frais de fonctionnement, du fait de la complexité croissante des contraintes réglementaires, sociales et environnementales). Cette déflation menace gravement la santé des sociétés agroalimentaires.

Vous êtes donc engagé dans un bras de fer avec la grande distribution. Comment s'établit le rapport de force ?

Pour simplifier, il y a 16 000 fournisseurs agroalimentaires et 4 acheteurs. Nous sommes donc dans une situation extrêmement difficile, dans un rapport de force disproportionné en leur faveur. Nous représentons moins de 0,1 % du chiffre d'affaires de Carrefour ou de Leclerc. mais ces deux groupes représentent chacun près de 25 % de notre chiffre d'affaires. Nous avons de manière évidente plus besoin d'eux que l'inverse. Le contexte général de ces négociations est extrêmement difficile et je dirais même désastreux. Il est urgent que les pouvoirs publics et les distributeurs eux-mêmes mettent un terme à cette course aux prix toujours plus bas et aux marges toujours réduites pour les sociétés agroalimentaires.

Vous pensez que les pouvoirs publics peuvent faire quelque chose ?

Le contexte réglementaire défini par la LME (loi de modernisation de l'économie) n'apporte pas aux fournisseurs agroalimentaires une protection suffisante face à des demandes de baisse de prix sans contrepartie. Heureusement, le contexte général pour Nutrition & Santé est compensé par une demande particulièrement forte pour nos produits car nous sommes positionnés dans des catégories qui sont demandées par les consommateurs. Mais on ne sent pas une mobilisation de la classe politique pour notre industrie agroalimentaire. Il y a peut-être une mobilisation pour les agriculteurs (et ils sont peut-être encore plus à plaindre que nous), mais en ce qui concerne les transformateurs, il n'y en a pas.

 Pourtant, je rappelle qu'aujourd'hui l'agroalimentaire est la première industrie française, avec plus de 500 000 emplois.

Vous estimez que les médias ont également une responsabilité. Pourquoi ?

En France, les médias soutiennent une sorte de préjugé négatif face à l'industrie agroalimentaire, en l'accusant d'être guidée uniquement par des objectifs de profits au détriment de la santé du consommateur. Il suffit de regarder la télévision du service public : au moins une fois par semaine sur France 5 sont diffusées des émissions qui accusent nos industries d'empoisonner les Français. Il n'y a pas un mot positif pour les efforts qui sont fait par l'ensemble des industries agroalimentaires pour mettre à disposition des consommateurs des produits qui sont peu chers, moins riches en sel et en sucre. Ce préjugé négatif n'existe qu'en France !

Vous pâtissez peut-être des mauvaises pratiques de certains industriels, non ? Certains fabriquent en effet de la nourriture de mauvaise qualité...

On ne peut pas dire qu'ils font de la mauvaise nourriture, parce qu'ils sont soumis à des réglementations très strictes, qui sont déjà très exigeantes. Le consommateur est complètement schizophrène : il demande des produits de moins en moins chers et, en même temps, il demande l'application d'un principe de précaution sur des risques minuscules, et le plus souvent non démontrés scientifiquement.

Dans ce contexte, quel choix a fait Nutrition & Santé ?

Nous avons fait le choix d'avoir des produits "premium", pas de luxe, mais en moyenne 30 à 100 % plus cher que le référent sur le marché, parce qu'ils sont bio, végétaux, sans sucre, et sans gluten. Nos produits ne peuvent pas être bon marché, c'est impossible.

La seconde partie de cette interview, "Agroalimentaire : avec le sans-viande, l'humanité entière relève un vrai défi" (2/2)" sera disponible demain sur le site latribunetoulouse.fr

Didier Suberbielle est actionnaire minoritaire et à titre personnel d'Hima News, groupe qui édite La Tribune Toulouse.

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