Satellites : Toulouse surveille et secourt les skippers du Vendée Globe

Météo France, CLS et le Cnes sont au coeur du dispositif de suivi de la course du Vendée Globe dont l'arrivée est prévue cette semaine. Les progrès techniques opérés par les satellites pilotés depuis Toulouse ont permis de faciliter la localisation des bateaux, la détection d'icebergs et d'intervenir plus vite pour secourir les skippers.
François Gabart, vainqueur du Vendée Globe en 2013.

"À Toulouse, il n'y a pas la mer mais nous sommes quand même en première ligne pour le suivi du Vendée Globe", lance Eric Luvisutto, le responsable des programmes de collecte de données de localisation au Centre national d'études spatiales (Cnes). À l'occasion d'une conférence-débat organisée par le club Galaxie le 6 janvier dernier à Météo France, plusieurs acteurs toulousains du spatial et des skippers ont souligné à quel point les satellites jouent actuellement un rôle central dans le suivi des compétitions maritimes. C'est le cas notamment pour le Vendée Globe dont l'arrivée est prévue entre mardi et jeudi cette semaine.

"Les satellites sont beaucoup utilisés pour cette course et globalement pour les activités maritimes. Leur usage a permis de faire énormément de progrès. Il faut savoir qu'en 1964, quand Éric Tabarly remporte la Transat en solitaire, il arrive à Newport en plein brouillard, personne ne l'attend à quai et lui même ne sait pas même pas qu'il a gagné !", narre Eric Luvisutto. 53 ans plus tard, les satellites permettent d'obtenir la position des skippers quasiment à la minute près, de leur donner des bulletins météo et de détection d'icebergs détaillés, de faire des Skype journaliers avec leur famille et leur l'équipe à terre mais aussi d'être secourus très rapidement en cas de problème.

Toulouse, centre historique du suivi maritime

La Ville rose est aux avant-postes de ces progrès techniques :

"Historiquement, Toulouse a une place de choix dans le suivi maritime puisque il existait ici un service radio des PTT qui assurait la communication des marins avec leur famille. Du coup, un service de santé de consultation à distance a été créé au centre hospitalier de Purpan pour permettre de soigner les marins. Toulouse qui n'est pas proche de la mer est pourtant un centre de consultation maritime", rappelle le responsable du Cnes.

Les satellites font irruption dans le suivi maritime au début des années 80 avec l'arrivée du système Argos dont les balises peuvent être installées sur les bateaux pour faciliter leur localisation. Créée en 1986, l'entreprise CLS (dont le siège est à Ramonville) est une filiale du Cnes et de l'Ifremer chargée d'exploiter ces balises Argos.

"CLS a suivi le Vendée Globe dès la première édition en 1989, mais aussi beaucoup d'autres courses à la voile : la Route du Rhum, le Solitaire du Figaro, la Transat Jacques Vabre... Aujourd'hui, les satellites permettent de localiser les bateaux tous les 5-6 minutes en période d'arrivée et toutes les 30 minutes le reste de la course", avance Sophie Besnard, cheffe de projet Vendée Globe au sein de CLS.

Ces données permettent d'établir le classement général. "Pour laisser de l'air aux skippers et leur permettre de se reposer un peu la nuit, le classement est actualisé seulement 6 fois par jour", poursuit-elle (techniquement il pourrait être actualisé toutes les 30 minutes). Les satellites de localisation renforcent également la sécurité puisque mieux connaître mieux la position des bateaux facilite leur sauvetage. "Par exemple, sur cette édition du Vendée Globe, début décembre, lors du sauvetage de Kito de Pavant, ce dernier n'a même pas eu besoin de déclencher la balise de sauvetage puisqu'il était déjà localisé grâce aux balises de CLS", complète Sophie Besnard.

Les satellites permettent aux équipes toulousaines de Météo France d'éditer des bulletins quotidiens de prévision. Depuis 2004, les skippers reçoivent aussi un bulletin de détection des icebergs émis par CLS. Cette année, le Vendée Globe a innové avec la mise en place d'une ligne (virtuelle) continue tout autour de l'Océan austral que les skippers devaient respecter pour éviter les icebergs.

"Nous avons placé tous les icebergs au sud de cette ligne pour minimiser le risque de les rencontrer. Cette ligne a pu être établie grâce à deux types de satellites d'observation de la terre. Le premier est un satellite altimétrique pour observer les courants maritimes qui peuvent dévier les icebergs de leur trajectoire. Ensuite pendant la course nous faisons appel à des radar imageurs qui sont analysés par nos experts sur notre antenne à Brest.

Les images reçues permettent de détecter les icebergs d'une centaine de mètres et d'en déduire une zone de risque autour, où l'on peut rencontrer de petits icebergs (appelés growlers) issus des plus gros et qui sont les moins visibles et les plus dangereux pour les skippers", détaille la cheffe de projet de CLS.

Des outils qui rassurent les skippers comme en témoigne depuis son bateau le célèbre navigateur Jean Le Cam, joint par Skype au cours de la conférence :

"C'est hallucinant la qualité de réception, je skype tous les jours avec Anne, ma femme. L'autre jour, je parlais avec Yann (Elies, skipper au coude-à-coude de Jean Le Cam au classement, NDLR) qui me dit 'je suis pas tranquille avec les icebergs', je lui ai répondu 'Yann, fais confiance aux satellites'. C'est très important car quand tu commences à douter, tu dors mal, tu dors pas".

Prochain défi : mieux détecter les animaux en mer

Quels progrès peut-on imaginer à l'horizon du Vendée Globe 2026 ? Eric Luvisutto tient à souligne que les améliorations prévues avec l'arrivée du système Galileo, le "GPS européen" mis en service en décembre dernier.

"Au-delà des chiffres d'affaires colossaux escomptés sur le développement d'applications, Galiléo apporte de nouveaux services dont un service de recherche et de sauvetage. Aujourd'hui, le skipper doit appuyer sur un bouton pour déclencher la procédure de sauvetage en espérant être entendu. Avec Galileo la détection sera instantanée avec les balises et le navigateur recevra un accusé de réception (sûrement par mail) de sa demande d'assistance. Le système Galileo donne également une plus grande précision des bateaux qui pourront être localisés à quelques mètres près".

Le skipper Roland Jourdain (qui a remporté deux fois la Route du Rhum) plaide de son côté pour une meilleure détection des OFNI (objets flottants non identifiés). "J'ai dû abandonner le Vendée Globe en 2008 après avoir heurté une baleine. On pourrait imaginer un système de détection des températures de l'eau pour en déduire les endroits où tels animaux migrent. Je pense qu'il y a quelque chose à faire autour de la migration animale". La directrice générale du Vendée Globe Sophie Vercelletto souligne de la même manière: " Ce que je verrai bien en 2026, ce sont des moyens de détecter les OFNI dans l'océan qui obligent un certain nombre de bateaux à interrompre leur course : c'est un vrai sujet. Il faut aussi rappeler que les OFNI font référence à la fois aux animaux ainsi qu'à tous les déchets en provenance de la Terre".

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