Métro (ou pas) à Labège : quelles conséquences pour les entreprises ?

Groupes aéronautiques, startups, promoteurs immobiliers : comment les entreprises réagissent-elles à l'abandon du projet de prolongement de la ligne B du métro à Labège ? Quel est l'impact économique de cette décision ?
Pose de la première pierre du bâtiment de Thales à Labège en novembre 2015 (Crédit : Rémi Benoit).

Le Sicoval mise beaucoup sur l'arrivée du métro jusqu'à Labège pour accélérer son développement économique. Mais la semaine dernière a sonné le coup d'arrêt du projet de prolongement de la ligne B du métro, repoussant ainsi à 2024, au minimum, une éventuelle arrivée du métro à Labège. Pas de métro avant au moins huit ans : comment les entreprises ont-elles vécu cette nouvelle et quelles sont les conséquences sur le plan économique ?

Ludovic Le Moan en colère

Président de l'IoT Valley, le CEO de Sigfox Ludovic Le Moan s'est exprimé sur le sujet  vendredi dernier. Dans une virulente tribune, il interpelle directement Jean-Luc Moudenc, estimant que "Toulouse et son agglomération sont victimes d'un manque de vision".

Pour lui, l'absence de métro met directement en danger l'essor du secteur de l'internet des objets :

"Cela met en péril un projet fabuleux sur lequel je fonde beaucoup d'espoirs, non pour moi personnellement, mais pour nos jeunes. Ces pressions et ces blocages sont une ineptie, qui met en exergue l'incapacité de la zone d'activité de Toulouse Montaudran à attirer des entreprises et des talents, et qui cherche à éviter ainsi que le territoire de Labège poursuive son expansion initiée il y a plus de 20 ans dans le domaine du digital."

Ces contraintes de transport pourraient-elles pousser le CEO de Sigfox à déménager ses locaux en dehors de la région ? Pour l'instant, rien de tel n'est évoqué par Ludovic Le Moan, très attaché à sa ville. Mais l'inquiétude des entreprises est réelle et se manifeste depuis plusieurs années.

Des difficultés pour recruter

Déjà, en 2009, le Sicoval avait tenté de mobiliser les entreprises via une campagne de tracts pour faire pression sur le Grand Toulouse (alors présidé par le socialiste Pierre Cohen) et Tisséo, qui refusaient le financement du prolongement du métro. En mars 2015, 138 entreprises participent à la création de l'association PLB visant à promouvoir le projet. À maintes reprises, le président de l'association PLB Hervé Schlosser (également PDG de France Pari et vice-président de l'IoT Valley) fait alors état des difficultés que les entreprises labégeoises rencontrent à recruter, en raison de la mauvaise desserte en transports publics :

"En 2012, quand nous avons décidé d'installer la Tic Valley (devenue IoT Valley au printemps 2015, NDLR) à Labège, nous avions la perspective d'avoir le métro sous cinq années. Si le projet ne se fait pas, il va falloir attendre 17 à 20 ans de plus. Or, le métro est un élément déterminant pour attirer les entreprises sur ce lieu. Ces sociétés en très forte croissance cherchent à recruter. Difficile de faire venir un développeur qui perd 1h30 par jour dans les embouteillages".

Même réticence quand Thales, 2e employeur privé de Toulouse après Airbus (avec plus de 4 200 collaborateurs) décide de transférer ses nouveaux locaux de Ramonville à Labège.

En novembre 2015, Philippe Chrétien, secrétaire du comité d'entreprise de la société Thales Services et délégué syndical CFDT, profite de la pose de la première pierre du bâtiment pour le rappeler à sa hiérarchie.

"Nous ne souhaitions pas venir nous installer à Labège. Ce site est très difficile d'accès matin et soir et cela produira de nombreuses contraintes au quotidien pour les équipes, confie-t-il. Nous avons perdu cette bataille, mais nous souhaitons maintenant sensibiliser la direction sur les conditions de travail."

Quel impact pour les promoteurs immobiliers ?

La perspective de l'arrivée imminente du métro a poussé pendant plusieurs années de nombreux promoteurs immobiliers à développer de vastes programmes d'aménagement. Midi2i, filiale de la Caisse d'Épargne, porte le programme des nouveaux locaux de Thales pour un bâtiment de 10 000 m2. La construction d'un deuxième bâtiment absolument identique a été programmée à quelques dizaines de mètres du premier, sur cette parcelle de 23 000 m2 au total. Mais le démarrage de la construction de ce deuxième bâtiment est soumise à l'arrivée d'une entreprise. Aujourd'hui, le projet est en suspens. "Nous sommes toujours en négociations pour trouver un preneur", indique Pierre Cabrol, le président de Midi2i. Pour autant, le promoteur n'affiche pas d'inquiétude particulière pour le moment :

"Il faut garder son calme. L'arrêt du projet prolongement de la ligne B du métro n'est pas encore acté. J'espère qu'il y aura une issue favorable sur ce sujet dans les mois à venir", ajoute-t-il.

Du côté des autres acteurs économiques labégeois, on préfère garder le silence. Guillaume Carle, promoteur qui, à Toulouse, a décidé d'axer son développement sur Labège, préfère ne pas s'exprimer sur le sujet avant toute officialisation de l'abandon du projet. Même position pour le directeur de Carrefour Labège (qui avait prévu une extension de 20 000 m2 du centre commercial) ou encore le CEA Tech. Rappelons que la future plateforme régionale du commissariat à l'énergie atomique avait longtemps hésité entre Montaudran et Labège, avant de trancher pour la commune du Sicoval qui proposait des locaux 5 fois moins chers que la première.

Mais Labège a déjà perdu plusieurs projets économiques d'envergure faute de métro. Dans une interview accordée à La Tribune Toulouse, l'ex-directeur d'Orange Sud Pierre Clément annonçait le 14 janvier dernier la construction d'un campus de 1 000 collaborateurs au sud de Toulouse. Il expliquait alors : "Depuis la genèse du projet, nous avions étudié 7 secteurs à l'est de Toulouse, de Gramont à Labège, donc aussi bien au sein de Toulouse Métropole qu'au Sicoval. Mais notre choix se concentre désormais sur deux à trois secteurs. À projet égal, ma préférence ira vers un site implanté au sein de Toulouse Métropole. Aujourd'hui, il est difficile d'imaginer un site sans accès au métro."

Le quartier Innometro, sans le métro ?

Et que dire du quartier Innometro ? En juin 2015, Alain Sérieys, vice-président en charge de l'Aménagement de l'espace et de l'habitat au Sicoval, déclarait :

"Ne pas avoir le métro ? On ne l'imagine même pas car c'est un enjeu pour l'agglomération. Aujourd'hui, Labège Innopole pèse 20 000 emplois dans l'agglomération. Avec Innometro, ce serait potentiellement 10 000 emplois supplémentaires !"

"Le projet de réaménagement urbain n'est pas suspendu à l'arrivée du métro", affirmait néanmoins Alain Sérieys, même s'il le concédait, "le métro permettrait un développement plus organisé". Sur le territoire du Sicoval, 200 000 m2 d'extension potentielle sont directement liés au PLB. "Si nous n'avons pas le métro, cela se fera moins facilement."

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