Il s'était donné deux ans pour remettre la librairie Privat sur les rails du succès, l'heure d'un premier bilan a donc sonné pour Benoit Bougerol. Ce libraire, propriétaire de la maison du livre à Rodez, a repris le 1er octobre 2013 la librairie indépendante Privat, à Toulouse. À ce moment là, cette véritable institution toulousaine était mise en vente par le Groupe Chapitre, en faillite. L'arrivée de Benoit Bougerol a été vécue comme un petit miracle, quelques mois après la fermeture de Castelà, une autre librairie indépendante toulousaine.

Une librairie "calibrée pour faire 3 millions d'euros de CA"

Dès son arrivée, Benoit Bougerol a engagé de gros travaux pour un montant d'environ 500 000 euros. L'objectif était d'insuffler une nouvelle jeunesse à la librairie en refaisant le rez-de-chaussée et le sous-sol. Par ailleurs, "nous avons du refaire tout le système de chauffage et de climatisation qui a explosé, ce qui n'était pas prévu, décrit le chef d'entreprise. Malgré cela, la librairie affiche un bilan positif avec un chiffre d'affaires qui devrait atteindre 2,5 millions d'euros en 2015. "À titre de comparaison, ce chiffre était de 5,2 millions d'euros en 2004 et a chuté à 2,2 millions d'euros en 2012 (le groupe Chapitre avait repris Privat en 2011, NDLR)".

Selon Benoit Bougerol, la librairie, de part son emplacement en plein centre-ville et sa surface de 750 m2 "est calibrée pour générer 3 millions d'euros de chiffre d'affaires".

"Une augmentation de notre chiffre d'affaires de 5 % par an serait honnête, compte tenu du marché en récession de 1% par an, ajoute Benoit Bougerol. Nous avons été rentables dès le premier exercice alors qu'avec le groupe Chapitre, la librairie perdait 200 000 euros par an".

Parmi les explications de ce succès : la rénovation du magasin. "Nous avons refait tout le système informatique, et la logistique. La moitié du personnel a été renouvelée car certains souhaitaient partir et nous avons recrutés des libraires expérimentés. Et puis, les clients sont revenus".

Les libraires de centre-ville, toujours en danger ?

Anne Bougerol, qui a repris la librairie avec son père, est claire, le défi n'est pas terminé :

"Privat doit rayonner davantage dans Toulouse, attirer davantage de monde. Quand quelqu'un veut acheter un lire, il doit avoir le réflexe de venir chez nous".

Si ce n'est pas encore le cas, c'est, selon Benoit Bougerol, notamment en raison des grandes enseignes présentes en périphérie des villes.

"Cultura et Leclerc font de très bon chiffres et représentent une concurrence redoutable. Certes, les gens fréquentent de plus en plus le centre-ville, mais cela bénéficie aux cafés et aux restaurants. Ils ne viennent pas en ville pour acheter des livres. Les commerces de détail sont durablement fragilisés."

Par ailleurs, la librairie a perdu cette année un appel d'offres de l'université Paul-Sabatier pour la fourniture de livres scientifiques, au profit d'un concurrent lyonnais. "La librairie avait déjà perdu ce marché à l'époque de Chapitre, car la qualité de service s'était dégradée. Mais aujourd'hui, nous sommes une des plus grandes librairies scientifiques de France, nous aurions été capables de respecter l'engagement, notamment en termes de livraison puisque nous sommes à Toulouse. C'est dommage que l'université ne fasse pas travailler les locaux", regrette le libraire.

Contacté, le service des marchés de l'université n'a pas répondu à nos sollicitations ce vendredi.

La librairie Privat, qui va mettre en place un "Prix des lecteurs Privat" et des lectures de contes, vendrait aujourd'hui en moyenne 240 000 livres par an, soit une moyenne de 800 par jour.