Le voyagiste toulousain Fram, le leader français du secteur, est au bord du dépôt de bilan. Comment en est-on arrivé là ?

Premièrement, Fram a été très touchée par le printemps arabe en Tunisie (à partir de décembre 2010, NDLR). Le tour opérateur était l'un des grands spécialistes du Maghreb et l'essentiel de sa production était destiné à la Tunisie et au Maroc. La deuxième raison est que Fram n'a pas réussi à prendre le virage d'internet. Enfin, le voyagiste est en proie à des conflits internes entre ses actionnaires et ses dirigeants.

Deux offres de reprise ont été déposées pour acheter Fram : celle du consortium chinois HNA adossé au réseau français d'agences de voyage Selectour Afat et d'autre part une offre du français Karavel-Promovacances qui prévoit une reprise uniquement après le dépôt de bilan. Selectour a confirmé ce mercredi que le groupe HNA a retiré son offre. Comment expliquer ce revirement ?

Le consortium chinois a pris connaissance de l'état effectif des finances de Fram (qui seraient plus mauvaises que prévu, NDLR). Mais d'autres facteurs ont pu entrer en ligne de compte. La prise de décisions en Chine relève d'un processus très complexe et, d'après ce je sais, il y a eu également des conflits en interne au sein du consortium HNA.

Quelles seraient les conséquences d'un dépôt de bilan de Fram?

Il faut préciser en premier lieu que Fram est leader en France en termes de notoriété, devant le groupe Nouvelles Frontières et le Club Med. La valeur de cette entreprise est colossale et elle fera de toute façon l'objet d'un rachat. Pour le moment, deux offres de reprises ont été déposées, l'une d'elles a été retirée, mais il y aura sûrement d'autres investisseurs qui feront de nouvelles offres de reprise. Fram compte 670 salariés et une quarantaine d'agences de voyages réparties dans toute la France. La reprise des effectifs pourrait être partielle même si, pour l'instant, on ne connaît pas l'ampleur des conséquences sociales d'un rachat.

Peut-on craindre des faillites d'agences de voyage après le dépôt de bilan de Fram ?

Je ne crois pas à un effet domino qui déstabiliserait l'ensemble du secteur touristique. En cas de dépôt de bilan, les acomptes versés par les agences de voyage à Fram seront perdus, ce qui pourrait déstabiliser les plus petites agences de voyages. Mais ce risque est limité sachant que les agences de voyage disposent dans la loi d'une garantie financière concernant ces acomptes.

Havas Voyages aurait demandé lundi à ses agences de "stopper immédiatement les ventes" de Voyages Fram. Est-ce une bonne stratégie ?

Il ne faut surtout pas stopper les ventes, sachant que les sommes engagées par les agences seront garanties. D'ailleurs, Havas Voyages est revenu sur cette décision hier. Ensuite, il faut bien dire aux clients qu'ils ne seront pas du tout impactés.

Est-ce que la fragilité de Fram est révélatrice d'une fébrilité plus globale de l'écosystème touristique, notamment face à l'ubérisation de l'économie ?

Pas du tout. Certaines sociétés sont fragilisées, notamment car elles n'ont pas su s'adapter au digital, mais d'autres se portent bien et ont su développer une activité multicanal. Certes, de nouveaux acteurs tels qu'Airbnb affectent le secteur, mais seulement à la marge. Le tourisme est un secteur très porteur : nous allons passer d'un milliard de voyageurs dans le monde actuellement à deux milliards d'ici à 15 ans. L'ubérisation du secteur sera absorbée par la croissance du marché.