Comment l'intelligence économique peut stimuler les PME françaises

Encore sous-utilisée par les entreprises françaises, l'intelligence économique repose sur la veille, la sécurité et l'influence. Trois piliers qui, s'ils sont utilisés à bon escient, permettent aux entreprises d'anticiper les nouvelles concurrences et de mieux appréhender leurs marchés.
L'intelligence économique, un outil encore sous-estimé par les PME françaises

Quel est le point commun entre les plus grands groupes français et les Laboratoires Phodé, une PME tarnaise ? L'intelligence économique !

Spécialiste des additifs sensoriels, Phodé réalise 70 % de son chiffre d'affaires dans les 40 pays où elle est présente. Connaître ces marchés extérieurs est donc d'une importance capitale pour cette PME fondée en 1997 près d'Albi.

Proche d'Alain Juillet (haut responsable pour l'intelligence économique auprès du Premier ministre jusqu'en 2009) qui l'a sensibilisé à la chose, Daniel Eclache, le fondateur des Laboratoires Phodé, mise sur l'intelligence économique depuis 5 ans pour renforcer les activités de son entreprise.

"Une personne travaille là-dessus à plein temps, explique-t-il. Cela permet de sensibiliser les autres salariés à l'intelligence économique et de leur faire comprendre que nous évoluons dans un univers hostile."

D'après ce vétérinaire de formation, l'intelligence économique lui permet de "beaucoup mieux comprendre notre environnement car nous sommes davantage à l'écoute" et ainsi "d'aller à l'export de façon raisonnée". Un exemple : l'Irak.

"Qui aurait eu l'idée d'y travailler ? sourit Daniel Eclache. Pourtant, en étudiant la situation, on comprend qu'il y a deux pays : l'Irak et le Kurdistan, qui est une zone riche où les affaires sont possibles. Savoir cela nous permet d'y travailler depuis trois ans maintenant."

Une veille active permet donc à la PME tarnaise de détecter les marchés, d'estimer les risques et les potentiels et d'élaborer sa stratégie. Fondée il y a 18 ans, les Laboratoires Phobé enregistrent un chiffre d'affaires de 17 millions d'euros aujourd'hui. Signe que la recette fonctionne.

Veille, sécurité et influence

L'intelligence économique "à la française" est fondée sur trois piliers : la veille, la sécurité et l'influence.

La première est "la mère de toutes les batailles", selon Claude Revel, la déléguée interministérielle à l'intelligence économique (D2IE) auprès du Premier ministre. "Sans veille, les entrepreneurs perdent du temps, de l'argent et font des erreurs", a-t-elle déclaré, lundi 20 avril à Toulouse, devant les conseillers au commerce extérieur de Midi-Pyrénées. Outre le recueil d'informations sur son environnement, la veille consiste aussi à "s'inspirer de ce qui marche sans faire de copier-coller". Des données qu'il faut néanmoins "trier et traiter professionnellement" pour en tirer pleinement bénéfice.

"Facteurs d'action négatifs", "risques immatériels sur le savoir-faire, les données et la réputation", la réflexion autour de la sécurité est inhérente à l'intelligence économique. Trois types d'attaques doivent être anticipés :

  • Celles qui visent l'information d'une entreprise pour y "provoquer du désordre" et la désorganiser
  • Celles qui visent à voler de l'information
  • Celles qui visent à fausser l'information via des rumeurs, par exemple

Pour contrer ses menaces, la délégation met d'ailleurs à disposition des entreprises un guide pédagogique regroupant les bonnes pratiques de la cybersécurité.

Troisième et dernier pilier, qui distingue l'école française des autres écoles d'intelligence économique : l'influence. "Saisir les opportunités, être présent lors de la réalisation des règles et des normes, l'influence est une science dont les méthodes ont été éprouvées", affirme l'énarque. Elle poursuit : "À Bruxelles, par exemple, il faut savoir qui est le bon interlocuteur, qui écrit la norme, quelle est la stratégie des services, leur culture et même leurs expressions favorites."

Américaine, chinoise, suédoise ou japonaise, plusieurs conceptions de l'intelligence économique cohabitent et apprennent les unes des autres. "Les Japonais, par exemple, ont mis au point les "rapports d'étonnement" qui permettent de noter les informations les plus étonnantes ou les plus singulières lors de déplacements ou de réunions", rapporte l'ancienne directrice générale du syndicat des entrepreneurs français internationaux.

"La plus répandue est l'école américaine dite "competitive intelligence" qui analyse la concurrence, théorisée par Michael Porter, ajoute Claude Revel, mais l'école française est plus large. Nous ne faisons pas que de la veille passive. Nous proposons des actions à mener. Nous la défendons à l'étranger, car elle fait partie de notre image."

Un atout pour les PME

D'après la déléguée interministérielle, la moité des informations nécessaires à une entreprise est déjà présente en elle-même, via ses salariés. Il est donc primordial de faire circuler l'information. Condition sine qua non, "les salariés doivent être motivés car, s'ils détestent leur entreprise, ils ne feront pas l'effort", précise en substance la déléguée interministérielle.

D'après le Guide du routard de l'intelligence édité par la D2IE, même si "l'intelligence économique n'est plus le domaine réservé de l'État et des multinationales" et que "de plus en plus de TPE-PME sont sensibilisées à ses apports bénéfiques", "les proportions d'usage ne sont pas encore comparables".

"Les TPE-PME disent ne pas avoir de temps à consacrer à l'intelligence économique. Je pense que les organismes professionnels pourraient s'en charger et distribuer les informations", plaide celle qui a mis en place en 1989 une cellule mutualisée de veille et d'intelligence économique pour des entreprises du BTP.

Malgré leurs moyens plus importants, de grands groupes français sont eux aussi parfois à la peine en matière d'intelligence économique. En témoigne cet exemple cité par la déléguée :

"Un grand groupe s'est fait copier en Chine. Or, pour se défendre, il a lancé une procédure devant une cour de justice notoirement opposée aux entreprises étrangères. Résultat : il a perdu. Il faut savoir bien choisir ses types de contrats et les avocats. La Chine n'est pas une jungle. Il est possible d'y établir des contrats de droits intellectuels très bordés."

Encore faut-il le savoir.

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