Les véhicules autonomes, nouveau fleuron de l'économie à Toulouse ?

Filière en plein développement, le véhicule autonome pourrait bien représenter le nouvel eldorado de l'économie en Midi-Pyrénées. En tout cas, c'est le souhait de Jean-Luc Maté, président du cluster Automotech et vice-président de Continental Engineering Services France, qui participait ce lundi à un rassemblement des acteurs de la filière à Toulouse. Pour lui, pas de doute, la Google Car n'est pas une menace, et ce n'est pas à Paris mais bien autour de Toulouse que se construit cette nouvelle industrie. Interview.
Jean-Luc Maté, président d'Automotech, l'association régionale de l'industrie automobiler en Midi-Pyrénées

Quelle est votre vision du véhicule autonome ?
C'est un thème très large qui englobe les véhicules automobiles particuliers, mais aussi les navettes circulant aujourd'hui sur les routes (comme la nouvelle "Google Car", en Californie) ou en dehors des routes. Il y a aussi les engins agricoles et industriels. J'estime que nous ne sommes plus au stade de la recherche mais à celui de l'industrialisation. Il y a déjà en France des véhicules autonomes dans des parcs industriels, des ateliers de fabrication, des entrepôts logistiques, des vignobles, ou en Europe, dans des grands ports comme Hambourg.

Quelle est la place de Midi-Pyrénées dans cette filière ?
Il faut se remémorer que c'est en Midi-Pyrénées qu'est née l'électronique embarquée moderne en France, lorsque Renault et Bendix ont installés Renix à Toulouse en 1979. Nous disposons d'installations et de compétences remarquables. Le site de Francazal, par exemple, est un ancien aéroport militaire en reconversion qui abrite actuellement le cluster Robotics Place. Le cluster Automotech (filière automobile en Midi-Pyrénées) en est un partenaire majeur dans le cadre des navettes autonomes. Nous souhaitons que Francazal devienne une zone d'expérimentation privilégiée pour l'ensemble des systèmes de type autonomes "hors route". Nous avons notamment passé un accord avec Robotics Place pour que les entreprises régionales Robosoft, Ligier et leur coentreprise Easy Mile par exemple, puissent y tester leurs nouveaux systèmes.

La R&D est-elle aussi présente en Midi-Pyrénées?
Nous disposons du laboratoire Guide qui a été mis en place par la société M3 Systems pour tester la précision des systèmes de géolocalisation satellitaire de nouvelle génération de type GNSS. C'est un site pratiquement unique en France. On ne peut pas faire de véhicules autonomes sans avoir une qualité, une précision et une disponibilité des signaux permettant la géolocalisation de grande précision. Nous avons cette compétence et un laboratoire dédié. Nous pourrons prouver que certains systèmes hybrides utilisant à la fois la réception satellitaire et la fusion de données provenant des caméras et des radars placés sur le véhicule, permettent d'avoir une précision de déplacement de l'ordre de quelques centimètres.

Ensuite, Toulouse abrite le Laas-CNRS. Ce laboratoire spécialisé dans la robotique est un des leaders mondiaux dans les domaines de la sûreté et de la sécurité des systèmes, deux notions vitales pour le véhicule autonome. La sûreté de fonctionnement permet en effet de mener à bien une mission et d'éviter un événement dangereux lorsqu'il y a une défaillance. La RATP, la SNCF, Airbus et tous les grands du transport intelligent ont travaillé avec le Laas là-dessus.

La sécurité est également une vraie problématique pour éviter que les véhicules, connectés à l'infrastructure par liaisons radio pour la navigation, soient piratés. Il faut donc avoir des compétences très poussées dans le domaine de la sécurité et la résilience des réseaux informatiques. Le Laas est l'un des spécialistes français reconnus en la matière.

Toulouse est-elle incontournable dans ce secteur ?
Ces trois atouts réunis (centre de test à Francazal, laboratoire Guide et Laas, NDLR) feront la différence entre des véhicules autonomes robustes et résilients et des véhicules non robustes. Les développements du plan industriel "véhicule autonome" ont tendance naturellement à se concentrer près des constructeurs en Ile-de-France, mais Toulouse est une place incontournable. Les pouvoirs publics ne peuvent l'ignorer.

Quelles sont les entreprises de la filière en Midi-Pyrénées ?
Outre M3 System, qui a été consultée pour le plan véhicule autonome (un des 34 plans pour la nouvelle France industrielle, NDLR), d'autres entreprises composent la filière régionale. Continental Automotive est leader mondial pour les capteurs. Les radars, les caméras, les lidars et les calculateurs qui fusionnent l'ensemble de ces informations, fournissent un œil électronique à 360° au véhicule autonome. Pour le rendre abordable, il faut développer des technologies industrialisées à grand volume. C'est ce que Continental a fait et met à disposition, via sa filiale Continental Engineering Services, des industriels et laboratoires français du plan.

Il y a aussi Actia Automotive, à l'origine de l'invention et du transfert du diagnostic automobile, qui a 30 ans d'expérience dans les calculateurs embarqués pour les bus, les camions et les véhicules industriels. Plus récemment, il y a Robosoft (spécialisée dans les logiciels de navigation et de supervision, NDLR) qui déploie à Toulouse Easy Mile avec Ligier.

Et je n'oublie pas les constructeurs comme Helem, à Auch, qui développe le Colibus, un petit véhicule électrique de livraison. Ils ont comme clients DHL et La Poste. Et ils ont des projets dans les cartons avec de grands logisticiens.

Face à un géant comme Google, quel est l'objectif ? Être fournisseur de la Google Car ou concurrent ?
Google ne fera pas le véhicule autonome. Les petites navettes qu'ils ont produites avec un industriel de Détroit sont du même niveau que la navette EZ-10 du Toulousain Easy Mile. La Google Car est un objet marketing qui fonctionne très bien pour faire accélérer le plan d'automatisation des véhicules automobiles. Ce buzz pousse Hyundai, Audi, Porsche, Volkswagen, Renault et Nissan à accélérer leurs programmes de R&D qui aboutiront d'ici à 2025. Le résultat pour Google est la multiplication du nombre d'utilisateurs et d'heures passées sur le net, car pendant qu'il ne conduit pas, le conducteur "surfe". Le grand gagnant sera Google, avec des marges de l'ordre de 30 à 40 %, qui n'ont rien à voir avec celles de la fabrication des véhicules automobiles qui ont du mal à atteindre 10 %.

Nous connaissons leur stratégie car Continental vient de créer sa nouvelle division de services du véhicule autonome en Californie. Sa responsable est Seval Oz, l'ancienne directrice du marketing du véhicule autonome de Google.

Quelles sont les ambitions de la filière automobile et transport intelligent au niveau régional ?
Nous avons des ambitions considérables et des opportunités extraordinaires : nous pouvons devenir un leader mondial de ce secteur. La réunion de ce 18 mai est très importante pour que Midi-Pyrénées puisse porter haut et fort son savoir-faire et ses compétences devant des acteurs qui souffrent parfois d'un certain autisme parisien. Le cluster Automotech doit être inscrit dans le plan véhicule autonome. Nous devons être reconnus comme un centre d'expertise et d'excellence pour les véhicules autonomes (navettes, tracteurs, engin industriels), hors automobile.

La France est leader mondial du véhicule sans permis. Si nous ciblons des fonds publics en direction de Midi-Pyrénées, cela devrait permettre de créer les nouveaux leaders de demain dans le secteur du véhicule autonome.

Il y a beaucoup de produits made in Midi-Pyrénées que le grand public doit connaître et qui réunissent les technologies pour le véhicule autonome : EZ-10 de Easy Mile pilotés par les logiciels de Robosoft, des tracteurs agricoles pilotés par l'électronique Actia, le véhicule utilitaire électrique de Helem (Auch) prêt à être automatisé, les récepteurs satellitaires GNSS de M3 System et les logiciels de traitement d'images et de fusion avec les radars de Continental Engineering Services à Toulouse.

Quel soutien attendez-vous de l'État ?
La filière automobile représente 11 000 salariés dans l'industrie et 19 000 dans l'entretien et la vente. En comptant les services de support à la R&D, les entreprises impliquées dans les infrastructures et les systèmes d'information liés à la logistique et au transport de personnes, on peut ajouter 10 000 personnes. Cela représente bien plus que le spatial. Et, ce n'est pas très éloigné du pôle majeur qu'est l'aéronautique.

Nous souhaitons qu'une partie des fonds des 34 plans pour la nouvelle France industrielle soit abondée en région par la politique de l'innovation confiée au Conseil régional. Cela nous permettra de développer plus rapidement des innovations attendues sur le marché international. Le plan véhicule autonome représente environ 80 millions d'euros par an pendant 7 ans. Si nous pouvons en récupérer entre 5 et 10 % par an, et capter 35 millions d'euros sur 7 ans, cela sera extraordinaire. Cela aura des retombées économiques majeures car la mobilité et le transport intelligent est une des demandes essentielle du marché des smart cities partout sur notre planète.

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Commentaires 2
à écrit le 18/05/2015 à 22:44
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Bof, bof... Question sécurité, quand on sait qu'il est déjà difficile d'avoir confiance dans les circuits de freinage (nombreux rappels chez certains constructeurs) ou les régulateurs de vitesse, le véhicule autonome fait relativement peur. Ensuite, ...

à écrit le 18/05/2015 à 20:59
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L'on ne peut que saluer et encourager la démarche de M. Jean-Luc Maté. Nos projets d'industriels semblent prendre forme dans le puzzle de la haute technologie. Permettez- moi un peu d'humour dans le plagiat de la religion. "Sur la terre comme au ciel...

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