Jacques Oberti (Sicoval) : "Nous sommes très proches d’un accord avec Toulouse sur le métro"

Le socialiste Jacques Oberti annonce l'imminence d'un accord avec le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc sur le projet de métro à Labège. Le président du Sicoval estime que le maire de Toulouse, "dur en négociations" est "quelqu'un de très bien". Onze mois après son élection, Jacques Oberti fait un premier bilan de son action et précise les rôles respectifs du Sicoval et de Sigfox dans la création du campus numérique. Entretien.
Jacques Oberti

Le métro arrivera-t-il un jour à Labège ?

Oui ! Avec Jean-Luc Moudenc, nous sommes très proches d'un accord, j'en suis sûr. De notre côté, nous avons déjà fait des concessions majeures. Je rappelle que le projet de PLB (prolongation de la ligne B, NDLR) avait fait l'objet de 15 millions d'euros d'études, qu'il était financé, que les marchés préalables aux travaux étaient prêts à être lancés et que la réalisation était envisageable en 2021-2022. Mais pour trouver une entente avec la métropole toulousaine, nous avons accepté que 4 stations de Labège se situent sur la future 3e ligne de métro voulue par Jean-Luc Moudenc. C'est un geste fort mais cet effort doit se faire à condition qu'il y ait une jonction efficace avec la ligne B du métro : c'est la proposition d'un PLB raccourci à deux stations.

Pourquoi la solution du téléphérique urbain (entre le terminus de la ligne B et l'INP) ne vous convient pas ?

Jean-Luc Moudenc a fait cette contre-proposition et nous demande d'aller encore plus loin en renonçant aux deux stations de métro. Je ne l'accepte pas pour plusieurs raisons. J'ai la conviction que le téléphérique sous-estime les besoins en transport en commun. Les dernières études montrent qu'entre 19 000 et 20 000 voyageurs emprunteraient les deux dernières stations de la ligne B, si celle-ci était reliée directement à la troisième ligne. Il faut donc que la liaison ligne B - 3e ligne soit efficace et qu'il n'y ait pas de rupture de charge. De plus, avec le PLB à deux stations, on offre une solution de desserte à court terme de Labège (2022). Enfin, cela permettrait de contourner le Palays où se concentrent les bouchons, ce qui n'est pas le cas de la 3e ligne, qui a d'autres objectifs.

À quel moment un accord peut-il intervenir ?

Tisséo souhaite boucler le budget de la 3e ligne d'ici à l'été. Nous avons donc deux mois. Avec Kader Arif (député PS de Haute-Garonne, NDLR), nous avons accéléré le processus et provoqué une discussion avec le ministre des Transports. Il faut maintenant laisser le temps à la négociation de se mener. Certains élus auraient préféré que nous poursuivions un combat dur entre les pro-PLB (à 5 stations) et les pro-3e ligne, et tout serait bloqué. Moi je pense qu'il faut trouver un compromis car, avec la métropole de Toulouse, nous sommes en train de modeler l'agglomération pour le futur. C'est un énorme défi. Dans tous les cas, la desserte de Labège-La Cadène est assurée. Pour les entreprises du Sicoval, c'est rassurant. Jean-Luc Moudenc s'est même engagé à faire commencer les travaux par Labège-La Cadène.

Êtes-vous en phase avec Ludovic Le Moan qui estime que Toulouse et son agglomération sont victimes d'un manque de vision ?

C'est le paradoxe. La troisième ligne est un projet ambitieux, on ne peut donc pas dire que Jean-Luc Moudenc manque d'ambition. Mais Ludovic Le Moan (PDG de Sigfox, NDLR) qui est engagé dans une course contre la montre technologique, a raison de dire que les collectivités doivent miser sur les entreprises et les startups. Je pense pour ma part que Jean-Luc Moudenc a la conviction que la 3e ligne va relier les pôles économiques que sont l'aéroport, la future gare LGV et Labège. Nous défendons les mêmes fondamentaux. Il faut juste prendre de la hauteur, avoir une vision globale de l'aménagement du territoire en trouvant les bons compromis.

Les deux collectivités sont en compétition pour le développement économique et l'accueil de nouvelles entreprises, est-ce raisonnable ?

Ce n'est ni raisonnable ni souhaitable. Au moment de la création de l'Oncopole, le Sicoval a accepté de voir partir Sanofi et les Laboratoires Pierre Fabre. De la même façon, on voit s'organiser dans la grande agglomération des pôles d'excellence à qui il faut donner les moyens de déployer leurs ambitions. Je suis convaincu que la 3e ligne de métro va permettre de faire le lien entre Labège et Montaudran. Il faut casser cette image de concurrence.

Êtes-vous d'accord avec ceux qui dénoncent une guerre économique menée par la Métropole ? Arnaud Lafon (maire de Castanet) estime que le maire de Toulouse a des difficultés pour commercialiser la zone de Montaudran et qu'il cherche à freiner l'essor de Labège.

Si l'on compare le développement de Labège-Innopole et de Montaudran, je comprends qu'on se pose des questions. Le Sicoval a la chance d'avoir une offre de territoire claire avec des zones bien identifiées. Pour arriver à cela, il a fallu 40 ans. Du côté de la métropole toulousaine, c'est beaucoup plus compliqué. Certaines zones d'activité se font concurrence, il y a un travail de clarification à faire et cela prend du temps.

Les incertitudes sur le métro mettent-elles en difficulté le marché de la construction de bureau et le lancement d'Innométro ?

Aujourd'hui, le Sicoval est le deuxième pôle économique de la grande agglomération (hors Toulouse) après Blagnac et devant Balma avec 160 000 m2 de transactions de bureaux enregistrés en dix ans à Labège et 32 000 m2 rien qu'en 2015, soit deux fois plus que la moyenne annuelle. Je pense donc que le métro n'est pas essentiel au maintien de notre dynamisme économique. Il est important, mais pas essentiel.

On comptabilise 30 000 à 35 000 m2 de bureaux vacants à Labège et des propriétaires qui disent avoir du mal à louer ou vendre des surfaces devenues trop vétustes. Quelle solution proposez-vous ?

Les zones économiques doivent être rénovées. Le Sicoval a d'ailleurs dégagé une ligne budgétaire pour cela et je suis adepte de construire la ville sur la ville. Nous menons déjà un projet de rénovation conséquent qui deviendra une vitrine dans le secteur. Mais le Sicoval n'a pas les moyens d'investir dans les bâtiments vacants. Sur ce sujet, j'invite les propriétaires à accepter un principe de réalité et à ne pas continuer à surexploiter des locaux vétustes à des tarifs trop élevés.

Pour le développement d'Innométro, le Sicoval a signé un accord-cadre en février dernier avec le cabinet d'urbanisme HDZ. Est-ce que cela redimensionne le projet ?

Le projet n'est pas revu à la baisse. Dans les grandes lignes, il reste inchangé, soit 545 000 m2 de surface de plancher bureaux, dont au moins 100 000 m2 de logements, 30 000 m2 de commerces et une programmation de loisirs à renforcer. Innométro s'étendra du centre commercial Labège 2 jusqu'au parc technologique du Canal et l'un de ses aspects phare reste le village numérique. Le cabinet HDZ est donc chargé d'élaborer le plan guide afin de modeler l'accueil des entreprises, créer de la mixité, développer de l'écomobilité et mettre en œuvre une démarche smart grids.

Ludovic Le Moan, le PDG de Sigfox et de l'IoT Valley, a été mandaté par le préfet et la Région pour présenter un plan guide du campus numérique avant l'été. Qui est le maître d'ouvrage de ce projet ?

Le maître d'ouvrage, c'est le Sicoval ! Je rappelle que nous avons la propriété de ces 12,5 hectares. Ce projet devra donc allier le dynamisme de l'IoT et une utilisation optimale des terrains car nous avons, en tant que collectivité, un modèle économique à tenir. En aucun cas le préfet n'a confié à Ludovic Le Moan l'aménagement de ce village numérique, dont je précise que le campus numérique et le siège social de Sigfox n'occuperont qu'une partie. Le préfet a convoqué une réunion en présence de la Région, de Toulouse Métropole, du Sicoval et de Ludovic Le Moan. À cette occasion, il a été demandé à ce dernier de porter l'étendard de l'IoT au niveau régional et international car un projet d'une telle ampleur nous met en concurrence avec d'autres régions du monde. Sigfox est une chance pour notre territoire mais il ne doit pas nous enlever notre rôle.

C'est pour garder la main que le Sicoval a décidé de créer une société publique locale (SPL) avant l'été ?

Oui, cet outil juridique va nous permettre de définir le cadre, de penser l'aménagement en macro-lots et d'accompagner Ludovic Le Moan dans la création du siège de Sigfox. Ludovic Le Moan est un entrepreneur aussi pragmatique que dynamique. Il souhaite construire des partenariats avec des investisseurs dans le cadre du campus numérique et nous lui laissons cette autonomie car nous avons pour habitude de fonctionner avec les porteurs de projets. Je rappelle d'ailleurs que nous soutenons l'IoT Valley très fortement à hauteur de 120 000 à 150 000 euros par an.

Certains vous reprochent-ils de trop miser sur les objets connectés ?

Oui, certains considèrent que c'est une bulle. Je ne le crois pas. La silver économie se développe, de même que la domotique et les smart grids et, j'en suis convaincu, la société ne fera jamais marche arrière. C'est un mouvement de fond qui a d'ailleurs été bien détecté au niveau national puisque l'État a demandé à Ludovic Le Moan de porter le projet de création du campus numérique.

Quelle est la stratégie économique du Sicoval ?

Nous travaillons actuellement à la définition de notre schéma de développement économique, commercial et touristique. L'objectif est de se recentrer sur des filières d'excellence et de travailler sur deux filières émergentes. Parmi les priorités, il y aura bien sûr l'agrobioscience, la santé et les biotechs, l'aéronautique et le spatial mais aussi l'économie sociale et solidaire, l'artisanat. L'internet des objets, quant à lui, est une filière majeure et transversale. Nous devons décider où doit aller l'accompagnement public des entreprises (en termes d'immobilier et ou de soutien financier aux structures), de leur création à leurs 5 ans.

Ce schéma aura-t-il un impact sur l'aménagement ?

Ce schéma sera décliné en un schéma d'accueil des entreprises qui a pour but de définir les typologies d'entreprises accueillies sur nos parcs, les extensions éventuelles ou les créations de nouveaux parcs pour les 10 ans à venir. Nous devons aussi réfléchir aux interfaces possibles avec les autres collectivités, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent. Quand on gère un territoire, on a tendance à regarder vers le centre. C'est un gros défaut, car il faut surtout voir comment travailler en partenariat, avec Toulouse bien sûr, mais aussi vers Venerque, Nailloux, etc.

Le Sicoval et Toulouse Métropole ne pourraient-ils pas fusionner ? Quelle est votre vision de l'organisation territoriale ?

La réorganisation des collectivités ne s'arrêtera pas à l'actuel schéma départemental de coopération intercommunale. Avec plus 15 000 habitants, le Sicoval n'a pas été concerné par la réforme mais il aurait pu l'être. Plusieurs hypothèses sont envisageables. Demain, le Sicoval sera-t-il le moteur d'une collectivité du grand Lauraguais ? Sera-t-il découpé en deux, la partie nord allant vers Toulouse Métropole ? Le Sicoval sera-t-il absorbé par la Métropole ? Il y a des arguments en faveur de chacune des hypothèses. Il nous faudra y réfléchir... Mais si, demain, les limites devaient bouger, il faudrait veiller à ce que cela ne se traduise pas par une baisse d'intervention auprès des mairies avec une baisse des services rendus aux habitants.

Quelles sont vos relations avec Jean-Luc Moudenc ? On se souvient qu'au moment de l'arrêt du PLB, le Sicoval avait lancé le hashtag #MerciJeanLuc...

Nous avons de l'humour au Sicoval ! Sérieusement, j'ai des relations très courtoises avec Jean-Luc Moudenc. Il est dur en négociations, c'est clair, mais c'est quelqu'un de très bien. De mon côté, j'ai des convictions mais je sais aussi créer le consensus pour le faire valoir.

Une augmentation des impôts aussi au Sicoval

La baisse des dotations de l'État impacte le budget de la communauté de communes du Sud-Est toulousain. Après Toulouse Métropole en 2015, c'est au tour du Sicoval d'annoncer dès cette année une augmentation des impôts sur les entreprises et les ménages, qui représentera une hausse moyenne de 22 euros en 2016 pour les familles et devrait rapporter environ 1 million d'euros de recettes.

Le budget qui s'élève à 115 millions d'euros en fonctionnement et 30 millions d'euros en investissement prévoit par ailleurs des économies sur les politiques et les services de l'agglomération, la diminution de la dotation de solidarité (DSC) qui est reversée aux communes par l'agglomération ainsi que la facturation de services aux communes jusqu'alors gratuits. Cette décision est actuellement vivement critiquée dans les communes du Sicoval.

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