[Replay] Sylvia Pinel, l'impénétrable présidente du PRG

À 38 ans, Sylvia Pinel a pris, en septembre dernier, la présidence du PRG, dont elle sera la candidate à l'élection présidentielle. Elle prend la succession de Jean-Michel Baylet nommé ministre et qui a croisé sa route depuis son enfance. Députée à 29 ans, ministre à 34, aujourd'hui n°2 de la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, la Tarn-et-Garonnaise a connu une ascension rapide au sein du parti. Un parcours que ses adversaires politiques attribuent aux accords partisans et à sa proximité avec son mentor. Portrait d'une élue qui conserve encore une part de mystère.
Sylvia Pinel dans son bureau de l'hôtel de Région

L'entretien commence dans une atmosphère pas franchement chaleureuse. Visage fermé, Sylvia Pinel esquisse bien un sourire au fil des questions mais reste sur la défensive. Une carapace qu'on imagine forgée au cours d'un début de carrière politique rapide mais teinté d'un soupçon d'illégitimité. Embauchée au cabinet de Jean-Michel Baylet dans le Tarn-et-Garonne à 24 ans, députée à 29 ans, ministre à 34 ans, la femme de 38 ans est depuis le mois de février la présidente par intérim du PRG. À l'automne prochain, lors du congrès du parti, elle sera candidate pour être officiellement intronisée par les militants et prendre la suite de Jean-Michel Baylet, désormais au gouvernement. Pour le sénateur Les Républicains du Tarn-et-Garonne François Bonhomme, "c'est l'archétype de l'élue qui ne doit sa place qu'à un équilibre politique".

Des racines radicales depuis l'enfance

Son parcours est pourtant le produit d'un attachement profond aux valeurs radicales. Et elle le revendique : "Le PRG est dans mon ADN, dans mes fibres depuis que je suis enfant." Née le 28 septembre 1977, cette fille d'agriculteurs a grandi à Fabas, un village d'à peine 600 habitants dans le Tarn-et-Garonne. Très jeune, elle baigne dans la politique : "Mon père a été élu plus jeune conseiller municipal dans son village natal de Haute-Garonne et ma mère était première adjointe au maire de ma commune natale." Des parents politisés, mais surtout un oncle sénateur radical, proche de Jean-Michel Baylet.

Dès son enfance, Sylvia Pinel côtoie celui qui deviendra son parrain en politique. "Il était un ami de mon oncle et, effectivement, jusqu'à mes 7 ans (année du décès de son oncle, NDLR ), j'ai pu croiser assez régulièrement Jean-Michel Baylet", se remémore-t-elle. Le débat politique est très présent dans la famille. Avec son père (aujourd'hui décédé), elle se lance dès son plus jeune âge dans de longues discussions sur l'actualité qui lui donneront un appétit très précoce pour la chose publique. Pour l'anecdote, son premier souvenir en politique remonte à la victoire de François Mitterrand en 1981.

"J'avais à peine 4 ans et, pourtant, je me souviens de la joie de mes parents le soir devant la TV quand son visage est apparu sur l'écran. J'ai compris qu'il s'agissait d'un événement important pour le pays. Je n'ai jamais oublié ce moment", glisse-t-elle.

Jusqu'à la fin de ses études, la jeune femme ne milite pourtant pas. "J'étais radicale de cœur mais je ne souhaitais pas m'engager politiquement uniquement parce que mon oncle était sénateur dans ce parti. Je voulais me concentrer sur ma scolarité", justifie-t-elle. Sylvia Pinel se tourne vers des études de droit "pour aider les autres". Elle suit ses cours à Montauban, Toulouse puis Limoges, où elle décroche un DEA de droit privé fondamental et européen. Une fois son diplôme en poche, Jean-Michel Baylet l'engage au cabinet du Conseil général du Tarn-et-Garonne. Son mentor - terme que l'intéressée réfute - la propulse dans l'arène : "C'est un président de parti qui donne sa chance aux jeunes et aux femmes. Sa confiance a été un déclencheur pour moi qui suis originaire d'un milieu très modeste et qui ai pu réussir grâce à l'école de la République. Très vite, j'ai réalisé que je ne voulais pas être qu'une conseillère mais devenir élue à mon tour pour prendre des décisions", estime-t-elle aujourd'hui.

En 2007, elle s'impose de justesse avec 50,7 % des voix comme dans la 2e circonscription du Tarn-et-Garonne et devient la plus jeune députée de l'Assemblée. En 2011, elle connaît sa première défaite électorale aux cantonales de Castelsarrasin où elle recueille seulement 33% des voix face à Jean-Philippe Bésiers, un dissident du PRG. En 2012, à 34 ans, elle devient, là encore, l'une des benjamines du premier gouvernement de François Hollande où elle intègre le ministère de l'Artisanat, du commerce et du tourisme. Sylvia Pinel avoue un petit moment de panique quand le président de la République lui annonce son choix :

"J'avais fait campagne pour être élue députée donc je m'y étais préparée. Lorsqu'on devient ministre, c'est très différent, puisqu'il s'agit d'une décision du président de la République. J'ai senti alors le poids de sa confiance mais aussi des responsabilités et j'ai eu un moment de doute et d'inquiétude."

"On a une image faussée d'elle"

Cette ascension rapide attise aussitôt les critiques : "Sa nomination a été facilitée par une conjonction de facteurs : la représentation du PRG au sein de la majorité et la mise en place de la parité homme/femme, remarque Bernard Keller, maire PRG de Blagnac. À son entrée au gouvernement, certains ricanaient mais Sylvia Pinel est brillante. Tout au long de son parcours, elle a su faire preuve d'analyse et de pragmatisme." Le sénateur LR du Tarn-et-Garonne François Bonhomme dresse un portrait plus cassant : "Son parcours me laisse dubitatif. Au mieux, elle provoque l'indifférence et sinon un simple haussement d'épaules. Pour moi, elle est juste inodore." En 2012, les journalistes Marie Visot et Cyrille Lachèvre relatent, dans leur livre Les Sales Gosses de la République, que "ses collègues de Bercy vont jusqu'à surnommer son ministère le Pinelistan : un désert d'inaction, un petit État que l'on ne connaît pas et où l'on ne sait pas très bien ce qui se passe". Son passage au ministère du Commerce est aussi marqué par une réforme du régime des autoentrepreneurs qui entraîne une levée de boucliers du mouvement des "Poussins".

Cette hostilité n'est pas toujours méritée pour la députée socialiste du Tarn-et-Garonne Valérie Rabault, qui a eu l'occasion de côtoyer Sylvia Pinel à l'Assemblée nationale :

"On a une image faussée d'elle car c'est une jeune femme avec des responsabilités. Sylvia Pinel a eu un mentor mais qui en politique n'en a pas eu ? Elle dispose de très fortes convictions, notamment en matière de laïcité et de cohésion sociale."

À force, Sylvia Pinel se blinde face aux critiques. "Je veux bien qu'on me reproche sans arrêt des tas de choses mais j'ai passé l'âge de ce genre de propos. J'étais là pour accomplir ma mission, certes de manière discrète mais c'est ma manière de faire. Je n'étais pas là pour faire des couacs et des petits coups politiques. J'ai fait une loi artisanat et commerce qui a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale."

Une loi qui porte son nom

Après deux années au Commerce, Sylvia Pinel est nommée ministre du Logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, prenant la suite de l'écologiste Cécile Duflot. "Quand j'ai été nommée, j'avais déjà une bonne connaissance des rouages de la vie ministérielle, de la manière dont on obtient des arbitrages favorables. Mon précédent poste à l'Artisanat et au commerce m'avait aussi permis de me forger des convictions sur ces sujets." En 2014, l'Assemblée nationale adopte une loi qui porte son nom. Le dispositif Pinel repose sur des déductions fiscales sur l'investissement locatif neuf et a permis, selon la Fédération des promoteurs immobiliers, une embellie du secteur l'an dernier.

"Le président et le Premier ministre ont accepté de dégager plus de 5 milliards d'euros pour ce plan de relance. Ce sont des crédits considérables quand on connaît le contexte actuel. Ce dispositif a commencé à porter ses fruits et j'ai pu en mesurer les premiers résultats avant de partir du gouvernement", se félicite Sylvia Pinel.

Depuis deux mois, Sylvia Pinel a retrouvé goût à une "vie un peu normale". À l'occasion du remaniement du 11 février dernier, l'élue radicale a en effet démissionné de son poste ministériel au moment où Jean-Michel Baylet a réintégré le gouvernement au poste de ministre de l'Aménagement du territoire, 23 ans après son dernier passager au ministère du Tourisme. Depuis le 1er janvier 2016, la Tarn-et-Garonnaise est la nouvelle première vice-présidente de la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, une place de numéro 2 âprement négociée par les radicaux avec le PS en juin dernier en échange de leur soutien à la candidature de Carole Delga à la tête de l'exécutif. Jusqu'à l'accord entre le PS et le PRG, les deux femmes politiques réclamaient toutes deux la tête de liste de la gauche pour mener la campagne régionale. Depuis, la hache de guerre semble enterrée. "J'ai beaucoup d'amitié et d'affection pour Carole, car nous avons des convictions et une culture assez proches. Nous sommes issues de territoires ruraux et nous avons mené des combats politiques ensemble", assure aujourd'hui Sylvia Pinel.

Un nouveau souffle pour le PRG ?

Épinglée pour son manque d'assiduité au Conseil régional, l'élue a décidé de conserver son siège de députée et assume le cumul de mandats "parce que la loi ne l'interdit pas et qu'il est toujours utile d'avoir un pied à Paris". Elle est de plus depuis le 17 février dernier présidente par intérim du PRG, prenant la suite de Jean-Michel Baylet et devenant la première femme désignée à ce poste.

Que change cette nomination pour le PRG ? "Déjà, c'est une femme. Elle est jeune et en plus elle a des racines radicales socialistes. Son arrivée va peut être permettre de rajeunir et de dépoussiérer l'image du PRG, notamment auprès des plus jeunes", espère Bernard Keller. Comment Sylvia Pinel compte-t-elle se démarquer de Jean-Michel Baylet ? La principale intéressée met en avant trois axes stratégiques : la valorisation des valeurs républicaines, l'environnement, en misant sur la transition énergétique, et, enfin, une Europe plus politique et sociale. "Ce dernier thème est un classique du radicalisme. En revanche, les deux autres sujets sont nouveaux au sein du parti", fait-elle remarquer.

Parmi ses références, Sylvia Pinel cite le radical écologiste Michel Crépeau ou encore le dernier signataire du Traité de Rome Maurice Faure, à qui elle a remis les insignes de commandeurs de la légion d'honneur, quelques mois avant sa mort. Pour Valérie Rabault, "sur le fond, elle s'inscrit dans la continuité de la ligne politique du Parti Radical de Gauche. Sur la forme, c'est une femme très déterminée lorsqu'elle doit négocier, peut être plus encore que Jean-Michel Baylet. Elle peut devenir un vrai pilier de défense pour le PRG."

Dans l'entourage de Carole Delga, on se félicite qu'elle soit plus présente depuis sa sortie du gouvernement : "Libérée de ses réseaux et de son poste à Paris, Sylvia Pinel est désormais un véritable atout pour la Région."

Sylvia Pinel a désormais les coudées franches pour imposer ses convictions politiques. À elle de décider de fendre, ou pas, l'armure.

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