Pouvoir et responsabilités, trois femmes témoignent

Présidente de l'Université de Toulouse, vice-présidente socialiste du Conseil régional, députée Les Républicains, Marie-France Barthet, Nadia Pellefigue et Laurence Arribagé occupent des postes politiques ou universitaire importants. Dans une société où des progrès restent à faire en matière de parité, leur message est clair : il faut "montrer l'exemple", "exiger l'égalité" et "respecter les femmes pour leurs compétences".
Marie-France Barthet, la présidente de l'Université de Toulouse, Nadia Pellefigue, vice-présidente socialiste du Conseil regional de Midi-Pyrénées, et Laurence Arribagé, députée Les Républicains.

Marie-France Barthet : "Montrer l'exemple"

"À l'université, le traitement entre les hommes et les femmes était le même. Ensuite, c'est pour trouver du travail que cela s'est gâté. Avec mon diplôme d'informatique, j'ai postulé dans une grande entreprise aéronautique de la région et dans une grande entreprise nationale de l'énergie atomique.

Dans la première, on m'a dit qu'être une femme était un problème parce que lorsque j'aurais des enfants, je ne pourrais plus travailler normalement.

Dans la seconde, on m'a fait une proposition que j'ai pu comparer à celle d'un camarade de promotion qui avait le même diplôme que le mien, à ceci près qu'il n'avait pas de mention. Mon salaire était 20 % moins élevé. Cela m'a humilié. J'ai refusé d'intégrer une telle entreprise.

Finalement, je suis restée à l'Université et je ne le regrette pas. Cela n'a pas été évident de passer de maître de conférence à professeure tout en élevant mes enfants. Cela demande beaucoup de travail et moins de vie sociale. C'est difficile à concilier, il faut le reconnaître : c'est un frein.

Aujourd'hui, en tant que présidente de l'Université fédérale, je remarque un autre frein. Au moment de prendre des responsabilité, des femmes, que je sais excellentes, refusent le poste car elles ne s'en pensent pas capables. C'est un frein intérieur. Moi-même, j'ai hésité avant de devenir présidente de l'Université fédérale de Toulouse (ancien PRES, NDLR). C'est un poste de représentation où l'on a des coups à prendre et parfois à donner. J'essaie de l'éviter en écoutant les avis. Je suis une présidente de consensus.

Par comparaison, des hommes d'un niveau moyen ne se posent pas tant de questions et acceptent des responsabilités, alors que des femmes non. Il leur faut être excellente pour cela. Je suis étonnée que cela arrive toujours.

Il y a aussi un frein externe. À compétences égales, les hommes ne pensent jamais à une femme pour un poste de responsabilité. Ils pensent qu'elle n'en serait pas capable.

Depuis 1229, il n'y a eu que des hommes à la présidence de l'université toulousaine. Cela créé une impossibilité psychologique. Cela casse le schéma culturel.

La valeur de l'exemple est importante. Quand une femme prend des responsabilités, il est plus facile pour d'autres femmes d'en prendre ensuite. Les femmes qui sont en responsabilité doivent aider les autres à y arriver. Je pense d'ailleurs que dans un an, il pourrait y avoir une présidente d'une université à Toulouse. C'est la fin d'un tabou.

Quand je faisais mes études dans les années 70, j'imaginais que les progrès sociaux et culturels seraient plus rapides. Même si les choses progressent, le chemin est encore long."

Nadia Pellefigue : "l'exigence de l'égalité"

"Vice-présidente en charge du budget de la région (et de l'égalité femmes-hommes, NDLR), j'ai en responsabilité l'utilisation de 1,250 milliard d'euros. Depuis trois ans, je me rends souvent à Bercy, au ministère de l'Économie, où je représente le président Martin Malvy au nom des autres régions, lors de réunions du comité des finances locales.

En 2013, alors que j'attendais le début de l'une de ces réunions, un homme d'une quarantaine d'années est arrivé et m'a donné son manteau en me demandant un café. J'ai posé son manteau sur une chaise et je ne lui ai pas donné son café. Puis, je me suis assise à la table de la réunion. En face, ce monsieur a compris son erreur. Son embarras était flagrant. Nous n'avons pas eu d'échanges verbaux et il n'a pas osé donner suite.

Ce que révèle son inélégance, c'est qu'en 2013, pour lui, une femme n'est présente à une réunion financière que pour servir les hommes. Dans une réunion sur la culture, je ne suis pas certaine qu'il aurait eu la même réaction.

Notre société produit beaucoup de stéréotypes et impose des sphères différentes aux femmes et aux hommes. On considère encore en 2015 qu'un mariage peut suffire au bonheur d'une femme. On demande toujours aux femmes si elles seront mères, alors qu'on ne demande pas aux hommes s'ils seront pères.

Les femmes elles-mêmes peuvent être empreintes de préjugés. Lors d'une réunion, un homme en retard a eu la bienveillance de l'assemblée féminine car il avait amené ses enfants à l'école. Une femme n'aurait pas été jugée de la même façon.

De même, des femmes refusent que l'on féminise leur fonction de peur que cela affaiblisse un pouvoir identifié comme masculin. Cela participe à l'invisibilité de la féminisation des professions et des responsabilités.

Tout cela démontre nos préjugés et nos représentations bienveillantes ou non. Pourtant, l'égalité est pourvoyeuse d'amélioration pour les hommes et les femmes.

L'égalité, au-delà des valeurs que nous devons défendre, est vectrice de performances économiques car dans les secteurs où les recrutements ne sont pas satisfaits, il est idiot et contre-performant qu'on se prive de compétences, ce qui est le cas dans le secteur numérique par exemple. En effet, les recruteurs sont emplis de préjugés et ne proposent pas les mêmes choses aux femmes et aux hommes.

Le système éducatif et de formation doit pousser les femmes vers ces filières en croissance qui recrutent. L'éducation ouvre le champs des possibles à tous et toutes. Le Conseil régional pousse dans ce sens via son école du numérique pour former 250 développeurs. Notre objectif est qu'il y ait autant d'hommes que de femmes."

Laurence Arribagé : "Comme pour un homme, on respecte une femme
pour ses compétences."

"Pour moi, être une femme ou un homme politique en 2015, c'est précisément la même chose. Je n'ai pas plus de désagréments que les hommes. Nous avons des parcours universitaires équivalents. La place de la femme a changé. On n'est plus au Moyen-Âge. Il y a encore des choses à faire évoluer (le groupe Les Républicains et apparentés compte 27 femmes sur 199 élus, NDLR) mais dans le quotidien de la responsabilité politique, il n'y a pas de différence. Faire de la politique en se référant à la parité, à la femme et la féminité, cela peut se retourner contre nous.

Certains hommes pensent toujours que les femmes ne seraient pas capables d'assumer les mêmes responsabilités. Il y a aussi des femmes qui se sont résignées à ne pas prendre de responsabilités. Je pense néanmoins que c'est de moins en moins vrai. Je ne dis pas que c'est un parcours facile, car si on hésite 2 secondes, la place est prise. Mais à partir du moment où cette place, on la veut, on la prend, et qu'on est compétente pour l'avoir, il n'y a plus de sujet.

Moi, je prends ma place comme j'ai envie de la prendre. Et, quand je vois des femmes de ma génération, comme Nathalie Kosciusko-Morizet ou Anne Hidalgo, je n'ai pas l'impression qu'elles aient attendu qu'on leur dise "allez-y passez". Elles se sont imposées. Des femmes de cette génération, il y en aura de plus en plus sur le devant de la scène. Et, pas seulement parce qu'on leur a accordé la parité.

Femme en responsabilité, nous devons être exemplaires. Il ne faut pas qu'on dise de nous que nous agissons ainsi parce que nous sommes des femmes. Aux responsabilités, nous gérons de la même manière que les hommes.

C'est le travail et les compétences qui font qu'on est respecté. Quand j'ai débuté, j'ai entendu des choses par rapport à mon nom (Laurence Arribagé est mariée à Dominique Arribagé, ancien joueur et actuel entraîneur du TFC, NDLR). Mais cela s'est atténué car on s'est rendu compte que je n'étais pas idiote.

On respecte un homme pour ses compétences. C'est la même chose pour une femme."

Élections régionales

Marie-France Barthet est candidate aux élections régionales sur la liste Nouveau Monde, conduite par Gérard Onesta. Nadia Pellefigue est candidate à sa réélection sur la liste socialiste, conduite par Carole Delga.

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