Régionales 2015 : Christian Teyssèdre, l'outsider a un mordant de vainqueur

Des centaines de courses. Des milliers de kilomètres au compteur. Christian Teyssèdre est un cycliste chevronné. Les cols et les longues lignes droites lui sont familières. Sa dernière échappée en solitaire, c'est sa candidature à l'investiture PS pour les régionales. Dans cette course, le maire de Rodez est opposé à la secrétaire d'État Carole Delga et les militants désigneront le vainqueur le 5 février prochain. Portrait d'un outsider qui n'a pas dit son dernier mot.
Christian Teyssèdre, maire de Rodez et candidat à l'investiture socialiste pour les régionales

Christian Teyssèdre est sur la ligne de départ pour les Régionales 2015. L'arrivée est prévue le 5 février, avec le vote des militants. Le peloton est mince. Il se limite à un duo. Et même à un duel. Le Ruthénois affronte Carole Delga, l'actuelle secrétaire d'État de François Hollande et ancienne vice-présidente de Martin Malvy. 

Le tandem formé par la socialiste avec Damien Alary est tactique. Il permet d'associer le Languedoc-Roussillon au travers de son président de Région. Mais, en réalité, c'est la midi-pyrénéenne qui est la vraie leader.

OUTSIDER

Dans la course à l'investiture, Christian Teyssèdre porte le maillot de l'outsider. Il le sait. Il le reconnaît lui-même. Mais, conformément à son tempérament, ce handicap ne le démobilise pas. Au contraire. "Je n'étais pas favori quand j'ai gagné Rodez." L'outsider refuse d'endosser le dossard du looser. 

Ses adversaires et ses amis, (re)connaissent sa "gnaque". Pendant 15 ans, il a appuyé sur toutes les sonnettes de Rodez. Cette ténacité lui a ouvert les portes d'une mairie qui seraient restées cadenassées pour tout autre socialiste. Pour le PS, Rodez était une citadelle imprenable. Cette prise (confirmée l'an dernier en pleine déroute socialiste aux municipales) est le fruit d'une méthode.

LA MÉTHODE TEYSSÈDRE

"À la place de Teyssèdre, je ferais pareil. Je serais candidat." Un soutien de Carole Delga le confesse en off, la candidature du maire de Rodez est naturelle... même pour ses concurrents au sein du PS. Christian Teyssèdre entretient des relations difficiles, parfois tendues, avec ses camarades mais personne ne nie sa ténacité. 

Dans les couloirs de l'Hôtel de Région, les critiques fusent sur son absentéisme. Christian Teyssèdre a obtenu (difficilement) une vice-présidence au Conseil régional. Certains disent que c'est "parce qu'il fallait un Aveyronnais" et que son bilan serait impossible à dresser. En revanche, aucune pique, aucune réserve sur sa capacité à labourer le terrain.

Seul problème de taille, une campagne interne n'est pas une campagne municipale. Le porte-à-porte est impossible. Christian Teyssèdre théorise sa méthode : "Je rentre chez les gens et je parle du chat, des gamins ou d'un tableau. Sans parler politique." Cette proximité n'existe pas quand il s'agit de rencontrer des fédérations. La critique récurrente contre l'appareil du PS et son verrouillage au profit de Carole Delga renvoie à cet obstacle.

"DES ANNÉES QU'IL SONGE À LA PRÉSIDENCE"

Christian Teyssèdre ne se laisse pas impressionner par la candidate-ministre. Cela fait des années qu'il songe à la présidence de Région, il est psychologiquement armé pour mener le combat. Mais, en revanche, il est plongé dans un univers inconnu. Il ne peut pas appliquer sa recette gagnante. 

Talentueux et avec un gros ego (qui peut confiner à l'arrogance disent certains) Christian Teyssèdre a le mordant d'un vainqueur. Le "pronostic"de sa défaite programmée ne l'affecte absolument pas. L'outsider parle même d'une surprise. Il se sent parfaitement capable de démentir le score cinglant ("80 % Delga, 20 % Teyssèdre") promis au maire de Rodez par des membres du PS. Et, dit-on, par Carole Delga elle-même.

FRONT ANTI-DELGA

Le verdict viendra des urnes. Mais une chose est certaine. Christian Teyssèdre n'est pas seul au milieu du désert. Il bénéficie du soutien discret mais actif d'un front anti-Delga. L'intéressé refuse de confirmer. Néanmoins, un ancien ministre de François Hollande lui a téléphoné pour lui exprimer son soutien. Une députée de Haute Garonne, Monique Iborrra, et un ancien sénateur, Bertrand Auban, complètent la liste. 

La confiance de Christian Teyssèdre n'est pas simplement le fruit de son tempérament ou celui d'éventuels sponsors. Le maire de Rodez peut invoquer une vraie équation politique. L'élu local à des atouts dans sa manche. C'est un socialiste gestionnaire. Pour ses détracteurs, il est même plus gestionnaire que véritablement socialiste.

UN SOCIALISTE GESTIONNAIRE

Christian Teyssèdre parle investissement et soutien aux entreprises. Il brandit son bilan comme une marque de fabrique : "Rodez a le plus fort taux d'investissement en France. J'ai investi 38 millions d'euros." Il émaille ses discours de références au management et à l'univers économique. L'ancien cadre EDF, devenu syndicaliste avant d'adhérer au PS, revendique une filiation avec Lionel Jospin. Son socialisme se veut "réaliste et pragmatique".

En fait, plutôt qu'une étiquette politique, c'est une fibre gestionnaire qui caractérise le mieux Christian Teyssèdre. Une de ses adjointes, Sarah Vidal, estime que "son obsession, c'est la gestion". La fiscalité (avec une baisse de la taxe d'habitation) et l'aide aux entreprises constituent son credo. C'est le seul moyen pour être socialo-compatible avec une ville qui n'est pas de gauche. Mais, au-delà de Rodez et de son climat politique, c'est également l'expression d'un tempérament. Cette conjonction fonctionne bien.

Un observateur de la vie aveyronaise estime que le bilan est positif. Un bilan acquis au prix de coupes dans les dépenses de fonctionnement. Cela crée des tensions avec le personnel municipal, mais le résultat est positif. "C'est sous son mandat que Rodez est en train de changer. L'opposition l'accuse de simplement mettre en œuvre les projets de la précédente municipalité. En tout cas, c'est avec lui que la ville change."

IL TIENT TÊTE À MALVY

Christian Teyssèdre évoque souvent l'exemple de Martin Malvy. Le maire de Rodez estime que le futur ex-président de la Région a su développer Figeac. Depuis quelques temps, des accrochages opposent les deux hommes lors de réunions à l'Hôtel de Région. D'après un conseiller régional de gauche, Christian Teyssèdre est le seul à oser tenir tête à Martin Malvy.  Les fleurets ne sont pas mouchetés. Malgré cela, le maire de Rodez salue "l'excellent bilan" du président sortant. Et, surtout, il estime qu'il existe un modèle Malvy. Un modèle qui lui ressemble.

En 2010, le président de Midi-Pyrénées a été élu avec un score mêlant des voix de gauche et de droite. Christian Teyssèdre adore rappeler qu'il est le seul socialiste élu à la tête d'un "Grand Rodez" composé de communes de droite. Comme Martin Malvy le Lotois, Christian Teyssèdre l'Aveyronnais revendique une "équation personnelle".

Face aux électeurs, mettre la Rose dans la poche évite les épines. Les épines empoisonnées de l'impopularité du gouvernement. En revanche, dans la bataille des investitures, les militants qui votent sont socialistes. La dépolitisation de Christian Teyssèdre est un atout dans l'arène électorale. Elle devient un handicap face à une jeune ministre qui assume son étiquette politique. 

Le 5 février, Christian Teyssèdre va devoir garder sa "drogue" préférée à portée de main. C'est bien connu et médicalement reconnu, le chocolat permet de compenser les petits coups de "blues". Le cacao est un remède contre les déceptions de la vie politique. Ça tombe bien, Christian Teyssèdre est un grand amateur de Nutella.

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