Qui est Philippe Raimbault, le marathonien de la course à l’Idex ?

Personne n’avait vu venir ce juriste, ancien directeur de Sciences Po Toulouse, à la si convoitée présidence de l’Université fédérale de Toulouse en mai dernier. Très vite pourtant, l’anti "moi je" s’est imposé comme un marathonien, lancé dans la course à la reconquête de l’Idex. S’il n’a pas encore gagné la partie, il vient de remporter une première manche décisive. Portrait.
Philippe Raimbault, le "zen" président de l'université de Toulouse

À l'heure où certains partagent volontiers leur vie sur internet, Philippe Raimbault préfère cultiver la discrétion. Attitude posée, très à l'écoute, l'universitaire reçoit en toute simplicité dans son bureau ovale de l'Université fédérale de Toulouse, dont il est président depuis mai dernier. Élu sur les ruines du premier projet Idex, le juriste a été choisi par ses pairs pour reconquérir ce financement que Toulouse a perdu un mois plus tôt. "Il s'est imposé naturellement, cochait toutes les cases, cumulait l'expérience d'une direction d'établissement (Sciences Po, NDLR) et des qualités humaines dont nous avions vraiment besoin pour réussir ce projet", résume Laurent Grosclaude, directeur des relations internationales à l'Université de Toulouse et engagé dans le projet Idex depuis 2011.

Un pur universitaire

Au départ pourtant, rien ne prédisposait Philippe Raimbault à un tel challenge. Originaire de Tours, ville où il a passé toute son enfance et issu d'une famille modeste - "mes parents n'avaient pas le bac", dit-il - , il arrive à Toulouse pour faire ses études à Sciences Po, diplômé d'une licence de droit. "Je m'ennuyais en droit, reconnaît-il aujourd'hui. J'hésitais entre faire du journalisme ou travailler dans la haute administration, séduit par l'idée de servir le bien commun ou l'intérêt collectif, c'est pourquoi j'ai choisi Sciences Po... Mais finalement, des rencontres avec des professeurs m'ont convaincu d'enseigner."

Il mène alors un parcours sans faute : Sciences Po, un DEA suivi d'une thèse en droit public sur le principe de sécurité juridique en droit administratif français. Aujourd'hui, il fait volontiers le parallèle entre le risque pris en se lançant dans sa thèse et le challenge de la présidence de l'Université de Toulouse.

"Se lancer dans cinq ans de thèse, c'est long et compliqué. Je l'ai fait sans financement et en sachant qu'à peine 25 % des thésards en droit étaient recrutés, mais je l'ai fait quand même, pour ne pas regretter plus tard."

Pour financer ses études, il devient alors surveillant au lycée Raymond Naves, puis attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) à l'université. Il finit par décrocher sa thèse et entre alors à UT1 - Capitole comme maître de conférences, puis à Sciences Po Toulouse après son agrégation.

L'homme qui n'aimait pas le ronron

Celui qui s'engageait dans une carrière universitaire classique d'enseignement et de recherche prendra cependant un premier virage, en succédant à Laure Ortiz à la tête de l'IEP Toulouse en 2010. "Dans mon métier, je n'aime pas le ronron, j'ai besoin de défis permanents", reconnaît-il. Pendant 5 ans à la tête de l'IEP toulousain, il en a relevé plusieurs. Au chapitre des réussites, la création d'un nouveau concours d'entrée commun aux IEP de province et l'adoption d'un système de droits d'inscription modulables en fonction des ressources, sur le modèle de Sciences Po Paris. Il échoue en revanche sur la question immobilière et le déménagement de l'établissement.

"Ceci reste ma plus grande déception. Ce sujet n'est toujours pas réglé aujourd'hui. Les étudiants comme les enseignants de Sciences Po travaillent dans des conditions désastreuses et cela joue clairement sur l'attractivité de l'établissement."

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Au printemps dernier, quand se pose la question de la succession de Marie-France Barthet à la tête de l'Université de Toulouse après la perte de l'Idex, tous les regards se tournent vers lui. Ses compétences avaient fait mouche dès 2013, alors qu'une première crise semait déjà la discorde parmi les présidents d'université.

"À ce moment-là, la crise était à son paroxysme, se souvient Laurent Grosclaude. On voyait des figures toulousaines se positionner sur la présidence de l'Université fédérale comme autour d'un gâteau à partager."

Avec Jean-Marc Olivier, le vice-président des relations internationales à l'université Jean-Jaurès, Pierre Soler, le directeur de l'observatoire Midi-Pyrénées, Brigitte Pradin, directrice du centre universitaire Champollion et Laurent Grosclaude, se monte un groupe de "seconds couteaux". "Nous avons pris l'habitude de nous réunir pour parler vraiment du sujet Idex et avons associé Philippe Raimbault à nos réflexions. Il s'est très rapidement imposé comme un leader", décrit Laurent Grosclaude.

Tenace, il ne pilote pas au vent

Aujourd'hui, malgré la hauteur de l'enjeu (un financement de 25 millions d'euros par an dans le cadre de l'Idex pour l'université toulousaine), Philippe Raimbault reste totalement lucide, hermétique au stress. Laure Ortiz, qui a enseigné en tandem avec lui pendant 6 ans à Sciences Po décrit "un type tenace, qui ne pilote pas au vent, doublé d'un homme de consensus qui a le sens du collectif et de la justice".

Ce manager, qui implique ses équipes dans toutes ses décisions, cultive une espèce de décontraction qui déconcerte jusqu'à ses plus proches collaborateurs. "Il gère les méandres des cabinets ministériels aussi facilement qu'un rendez-vous avec le président du CNRS ou un brief avec son assistante", observe étonné Laurent Grosclaude. Un côté zen qu'il puise peut-être en Asie. La Chine, le Japon, la Thaïlande font en effet partie de ses destinations de prédilection en famille. "Ce sont des pays qui influencent sans doute inconsciemment le regard que je pose sur mon travail, mais j'essaye plus simplement de faire travailler les gens ensemble et de cultiver une forme de diplomatie", estime-t-il modeste.

Il y a quelques semaines, interrogé sur le risque d'échouer (dans la reconquête de l'Idex NDLR), il analysait froidement "un risque élevé et réel. Car en perdant l'Idex, nous avons déjà été officiellement écartés une première fois et avons simplement obtenu la possibilité d'une cession de rattrapage. Ce n'est pas la meilleure posture pour arriver."

Pour l'instant, l'histoire en a décidé autrement. Le Commissaire général aux investissements vient en effet d'informer Philippe Raimbault que la nouvelle candidature de Toulouse était acceptée. Aucune date ni modalité n'est encore précisée, mais la perspective d'un nouveau passage devant un jury international en 2018 est acquise. Un soulagement pour le président de l'Université fédérale de Toulouse qui souffle : "à mon sens, le projet que nous avons bâti mérite de passer cette étape-là compte tenu de ce que sera l'Université dans dix ans". D'ici là, son seul objectif sera de convaincre encore et en premier lieu l'ensemble de la communauté toulousaine. Le marathon continue.

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