Marion Moreau, une digital girl à la tête de la Fondation Sigfox

À presque 40 ans, Marion Moreau vient d'être recrutée par Ludovic Le Moan pour prendre la direction de la Sigfox Foundation, qui veut mettre l’internet des objets au service de causes humanitaires. Pionnière du web et journaliste, amie des entrepreneurs et actrice de la révolution digitale, cette optimiste au franc-parler dispose d’un carnet d’adresses envié et d’une énergie contagieuse. Portrait.
Marion Moreau, directrice de la Sigfox Foundation

Elle souhaite : voyager, rencontrer des gens, protéger les animaux, lutter contre les maladies infantiles, aider les ados des quartiers défavorisés, faire une découverte scientifique majeure et rendre heureuse sa famille. Le tout bien sûr en restant humble, "car la gloire dénature les humains". Avec son air mutin (qui a dit naïf ?), il ne manquerait plus qu'elle confie qu'elle est "contre la guerre", et on imaginerait que Marion Moreau est en lice pour remporter un concours de miss parfaite.

Mais non. À 40 ans, l'ancienne rédactrice en chef de FrenchWeb est plutôt du genre à réaliser ses rêves, pour de vrai. "Fonceuse" et "enthousiaste" selon son entourage, elle se reconnaît volontiers têtue : "Quand on me dit que ce n'est pas possible, c'est comme si on me disait 'cap ou pas cap ?' J'aime les challenges." Son goût pour le changement et son appétit de rencontres l'ont propulsée l'année dernière à la direction de la toute nouvelle Fondation Sigfox. Pas un hasard, "mais beaucoup de chance" assure la jeune femme.
Et aussi, probablement, le talent : celui de sentir l'air du temps, de flairer la prochaine révolution, d'être, tout simplement, en avance.

marion moreau

Marion Moreau à l'IoT Valley de Labège © photo Rémi Benoit

"On comprenait qu'on vivait une révolution"

En 1997, Marion Moreau a 20 ans, et pour financer ses études (elle prépare alors le concours du CFJ, l'école de journalisme parisienne), elle est en charge de la "hotline" chez Club Internet. Au bout du fil, elle explique aux abonnés comment se connecter au web : c'est le frémissement d'internet, l'entreprise est une petite startup.

"Nous étions à peine une dizaine chez Club Internet et nous étions au début de quelque chose, nous étions pionniers, ce n'est pas un gros mot. À l'époque j'expliquais à mes amis ce qu'était un mail, ou un 'tchat'... Je voyais très bien où on allait, on a tout de suite compris qu'on vivait une révolution et que tout allait changer : nos modes de consommation et notre manière d'interagir entre individus. C'était extraordinaire et passionnant."

Elle rencontre à ce moment-là un ami et mentor qui ne la quittera plus : Richard Menneveux, qui fondera plus tard FrenchWeb. "Elle a le goût du travail et la passion des gens. Rien n'est impossible pour elle", dit-il. En parallèle de son expérience chez Club Internet (elle y a, au bout de quelque temps, obtenu sa propre chronique ciné, "Cinémarion") Marion Moreau devient la première étudiante du CFJ en spécialité "presse écrite" à faire son alternance dans une rédaction "web".

C'est un événement tragique qui la pousse à quitter la société, trois ans plus tard : son père, médecin, meurt renversé par une voiture sur un boulevard parisien, à l'âge de 51 ans. Un énorme choc pour la jeune femme qui veut alors "réinventer sa vie, et voir autre chose".

"J'ai transformé ce choc en une réelle énergie. J'ai une chance finalement : celle d'avoir traversé des épreuves qui donnent la valeur de chaque jour qui passe."

Derrière la philosophie, on sent encore la douleur.

Du "ménage à faire" dans la French Tech

TV5, BFM, Capital.fr... La journaliste travaille alors plusieurs années comme indépendante avant de rejoindre son ami Richard Menneveux chez FrenchWeb, "un média d'une grande influence et qui m'a laissée beaucoup de liberté", se souvient-elle : "le premier qui a tendu le micro aux startuppers". Elle y consolide son carnet d'adresses et confirme son penchant pour les entrepreneurs du digital. Parmi eux, le fondateur d'EuraTechnologies à Lilles, Raouti Chehi dont elle admire la motivation.

"J'ai beaucoup de respect pour les entrepreneurs. L'entrepreneuriat est un vrai sacerdoce. Je suis assez en colère contre la pensée unique selon laquelle 'tout le monde peut devenir entrepreneur'. La vérité, c'est que l'entrepreneuriat, c'est aussi manger des pâtes pendant des années, c'est beaucoup de sacrifices, d'étapes difficiles à passer. On compte pas mal de séparations et de divorces. C'est comme aux parents à qui l'on dit 'C'est ton premier bébé ? Tu vas voir ça va être formidable, tu vas vivre quelque chose d'extraordinaire.' La vérité, c'est que tu vas aussi passer des nuits blanches, verser des larmes, vivre des moments de solitude et de doute... et ce n'est pas mauvais de le dire."

Autre sujet qui irrite la spécialiste du digital : la sacro-sainte French Tech. Elle s'est récemment fendue d'un post sur Facebook pour exprimer sa colère, "au risque de ne pas me faire des copains". Ainsi, Marion Moreau met en garde : "attention aux imposteurs".

"La French Tech a réussi à être un label. Sur le volet 'construisons une marque', c'est une réussite. Mais qui incarne les écosystèmes ? Il y a aujourd'hui des "mentors" qui se permettent de conseiller des centaines de jeunes et qui prennent des points de capital dans les startups alors qu'eux-mêmes sont loin d'être clean. Certains ont planté des entreprises et sont partis avec la caisse. C'est grave, car cela porte tord à tous ceux qui ont une démarche honnête. Il faudrait faire un ménage très sérieux dans la French Tech. La startup, ça fait plaisir, c'est à la mode, c'est jeune, ça bouge. Mais on parle d'une entreprise, de gens qui vont être embauchés, de gens qui vont prendre des risques, de gens qui ont eux-mêmes des familles. On ne s'improvise pas coach de startup comme ça."

Humaniste, Marion Moreau ? Certainement. De gauche ? Non. De droite, non plus. "De nos jours, et parmi la communauté du digital, la couleur politique ne dit rien", assume-t-elle, tout en avouant son faible pour Emmanuel Macron. "C'est un homme adulé par les patrons du web. Il le sait, il est très proche de la communauté des entrepreneurs du digital. Il sait qu'ils représentent le prochain Medef en termes de puissance de lobbying et de force économique et sociétale. Je le trouve intéressant car ouvert au changement." Parmi les personnalités qui inspirent Marion Moreau figurent aussi les PDG Xaviel Niel (Free) et Jacques-Antoine Granjon (vente-privée.com).

marion moreau

Marion Moreau © photo Rémi Benoit

L'IoT au service de l'humanitaire : le combo parfait

C'est lors d'une interview réalisée lors du Mobile World Congress il y a deux ans que le Toulousain Ludovic Le Moan, patron de Sigfox, propose à Marion Moreau de prendre la direction de la fondation Sigfox. Ils se connaissent depuis 3 ans, et la proposition tombe à pic : la journaliste a envie de renouveau (encore) et n'a pas perdu de vue qu'elle voulait sauver le monde.

"J'étais alignée avec Ludovic sur le fait d'être ambitieux avec la fondation, comme on l'est sur Sigfox. On ne fait pas de petit projet, on ne sauve pas un arbre, mais toute la forêt."

Deux premiers projets se sont concrétisés fin 2015 : une opération en Antarctique pour sécuriser une mission de 45 scientifiques grâce aux capteurs Sigfox et, plus récemment, une mission de sauvegarde des rhinocéros au Mozambique, grâce à la géolocalisation. Aux manettes, Marion Moreau gère, dirige, convainc, mais elle n'a pas l'intention de laisser de côté son métier de journaliste :

"Je vais lancer un média radio itinérant, en podcast dans un premier temps, sur nos projets et missions. Je vais éditorialiser et réunir autour d'un micro des passionnés et des experts, des entrepreneurs et des technophiles, relayer des exploits, des performances que nous allons expérimenter grâce à l'internet des objets !"

La première émission portera sur un défi inédit lancé par Christophe Fourtet, le cofondateur de Sigfox : envoyer un signal qui va se réfléchir sur la Lune et retomber sur la Terre, avec le concours d'un réseau de radio amateurs. "Incroyable non ?". Si, si.

Parallèlement à cette vie professionnelle trépidante, Marion Moreau a une deuxième passion : ses deux enfants, de 10 et 6 ans.

"C'est difficile de tout faire. Toutes les femmes le savent. J'ai emmené mes enfants avec moi sur les évènements que j'animais. Nous devrions être plus nombreuses à faire ça. Je pense que les enfants sont bienvenus au travail. Mais j'ai aussi vécu des grands moments de n'importe quoi, où j'allaitais mes enfants dans ma voiture tout en réalisant une interview au téléphone... Mais bon, cela fait partie des challenges de la vie !"

Incroyable non?

Bio Express

Août 1976 : naissance à Nantes.

1997 : décroche un job d'étudiante chez Club Internet. Elle y restera 3 années.

2011 : intègre la rédaction de FrenchWeb comme rédactrice en chef.

2014 : coréalise le documentaire We Love Entrepreneurs (500 000 vues).

2016 : va sauver le monde avec la Sigfox Foundation.

Mode d'emploi

Où la rencontrer ?
Entre Paris (les bureaux de la fondation) et Toulouse (le siège de Sigfox). Elle se rend au moins une fois par an à San Francisco. Cet été, elle sera le 14 juillet aux "Vieilles Charrues", où elle coorganise le West Web Festival et un concert des "Enfoirés du web".
Comment l'aborder ?
Sur Twitter (@marion_moreau), ou sur son mail ([email protected]) pour donner ses idées, ses points de vue et projets en plus de 140 caractères !
À éviter !
Des mails très très longs, et pas clairs...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.