Santé : "Stop à la polémique, il n'y a pas de lobbying à Toulouse"

Le professeur Bernard Fraysse, chef de service d'ORL au CHU de Toulouse, est l'animateur du comité Toulouse Excellence Santé, dont la création a été annoncée le 18 septembre dernier. "Ce comité n'est pas un outil de lobbying", insiste-t-il, afin de calmer la polémique sur la compétition Toulouse / Montpellier. En effet, un article de La Tribune-Objectif News intitulé "Protonthérapie : face à Montpellier, Toulouse crée un comité de lobbying" avait suscité de nombreuses et vives réactions chez les professionnels dans les deux métropoles. Le comité va en revanche publier un état des lieux qui sera remis aux candidats aux régionales. Interview.
Le professeur Bernard Fraysse

Selon vous, la création de Toulouse Excellence Santé a-t-elle alimenté la polémique?
Avec la grande région, il y a un nouveau modèle à construire, et il faut avant tout créer des synergies entre Toulouse et Montpellier. Si l'on part d'emblée sur des conflits, nous compliquons les choses. Le comité a du sens pour voir ce qui nous rassemble, pas ce qui nous éloigne. Il ne doit pas alimenter la polémique qui consiste à placer la santé à Montpellier et l'aéronautique à Toulouse. S'il a alimenté la polémique, il faut rectifier le tir.

À quoi va servir ce comité Toulouse Excellence Santé ?
Il sert à faire un état des lieux de l'offre de soins, du tissu industriel et des plateformes de recherche en Midi-Pyrénées, aussi bien en public qu'en privé, et ce pour repérer les éventuelles synergies avec Languedoc-Roussillon. Cet état des lieux est nécessaire pour voir si l'offre est différente ou similaire à celle de Montpellier. Il y a plusieurs cas de figure.
Par exemple, sur certaines pathologies rares, il peut très bien y avoir une offre de soin particulière à chacune des villes. Sur un cas de chirurgie cardiaque, par exemple, une jeune fille a récemment été soignée par les deux équipes, l'une ayant fait le diagnostic, l'autre l'intervention. Il n'y a pas besoin de multiplier par deux les spécialités.

En revanche, sur d'autres domaines, comme en orthopédie par exemple, l'offre de soins peut nécessiter qu'il y ait, des deux côtés, les mêmes équipes.

Enfin, sur des cas plus complexes où il n'y aurait qu'un seul équipement, comme pour la protonthérapie par exemple, la meilleure solution est celle que la France a adopté : un appel d'offres est réalisé et des experts nationaux et internationaux prennent une décision.

Le Comité n'a pas pour but de promouvoir la filière santé à Toulouse ?
Promouvoir ne veut pas dire être en compétition. Je le répète, le comité n'est pas un outil de lobbying, et il n'y a pas de compétition.

Craignez-vous que, dans le cadre de la réforme territoriale, certains choix (le centre de protonthérapie par exemple) soient faits en faveur de Montpellier ?
Non, sur des sujets aussi graves que celui des équipements lourds dans la santé, quand on évalue le nouveau dispositif sur des critères scientifiques, cela protège d'une décision politique. C'est pour cela que cette histoire de lobbying n'a pas de sens.

Quand Jacques Léglise, président du CHU de Toulouse, dit "il n'y a pas de compétition mais je me battrai jusqu'au bout pour que le centre de protonthérapie soit à Toulouse", n'est-ce pas contradictoire ?
Non, ce n'est pas du tout contradictoire. Pour le centre de protonthérapie, il va y avoir un appel d'offres et un jury international, et il est tout à fait normal, à ce moment-là, que chaque équipe présente le dossier le plus costaud possible. Et je vais même plus loin : si l'on s'aperçoit que ni le Cancéropole de Montpellier ni l'Oncopole de Toulouse ne peut se passer de cet équipement, il faudra se battre pour en avoir deux ! Ce sera le rôle de l'ARS et des politiques.

Est-ce vraiment envisageable d'avoir deux centres de protonthérapie dans la même région ?
Bien sûr. On peut même envisager que le tissu industriel local participe à son financement. Je vous rappelle que, quand il y a eu les premiers outils IRM, il était très rare d'en avoir un. Maintenant, il y en a dans chaque hôpital général.

En fin de compte, à quel usage est destiné l'état des lieux que réalise le Comité ?
Demain, nous aurons forcément un outil de santé commun aux deux régions. À un moment, l'ARS va nous dire : "Vous devez avoir des projets communs, comment comptez-vous organiser les soins dans la grande région ?" Donc, soit les deux équipes sont complémentaires et on reste comme cela, soit il faut des équipes similaires des deux côtés et il faut ajouter des compétences, soit il y a des choix structurants à faire et chacun pourra alors défendre son projet devant des experts.
Montpellier aussi va devoir faire cet état des lieux, ne serait-ce que pour être prêt au moment de l'appel d'offres.

Vous avez donc commencé ce travail d'état des lieux, quels en sont les premiers enseignements ?
Le tissu industriel des deux régions est très différent. En Midi-Pyrénées, il est composé de très grosses entreprises comme Airbus, Actia, Laboratoires Pierre Fabre et d'autres, qui se diversifient vers la santé car les technologies sont proches (qu'il s'agisse de navigation ou de simulation, par exemple). La compétition avec Montpellier est le cadet de leurs soucis car ces industriels évoluent dans une compétition mondiale. Leur problème, c'est d'être compétitif et de prendre des parts de marché face aux États-Unis, à l'Allemagne et à L'Asie.
Côté Montpellier, il y a moins de grands groupes et davantage de startups. Les deux écosystèmes ont à l'évidence besoin l'un de l'autre. L'objectif final, c'est d'obtenir une compétitivité suffisante des entreprises de la grande région pour aller chercher des marchés nationaux, européens et mondiaux.

Et au niveau de la recherche, la grande région sera-t-elle bien positionnée dans la compétition mondiale ?
Aujourd'hui, quand on regarde les 100 hôpitaux les plus connus en termes de recherche, Toulouse et Montpellier figurent dans le classement des 100 meilleurs. Mais aucun des deux n'est dans le top 10. Il faut qu'ils soient dans le top 10.

Quand sera terminé votre état des lieux de la filière ?
Bientôt, car nous souhaitons donner le document aux candidats aux régionales ! Nous souhaitons leur dire qu'il faut avoir de grandes ambitions pour la filière santé régionale, qui sera numéro 1 ou 2 en France, qu'il faut se battre pour la compétitivité des industriels sur la scène mondiale. Une première version de cet état des lieux sera finalisée fin octobre.

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