Michel Réglat chez McDo, 38 ans d’un appétit féroce

Avec 21 restaurants McDonald's à Toulouse et dans ses environs, Michel Réglat est le plus important franchisé de la chaîne de restauration rapide. Il projette d'ouvrir un nouveau point de restauration rapide dans le quartier Saint-Michel cette année et lorgne déjà sur Saint-Cyprien et l'université Jean-Jaurès. Sa formule ? Considérer chacun de ses McDo comme une petite épicerie de quartier. Rencontre.
Michel Réglat, le plus important franchisé McDonald's de France, dans son restaurant près de la place Wilson.

La révolution islamique iranienne éclate en 1979. Michel Réglat à 24 ans. Il ne le sait pas encore, mais cet événement va changer sa vie. À l'époque, les parents du jeune Toulousain rachètent Le Tortoni, un café-brasserie qui périclite place du Capitole. N'y connaissant rien à la restauration, Monsieur et Madame Réglat confient l'établissement à leur fils alors formé à l'hôtellerie. "J'ai accepté d'ouvrir une parenthèse le temps de remettre l'affaire à flot", raconte-t-il, 38 ans plus tard. Sous sa direction, le Tortoni devient en deux ans "un haut-lieu de la jeunesse toulousaine". Michel Réglat cherche à vendre, mais "tous les acquéreurs voulaient m'y garder. J'étais pris au piège."

La découverte de McDonald's

Le jeune restaurateur se tourne alors vers une enseigne américaine qui fait ses premiers pas en France. Bien implantée en Allemagne, McDonald's compte seulement une quinzaine de restaurants dans l'Hexagone, essentiellement à Paris. "Je suis allé les rencontrer rue Montmartre dans un immeuble couci-couça. Le franchisé m'a ouvert lui-même la porte de leur bureau. Ça ne faisait pas terrible. La boîte n'avait même pas de siège en France", se souvient-il. Des contacts avec des responsables de la chaîne de restauration rapide ne le convainquent pas davantage. Michel Réglat ne veut pas devenir franchisé. Son avenir, il l'imagine à la tête d'un grand hôtel international. Un coup de fil à des amis du métier douche néanmoins ses ambitions. "Dans ce milieu, on fait voir du pays aux jeunes et j'ai appris que j'allais être envoyé dans un hôtel de Téhéran, sourit-il. Je ne me voyais pas partir là-bas, en pleine révolution islamique. J'ai rappelé le gars de McDo pour qu'il me réexplique l'histoire de la franchise et tout ça." Le destin de Michel Réglat venait de changer. Tout ça grâce aux mollahs.

"On bosse comme des tordus"

En 1982, le premier McDo de Toulouse ouvre à la place du Tortoni. Un succès. Son premier stock d'aliments se vide en deux jours au lieu d'une semaine. Sans filière d'approvisionnement française, Michel Réglat se fait livrer depuis l'Allemagne via une plateforme à Metz.

"On était à la mode au début, narre d'une voix rauque ce grand fumeur de cigarettes. Je bosse 12 heures par jour sans lever la tête. 7 jours sur 7. Je me marie avec ma femme l'année de l'ouverture du premier resto. On bosse comme des tordus, on est dépassé. J'ai besoin de m'entourer d'une équipe. On apprend tous sur le tas. Après deux ans, on se dit 'ouvrons un deuxième'. Et puis c'est comme une drogue."

Un troisième, puis un quatrième restaurant ouvrent bientôt leurs portes. Le jeune franchisé peut compter sur l'appui du Crédit Agricole pour soutenir sa croissance. "Ma chance, c'est que la banque des agriculteurs s'ouvre aux entreprises à ce moment-là. Ils ont beaucoup d'argent et le donnent au premier qui ouvre la porte. Je suis tombé sur un banquier qui croyait en mon projet. J'avais des dettes et je perdais de l'argent les trois premières années, mais la banque m'a prêté de l'argent."

L'ascension

En quelques années, Michel Réglat gagne en influence au sein de McDo et gère le budget marketing de la marque au niveau national. En 1985, il impose la toute jeune agence de publicité BDDP pour mettre en place une stratégie d'image et d'implantation. De 1986 à 1988, il est élu président des franchisés français. L'année précédente, il ouvre le deuxième drive de France à Portet-sur-Garonne. Pour McDo, c'est le début de la grande expansion. Roques, Tournefeuille, Purpan, Michel Réglat ouvre une dizaine de restaurants autour de Toulouse. "Les années 90, c'est l'ouverture à outrance de 100 restaurants par an. On construit trop vite et pas bien", reconnaît Michel Réglat, qui songe alors à quitter la chaîne.

En France, McDo devient synonyme de malbouffe. En 1999, José Bové et la Confédération paysanne démontent le chantier du McDonald's de Millau. L'année suivante, une bombe éclate dans un restaurant à Quévert en Bretagne, tuant une employée. Avec Jean-Pierre Petit à la direction de McDo France et Denis Hannequin qui prend les rênes de la division Europe, la marque évolue.

"Nous avons travaillé sur la nutrition, les acides gras saturés et les sucres, en affichant les kilocalories. Nos friteuses utilisent de l'huile de colza qui vient de Bourges. Elle est recyclée et fait rouler des camions de livraisons. Nous avons mis en place une convention collective de restauration rapide, énumère Michel Réglat. La critique nous a poussé à évoluer. Dominique Voynet m'a dit un jour que je devrais élever une statue à Bové car, sans lui, on n'aurait pas eu cette réaction."

Cette politique coûte cher (+ 50 % pour le prix du kilo de viande du fait de la traçabilité), mais elle permet à McDonald's de changer d'image. Impliqué dans cette démarche, Michel Réglat ouvre en 2009 à Plaisance-du-Touch un restaurant rassemblant les dernières innovations de la marque (photovoltaïque, récupération d'eau, géothermie, éclairages économes, tri sélectif, recyclage de l'huile...). "Depuis les années 2000, nous sommes régénérés, se satisfait le restaurateur. Nous avons traversé la crise de la vache folle sans problème car nous sommes crédibles auprès de nos consommateurs."

Résultat, la clientèle reste fidèle et les affaires prospèrent. En 2001, ses 12 restaurants génèrent un chiffre d'affaires de 24 millions d'euros. En 2017, ses 21 restaurants réalisent 73 millions d'euros. Associé à 50/50 avec McDonald's, Michel Réglat gère ses restaurants à partir de sa société nommée Tryptic. Selon son bilan publié en 2015, la société avait enregistré un chiffre d'affaires de 1 899 100 euros et 874 700 euros de résultat net. Peu disert sur les chiffres, Michel Réglat avoue tout juste que l'année 2016 aura été difficile : "Aujourd'hui, on va rendre la copie entre -1 et +1 de croissance du chiffre d'affaires. On est juste au-dessus de l'eau. On va presque boire la tasse, mais on n'est pas mécontent quand on regarde ailleurs."

La technique de l'épicier

Plutôt que Burger King et autres Subway, ce sont les indépendants que Michel Réglat garde à l'œil. "Je fais plus attention à eux qu'à Burger King qui cuit encore ses steaks hachés à la flamme ou que Subway, où la viande arrive déjà cuite au restaurant. Les indépendants étudient le marché, font attention à la qualité et durent plus longtemps qu'avant. Ils visent 300 000 euros dans l'année et me piquent des clients", observe le patron.

Pour s'imposer, Michel Réglat applique une méthode d'épicier. "Je mets en œuvre ce que disait Ray Kroc (le fondateur de la chaîne) 'Pensez comme une marque, agissez comme une épicerie', cite-t-il dans un anglais mâtiné d'accent toulousain. Ça m'a toujours marqué. Nous faisons du boulot de proximité en travaillant restaurant par restaurant. Chaque directeur gère son unité et moi je donne des orientations. Il faut planter plein de petites graines pour avoir un ensemble qui se développe. Une politique commerciale de groupe, cela ne sert à rien."

Sa touche : la relation publique plutôt que la campagne de publicité. "Il faut participer à la vie de sa ville, offrir des maillots aux équipes de foot et de basket. Ouvrir une maison pour les parents d'enfants malades ou exposer des photos de Dieuzaide, c'est une façon de rendre aux gens ce qu'ils nous apportent. Il faut une approche affective dans le business. C'est plus cela qui m'intéresse à présent."

Construire et étendre son réseau. Sans arrêt. Voilà ce qui pousse Michel Réglat. Si l'expansion est terminée dans la Ville rose, l'homme d'affaires compte resserrer son maillage dans les différents quartiers. Cette année, son 22e pas de porte devrait ouvrir à Saint-Michel dans une configuration à emporter. "Je crois beaucoup au take away dans les grandes villes. Nous allons chercher des chiffres d'affaires plus petits mais avec moins d'investissements", affirme-t-il. La suite est déjà prévue du côté de Saint-Cyprien et même à l'université Jean-Jaurès où il est en pourparler.

À 62 ans, Michel Réglat n'attend pas la retraite avec impatience. "Je fais des choses différentes toute la journée. J'aime ça. Tant que c'est intéressant, je continue. Cela me fait penser à mon copain Vincent Clerc. Je lui dis de s'arrêter (à cause de ses blessures, NDLR) mais il ne peut pas car il aime le rugby. Moi, c'est la même chose", compare ce fervent supporter du Stade Toulousain.

Sa carrière, Michel Réglat la terminera en revenant peut-être à son premier amour : l'hôtellerie. Faute de temps, son projet d'hôtel près du Palais de Justice a avorté, mais ce n'est que partie remise. "J'y reviendrai car il faut boucler la boucle. Ça ne sera pas un Hilton ou un Sheraton comme je voulais à 26 ans, mais plutôt quelque chose de plus pépère, plus familial. Comme une épicerie."

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