Arnaud Thersiquel, directeur d'At Home et future pointure

Touché mais pas coulé, Arnaud Thersiquel a vite su rebondir après l’échec de sa startup Les Ateliers Tersi. Cofondateur et directeur de l’espace de travail partagé At Home, Arnaud Thersiquel savoure ses nouvelles occupations mais rêve déjà d’ailleurs. "L’ex-entrepreneur", comme il se définit, a toujours des envies de croissance.
Arnaud Thersiquel

"Je suis un ex-entrepreneur." À l'entrée de la ruche à startups qu'est devenu At Home à Toulouse, le titre pourrait faire tiquer. Confortablement installé dans un fauteuil contre un mur, Arnaud Thersiquel savoure pourtant sa nouvelle fonction de directeur salarié de l'espace de travail partagé qu'il a cofondé place de la Bourse à Toulouse en 2015. "Serein 50 % du temps", l'homme de 26 ans est aux petits soins pour les quelque 120 personnes qui bourdonnent derrière leurs écrans d'ordinateurs dans l'espoir de transformer leurs startups naissantes en licornes triomphantes. De 8 heures à 19 heures, Arnaud Thersiquel cherche des fonds, veille à la qualité des conditions de travail, joue parfois le rôle du policier dans l'espace de travail partagé et... nettoie les cafetières le dimanche.

"Cela rend humble, concède-t-il. Mon rythme est soutenu, mais j'ai moins de stress aujourd'hui car At Home est à l'équilibre et nous ne cherchons plus notre modèle économique, sourit-il. Nous nous concentrons sur la façon d'aider les entrepreneurs à vivre avec l'adrénaline mais sans le stress. Si je peux leur éviter les petits désagréments, c'est déjà une belle mission."

Les désagréments (et les joies) de l'aventure entrepreneuriale, Arnaud Thersiquel les a vécus pendant ses deux années passées à la tête des Ateliers Tersi. Peaufiné dans l'incubateur TBSeeds de 2013 à 2014, le projet naît d'un sentiment d'étouffement pendant son master en alternance chez Thales. "J'ai compris que les jeux de pouvoir et les jalousies entre services pouvaient détruire la valeur dans les grands groupes. Je ne me voyais pas faire carrière dans la comptabilité. J'avais envie de me sentir vivant chaque seconde qui passe", explique ce passionné de chaussures. Les souliers, une histoire de famille qu'Arnaud Thersiquel veut reprendre à son compte. "Mon grand-père était venu de Bretagne pour reprendre le fabricant Myma à Toulouse dans les années 70. J'ai eu envie de relancer cette tradition familiale." Et aussi, de "sauver l'honneur de son grand-père", note Camille Vaissières, son ancienne associée.

Lancé corps et âme dans son projet, Arnaud Thersiquel n'a pas froid aux yeux. Pour créer des souliers féminins originaux et fabriqués en France, il sollicite des personnalités comme Catherine Deneuve ou Benjamin Millepied, l'ex-directeur de l'opéra de Paris. Tous n'adhèrent pas au projet, mais une douzaine, comme la designeuse Matali Crasset ou le boulanger Gontran Cherrier se prêtent au jeu. "C'est un jeune intéressant et attachant qui inspire le futur. J'avais accepté de dessiner une chaussure parce que je trouvais cela original de faire appel à un architecte", explique Rudy Ricciotti, le concepteur du Mucem à Marseille laissé en plan par la fermeture des Ateliers Tersi.

"Arnaud a une capacité à convaincre des gens quinze fois plus grands que lui. C'est un tueur en relations publiques", apprécie Boris Mounet, cofondateurs d'At Home.

Soignées, les collections coûtent cher : 30 000 euros. Les fonds manquent et les Ateliers Tersi échouent à lever 150 000 euros en 2016. "Nos deux investisseurs principaux nous ont lâchés. L'un perdait de l'argent sur une autre société. L'autre souhaitait nous faire produire au Maghreb, je n'étais pas d'accord", assume Arnaud Thersiquel, qui annonce le crash de son entreprise en mai dernier après une aventure de trois ans. Des regrets ? Aucun. "J'ai un sentiment de plénitude. J'ai tout donné, tout tenté, tout sacrifié pour ce projet. J'ai vécu trois années en hypersensation perpétuelle. Cela a été une expérience très intéressante. J'ai rencontré de grands artistes, photographes et journalistes", se remémore-t-il aujourd'hui avec enthousiasme.

Malgré ces bons souvenirs, Arnaud Thersiquel a beaucoup sacrifié pour son projet : de l'argent bien sûr, mais aussi sa vie de couple et jusqu'à sa propre santé. "Je ne m'autorisais qu'un weekend de repos par mois. Je dormais peu. Un été, j'ai commencé à faire des insomnies quatre jours avant de revenir au travail. Je listais la nuit tout ce que je devais faire. Avoir de la tachycardie à 25 ans, ce n'est pas normal." Un engagement qui cadre avec sa philosophie entrepreneuriale ?

"Créer une startup, c'est comme si on partait à la guerre. Il faut mettre entre parenthèses tout ce qui est en dehors du projet."

Les défauts de ses qualités

Perfectionniste, minutieux, le jeune directeur se "défonce pour que ça marche", selon Pierre Osswald, cofondateur d'At Home. Mais il a aussi les défauts de ses qualités. "J'ai du mal à instaurer des priorités", reconnaît l'intéressé. Optimiste et mesuré, Arnaud Thersiquel n'est pas du genre à décider sur un coup de tête. "Il peut avoir tendance à être trop diplomate, à vouloir arrondir les angles quand il faudrait foncer", atteste Boris Mounet, le fondateur de Meet My Designer. Arnaud Thersiquel sait aussi prendre du recul quand il le faut. "Il n'a eu besoin que de quelques semaines pour se relancer quand d'autres mettent six mois", constate, impressionné, Pierre Osswald. "Il a peut-être senti que ce n'était pas exactement sa voie et qu'il y avait un autre chemin devant lui, avec At Home notamment", raconte Camille Vaissières.

Passé des manettes d'une jeune startup industrielle à celles d'une communauté d'entrepreneurs, Arnaud Thersiquel va-t-il se satisfaire de la gestion des 1 000 m2 de la rue des Marchands ? Les pointes de vitesse qu'il pique à vélo dans le centre-ville de Toulouse lui délivreront-elles suffisamment d'adrénaline ? Pas sûr. Déjà, il a, avec ses associés, des envies de croissance. "Dans dix ans, je le vois à la tête d'At Home puissance dix un peu partout dans le monde", imagine Pierre Osswald. "Arnaud est un entrepreneur, il a cela en lui. Il sent les opportunités, ajoute Boris Mounet. Mais la sphère de l'entreprise va-t-elle lui suffire ? Je suis convaincu qu'il peut changer quelque chose en politique. Il a un profil à la Macron."

Grâce à son entregent, Arnaud Thersiquel a fait venir chez At Home des figures politiques nationales comme Arnaud Montebourg ou Nathalie Kosciusko-Morizet. Une façon de nouer des contacts utiles. Rien de plus ?

"La politique ne m'intéresse pas, se récrie l'intéressé. Cela ne me fait pas rêver. Je ne veux pas perdre de temps à faire des choses inutiles, ou à me faire casser par des gens sans valeur. Je préfère avoir un impact économique."

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