Ingénierie aéronautique : Assystem veut se rapprocher de Boeing aux États-Unis

Fondée en 1994 de la fusion de trois sociétés, l'ingénieriste Assystem base son activité sur trois filières industrielles françaises : l'aéronautique, le nucléaire et l'automobile. Avec un chiffre d'affaires prévisionnel de 950 millions d'euros cette année, Assystem compte renforcer son activité aux États-Unis pour pénétrer "l'univers Boeing". Entretien avec Dominique Louis, le fondateur et PDG d'Assystem qui compte 1700 salariés dans le sud-ouest.
Dominique Louis, le PDG d'Assystem, était à Toulouse le 8 juillet dernier.

Assystem a presque 50 ans, si on débute son histoire à partir de ses deux sociétés d'origine. Quel regard portez-vous sur tout ce chemin parcouru ?

L'histoire qui a donné naissance à Assystem a effectivement 50 ans. Elle commence en 1966 quand quelques ingénieurs de Pierrelatte, dans la Drôme, ont créé Atem, une petite société de service qui travaillait dans le nucléaire. J'ai commencé à y travailler comme ingénieur en 1974. Je suis devenu entrepreneur en 1981 en créant R'data (une société d'automatismes et d'informatique industrielle, NDLR) et en rachetant Atem. Assystem est monté en puissance en 1994 (née de la fusion d'Alphatem, d'Atem et de R'Data, NDLR).

En 1996, j'ai racheté Studia, un petit bureau d'étude toulousain de 150 personnes et 400 au total. Grâce à Studia, l'aéronautique est devenue notre premier secteur d'activité aujourd'hui (36 % du chiffre d'affaires en 2015). Toulouse est devenu notre premier site industriel. La société en 1974 avait 40 ingénieurs. Aujourd'hui, nous sommes 12 000. Et c'est encore une entreprise familiale puisque j'en suis le principal actionnaire (à 48,5 %, NDLR).

Que ressentez-vous après ce long parcours ? De la fierté ?

Il y a la fierté de durer car entre la création et 1996, nous étions quasiment à 100 % dans le nucléaire. Il s'est effondré car c'était la fin des investissements en France et qu'il n'y avait pas de marché à l'international. Grâce à Studia, nous avons abordé un secteur totalement nouveau. Je n'imaginais pas un jour entrer dans l'aéronautique. C'est devenu le premier secteur du groupe. Le nucléaire s'est redéployé. Nous sommes présents dans les grandes filières aéronautiques françaises : le nucléaire, l'aéronautique et l'automobile.

Ces trois filières vont-elles rester les trois piliers de l'activité d'Assystem ?

Pour les 10 prochaines années oui. Airbus a un carnet de commande pour bien au-delà des 10 années qui viennent. Sa montée en puissance nécessite de faire appel à des partenaires. Les partenaires de l'ingénierie comme nous sommes naturellement associés à la production. Nous continuons à être en croissance avec Airbus et nous serons là dans 10 ans. Le nucléaire c'est pareil. Même si on ne fait pas de nouvelles centrales, il faut moderniser celles qui existent ou démanteler. Dans 10 ans, le nucléaire sera encore là. L'automobile en revanche connaît des modèles plus courts de 2 à 3 ans. Mais je fais le pari que nous y serons encore car il y a des grands enjeux sur les motorisations et la voiture connectée. Nous sommes très développés en France et peu en Allemagne. Il nous faut nous y développer car c'est là que sont les grands constructeurs automobiles. Nous n'envisageons pas a priori de pénétrer de nouveaux secteurs industriels, mais plutôt de diffuser autour de ces métiers là.

Pour l'aéronautique, l'enjeu serait d'aller aux États-Unis. Une équipe a suivi Airbus à Mobile. Si nous arrivons à être assez grands, pourquoi ne pas travailler pour Boeing, ce qui n'est pas incompatible avec nos activités pour Airbus.

À quelle échéance pensez-vous développer l'activité d'Assystem aux États-Unis ?

La difficulté est que pour pénétrer l'univers Boeing, il faut acheter une ou plusieurs sociétés. Les sociétés américaines coutent très chères. Il ne faut pas se tromper de cible. Nous sommes dans ce processus. Nous en avons regarder certaines, mais nous ne sommes pas en phase chaude d'acquisition. Nous étudions des dossiers. Il faut devenir un peu américain, c'est la seule solution. Je cherche le Studia américain finalement.

Assystem s'intéresse également à l'habitat. Est-ce un nouvel axe de développement ?

C'est l'autre branche d'Assystem que nous avons développée autour de l'ingénierie nucléaire : l'ingénierie des infrastructures de la ville et de la mobilité. L'habitat, notamment au Moyen-Orient, nous intéresse. Il y a des projets de cité écologique comme celle de Masdar à Abu Dahbi par exemple.

Nous nous intéressons aussi à la cybersécurité qui est un axe de développement important pour nous. Nous avons gagné en France l'assistance à maitrise d'ouvrage du Grand Paris.

Ce sont des développements à la marge, une diversification autour du nucléaire. Un projet de centrale nucléaire, c'est 10 ans et 10 milliards d'euros. Des projets d'infrastructures sont similaires en temps, en coûts et en complexité. Des équipes qui savent le nucléaire peuvent gérer cela.

Nous avons aussi un enjeu important autour du digital. À la fois dans la façon de travailler que dans la façon de transformer l'entreprise. Mon ambition personnelle est que la génération Y prenne le pouvoir dans Assystem. Nous mettons en place un Facebook at work. C'est ma grande ambition pour les 10 ans qui viennent.

C'est la prochaine révolution d'Assystem ?

La digitalisation d'Assystem est en route. Elle va transformer la société dans les cinq ans à venir. On sera plus efficace. On pense que cela nous permettra de diviser par deux le temps de développement d'une centrale nucléaire et son coût de 30 %. Alors qu'on sait bien qu'aujourd'hui, à cause de la sureté, les coûts sont en train de grimper. Grâce à la digitalisation, nous allons améliorer la sureté dans le nucléaire et l'aéronautique. Les mégadonnées vont nous permettre d'anticiper les pannes. C'est une véritable révolution. Elle est beaucoup plus profonde que ce qu'on imagine. C'est un enjeu à la fois interne - d'où le besoin de faire venir plein de jeunes et de leur donner des responsabilité - et dans nos méthodes de travail que nous vendons à nos clients.

Qu'en est-il des recrutements ?

Cette année et surtout l'an prochain, nos trois grands secteurs vont tous être en croissance de plus de 5 %. Cela faisait un certain nombre d'années que cela ne s'était pas passé. Le nucléaire est en bonne reprise. L'aéronautique va continuer à croître. L'automobile aussi. On devrait avoir un pic de recrutement en 2017 qui devrait durer deux ou trois ans. À Toulouse, depuis trois ans, nous recrutons une personne par jour.

En termes de résultats, quelles sont vos projections pour 2016 ?

Nous avons annoncé une projection de 950 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016. Notre rentabilité sera meilleure que l'an dernier. C'était 6 à 7 % en 2015.

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