Classement des universités : Toulouse School of Economics comparable à Harvard ?

Toulouse School of Economics fait son entrée dans le classement international de Shanghai, qui présente les 500 meilleures universités mondiales. Critiqué pour ses critères, ce palmarès n'en n'est pas moins très attendu. Ainsi, pour Christian Gollier, directeur général de l'école d'économie toulousaine, la nouvelle est satisfaisante, mais pas une fin en soi. Son objectif : "créer un Harvard-sur-Garonne", en référence à l'université américaine, numéro 1 du classement depuis 13 ans. Interview.
Pour Christian Gollier, directeur général de TSE, l'entrée de l'école au classement de Shanghai est une satisfaction

TSE fait son entrée dans le fameux classement de l'université Jiao-tong de Shanghai, publié le 15 août. C'est une surprise ?
C'est une excellente nouvelle, mais ce n'est pas une surprise. Nous savions que l'obtention du prix Nobel 2014 d'Économie par Jean Tirole, le président de TSE, pèserait dans la balance. En effet, ce classement accorde un coefficient phénoménal à la présence de prix Nobel dans les établissements, et sans la "nobellisation" de Jean Tirole, je ne pense pas que nous serions dans ce palmarès (la dernière apparition de TSE dans la classement de Shanghai remonte à 2007, NDLR).

TSE apparaît deux fois dans ce classement...
En effet, et cela souligne quelques incohérences. TSE apparaît entre la 200e et la 300e place dans le classement général des universités mondiales, alors que TSE n'est pas une université.
Elle apparaît ensuite à la place 35 dans le classement par thème et discipline ("économie / gestion", NDLR). Il pourrait y avoir des améliorations si les publications issues de l'IAE (Institut d'administration des entreprises) étaient également prises en compte. Nous allons faire en sorte que les Chinois qui établissent le classement puissent récupérer les travaux de l'IAE, qui concernent tout ce qui relève du marketing, de la stratégie, de la comptabilité, etc. Cela pourra permettre à UT1-Capitole de gagner des places dans le classement.

Le classement de Shanghai est critiqué, notamment pour ses critères de sélection jugés restrictifs. Quel regard portez-vous sur cette publication, autant attendue que décriée ?
Il faut savoir garder de la distance car, effectivement, le classement de Shanghai ne me parait pas le plus pertinent. Par exemple, il donne énormément d'importance aux prix Nobel et en a fait un critère à part entière, ce qui est un peu simpliste. En effet, de nombreuses publications de mes collègues d'UT1-Capitole ont un retentissement important dans plusieurs universités, sans pour autant rapporter un prix Nobel.
Le classement européen de l'ERC (European Research Council) prête davantage attention aux chercheurs, à leurs compétences. Le classement RePec, quant à lui, classe les départements d'économie des universités, ce qui me semble pertinent. Selon ce classement, nous serions 11e meilleur département d'économie dans le monde.

Pour autant, figurer dans le classement de Shanghai, ça ne se refuse pas...
Tout à fait. C'est une référence, il est très cité, en particulier dans le monde politique et médiatique français, et il faut en tenir compte. C'est important de figurer dans ce palmarès, et d'y rester.

N'est-ce pas paradoxal d'accorder autant d'importance à une compétition qui se renouvelle chaque année, quand on travaille dans le secteur de la recherche, par essence basé sur le long terme ?
Un peu oui. Mais il ne faut pas oublier que la recherche est un monde ultra-compétitif. C'est une course permanente à l'innovation, à la découverte, à la publication qui changera la face du monde. Cela doit nous pousser à investir sur le long terme dans des outils, des laboratoires, des compétences, des personnalités scientifiques capables de nous pousser tous en avant. Si TSE est aujourd'hui dans le palmarès de Shanghai, c'est le résultat d'un travail collectif de 35 ans, de 140 chercheurs, et d'une administration très pro. Harvard (indétrônable numéro 1 du classement, NDLR) ne s'est pas faite en un jour...

TSE pourrait-elle atteindre le niveau de Harvard ?
L'objectif de très long terme serait effectivement de construire un Harvard-sur-Garonne ! Mais, pour cela, il faudrait adosser à TSE des disciplines telles que la gestion, le droit, la psychologie... Il faudrait ainsi créer une véritable université mondiale multidisciplinaire, partageant la même culture d'excellence et la même énergie réformatrice. C'est un travail de plusieurs générations, mais nous avons commencé en créant l'année dernière l'IAST (Institute for Advanced Study in Toulouse / Institut d'Études Avancées en Sciences Sociales) dirigé par Paul Seabright. Il s'étend au droit, à la sociologie, aux sciences politiques mais aussi à la logique et aux mathématiques.

La Comue (mise en place de l'Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées) aide-t-elle à atteindre cet objectif ?
Si l'objectif de la Comue est de regrouper des départements de haut niveau qui ont la même ambition que TSE, alors c'est important et cela nous aidera tous. Mais est-ce que la Comue fait cela ? En regroupant les trois universités (Toulouse 1 Capitole, Toulouse 2 Jean Jaurès et Toulouse 3 Sabatier NDLR) et plusieurs écoles d'ingénieurs, elle regroupera plus de 100 000 étudiants et plus de 20 000 chercheurs qui vivent dans des mondes très différents, avec une gouvernance improbable. Cela me semble un tout autre projet, courageux et un peu fou pour tout dire. À Harvard, il n'y a pas plus de 20 000 étudiants ! Par ailleurs, je n'ai pas le sentiment qu'aujourd'hui, il y ait une véritable communauté d'esprit. Je ne suis pas sûr que mes collègues d'UT2 ou d'UT3 me considèrent comme un des leurs. Nous n'avons pas la même perception des enjeux, et, au-delà des quelques liens créés lors du montage de l'IDEX avec des personnalités d'exception, nous avons peu d'opportunités de nous rencontrer... Tout cela est compliqué.

L'université Paul Sabatier également dans le classement

Toulouse 3 Paul Sabatier est également citée entre la 201e et la 300e place. Pour le président de l'université Bertrand Monthubert, il n'y a pas de quoi s'émouvoir : "Par qui est attendu ce classement ? Les étudiants ne le regardent pas pour choisir leur université. Les critères sont artificiels et ne permettent pas de rendre compte de la complexité du monde de la recherche. Bien sûr, il vaut mieux être dans le classement que ne pas y être, mais cela ne change pas notre manière de travailler. Notre objectif est l'insertion professionnelle de nos étudiants, un critère inexistant dans le classement de Shanghai".

Les 6 critères


Le classement de Shanghai, créé en 2003, prend en compte six critères pour distinguer 500 des 1 200 établissements répertoriés dans le monde :

- Le nombre de prix Nobel et médailles Fields parmi les anciens élèves,

- Le nombre de prix Nobel et médailles Fields parmi les chercheurs,

- Le nombre de chercheurs les plus cités dans leur discipline,

- Le nombre de publications dans Science et Nature,

- Articles indexés dans Science Citation Index, et Arts & Humanities Citation Index,

- Performance académique au regard de la taille de l'institution

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