La start-up Wiseed lance l'opération "rachetons l'aéroport de Toulouse" et récolte près de 4 M€ en une journée

La plateforme toulousaine de financement participatif Wiseed propose de racheter les dernières parts de l'État dans l'aéroport de Toulouse via une opération de crowdfunding. En une journée, 1500 investisseurs ont promis d'investir plus de 3,8 M€. La levée de fonds dure jusqu'à lundi. Objectif : réunir 15 M€ pour lancer réellement l'opération... à condition que l'État consente à vendre ses 10,1% restants.
Thierry Merquiol

Thierry Merquiol et Nicolas Sérès n'ont pas froid aux yeux. Les deux cofondateurs de Wiseed, la plateforme toulousaine de crowdfunding, viennent de lancer une opération de financement participatif pour racheter les dernières parts de l'État dans l'aéroport de Toulouse.

"Rachetons l'aéroport !", s'exclame la page dédiée à l'initiative sur leur site internet. "L'aéroport de Toulouse est une bonne partition : trafic soutenu et pérenne, investissements récents financés par l'argent public, rentabilité assurée avec un risque quasi-nul. Les candidats privés l'ont bien senti ! Ne laissons pas plumer cette poule aux œufs d'or."

L'idée pourrait faire sourire, mais l'offre est très sérieuse. "Tout le monde doit penser que c'est une plaisanterie, mais c'est au contraire très réfléchi, assure Thierry Merquiol, président du conseil de surveillance de Wiseed. Quand nous avons vu sortir les estimations des offres des quatre potentiels repreneurs, nous avons trouvé cela scandaleux. L'offre sino-canadienne, la plus élevée, serait de 300 M€. Ce n'est même pas le prix d'un Airbus. Ce n'est pas très cher payé. À ce compte-là, les citoyens peuvent se mobiliser pour acheter les 10,1% restants à l'État. La collectivité resterait majoritaire."

Un sentiment qui semble partagé par de nombreux commentateurs sur le site de Wiseed. "J'ai été surpris par les messages que nous avons reçus, avoue Thierry Merquiol. C'est un vrai plébiscite. Nous répondons à une attente. Le manque de clarté sur les offres suscitent des interrogations. Les gens nous posent déjà des questions sur la rentabilité et les éventuels dividendes. Cela montre qu'ils sont vraiment intéressés."

1500 promesses d'investissement
Alors que la fréquentation du site a explosé dans la journée, passant de 2000 visites par jour en moyenne à 5000 à la mi-journée, le président du conseil de surveillance de Wiseed compte déjà 1500 promesses d'investissements pour un montant total de 3,8 M€, à 17h. Combien en faudrait-il pour proposer une offre sérieuse ? "30 ou 60 M€, hésite Thierry Merquiol. Dans le 2e cas, il faudrait 30 000 souscripteurs avec un ticket moyen de 2000 € ce qui est la moyenne en crowdfunding. Sur toute la France c'est jouable, mais sans l'effet de levier des ETI et des PME, ça sera compliqué." À bon entendeur...

Wiseed se donne en tout cas jusqu'à lundi avant de relever le compteur. "Si c'est moins de 10 M€, on dira aux investisseurs que malgré la mobilisation, on ne peut continuer. Si on est entre 10 et 15 M€, on se posera la question d'y aller. Si nous dépassons les 15 M€, nous lancerons l'opération."

En tant que plateforme de financement participatif, Wiseed est limitée à un plafond de 1 M€. Pas de quoi arrêter Thierry Merquiol. "Nous créerons une holding pour lancer l'offre dans le cadre d'une offre publique de titres financiers, explique-t-il. Nous demanderons un prospectus validé par l'AMF et j'irai voir l'Agence des participations de l'État."

Réunir des citoyens pour se substituer à l'État, l'idée est attrayante. Mais, si l'offre "citoyenne" devenait réalité, l'État lui vendrait-t-il ses dernières parts ? Selon le cahier des charges de l'appel d'offres, l'État compte se désengager complètement de l'aéroport de Toulouse, mais ce n'est pas une obligation. Le sénateur socialiste Claude Raynal, l'a rappelé dans notre article du 18 novembre en demandant à la puissance publique de maintenir sa présence pour préserver les intérêts stratégiques nationaux. Une décision devrait être prise d'ici trois ans sur ce sujet.

La seconde tranche n'est pas à vendre
"C'est un sujet qui ne viendra pas avant deux ans, s'étonne de son côté Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole. Je ne suis ni pour, ni contre cette initiative, mais elle ne peut pas prospérer puisque la seconde tranche n'est pas à vendre." Le président de la CCI de Toulouse, Alain Di Crescenzo salue quant à lui "une bonne nouvelle" : "Je trouve cela super que des gens soient motivés pour investir dans les structures locales." Seul bémol cependant : "L'appel d'offre est fermé. Cette initiative ne pourra concourir à la première tranche des actions de l'État. Et, pour la seconde tranche, si l'État vend, Wiseed devrait investir à travers l'un des actionnaires de l'aéroport."

Si l'État se décidait à vendre sa deuxième tranche de 10,1%, le vendrait-t-il aux "investisseurs citoyens" et non au futur repreneur privé ou aux collectivités déjà détentrices de 40 % des parts ? "C'est un risque à prendre, reconnaît Thierry Merquiol. Dans ce cas-là, nous rendrons l'argent aux investisseurs."

Bien qu'il s'en défende, l'opération est une formidable opportunité pour faire connaître l'entreprise toulousaine. "Cela n'a vraiment pas été pensé comme cela, assure Thierry Merquiol. Au départ, nous pensions le faire pour le Parc des expositions de Toulouse mais les offres pour l'aéroport nous ont scandalisés. S'il y a une bonne affaire, autant en faire profiter les citoyens."

Wiseed emploie 10 salariés et a réalisé un chiffre d'affaires de 500 000 € en 2014. Elle a déjà financé 45 start-up en réunissant plus de 12 M€ grâce à 33 600 investisseurs.

Gael Cérez


© photo Rémi Benoit

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.