EADS : les huit points qu'il faut retenir de la future stratégie de Tom Enders

Lors de la présentation des résultats 2012 d'EADS, Tom Enders a dévoilé quelques bribes de ce que sera le groupe européen sous sa présidence. Voici les huit points que nous avons retenus.
Tom Enders, président d'EADS


Ce n'est pas une surprise, EADS va bien. Le chiffre d'affaires du groupe européen s'est établi l'an dernier à 56,5 milliards d'euros en hausse de 15 % (49 milliards en 2011) et le bénéfice d'exploitation (EBIT) a bondi de 29 %, à 2,19 milliards (1,69 milliard en 2011). Mais, pour le nouveau président exécutif d'EADS, Tom Enders, ce n'est pas suffisant même si il a reconnu que "2012 a été une bonne année". Tout au long de la présentation des résultats ce mercredi, il a martelé sur tous les tons que le groupe devait mettre le cap vers une meilleure profitabilité afin de mieux servir les actionnaires du groupe. Il peut toutefois encore dormir tranquille avec une trésorerie nette confortable, qui s'élevait fin 2012 à 12,3 milliards d'euros, en hausse de 5 % (11,6 milliards en 2011).

1/ Des axes d'améliorations pour dégager une meilleure rentabilité d'EADS

Le cap est clair. Très clair. "Nous allons mettre l'accent sur la création de valeur aux actionnaires", a rapidement attaqué Tom Enders. Connaissant la nature profonde du président d'EADS et son tropisme américain, ce n'est pas surprenant. Comment ? en réduisant au maximum les risques sur les programmes. "Nous avons été trop audacieux dans le passé, a expliqué Tom Enders. Nous avons pris trop de risques en acceptant certains contrats". Les nouveaux programmes devront désormais passer par le filtre durci risques/profits, qui sera l'alpha et l'oméga de Tom Enders. Deuxième axe : renforcer la qualité des produits et services livrés aux clients. "Nous allons renforcer la rigueur sur les coûts et la qualité", a fait valoir le président d'EADS. Et la direction va prendre en 2013 "des mesures pour atteindre" les objectifs fixés. Des mesures qu'il n'a pas détaillé. Mais nul doute que le montant des provisions (820 millions d'euros, dont 251 millions pour l'A380) n'a pas dû lui faire plaisir. Notamment celles d'Eurocopter (100 millions), qui doit renégocier toute une série de contrats (NH90 notamment) avec des Etats clients.

Pour le numéro deux de EADS, Marwan Lahoud, "ce n'est pas anormal, la physionomie de l'actionnariat du groupe va changer". Début avril, dans la foulée de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, le flottant représentera 72% du capital d'EADS. Pour autant, nuance-t-il à La Tribune, "la stratégie d'EADS ne peut pas se résumer à ne faire que du profit". Dont acte. Ainsi, EADS pourrait présenter en septembre une nouvelle stratégie après avoir entamé des discussions avec le nouveau conseil d'administration cet été. "Nous sommes partis d'une dizaine de scénarios pour la stratégie du groupe et, au fur et à mesure qu'ils passent dans l'entonnoir, nous présenterons aux membres du conseil deux à trois options", explique Marwan Lahoud.

2/ EADS garde ses activités défense
La direction d'EADS a là aussi très claire. Pas question d'abandonner les activités défense, qui pèse autour de 12 milliards d'euros, dont 5,7 milliards générés par Cassidian. Pour autant, la filiale défense, en pleine restructuration qui, hors MBDA et Eurofighter, pèse environ 2 milliards d'euros, est actuellement "auditée" par EADS. "On scrute en ce moment son portefeuille d'activités", a précisé Tom Enders. Toutes les activités de Cassidian sont passées par le filtre risques/profits sur le thème : "de quoi ont besoin les forces armées et est-ce que cela fait gagner de l'argent". EADS a organisé un débat, qui est proche maintenant de sa conclusion. Pour Tom Enders, il est "normal au bout de cinq/six ans" de voir si Cassidian, qui a provisionné près de 200 millions d'euros (dont 100 millions pour des programmes à risques) est "toujours sur la bonne voie". "Le monde a changé en matière de défense", a-t-il fait remarquer. Là encore, Marwan Lahoud précise que "le filtre ne consiste pas seulement à regarder les activités qui sont seulement rentables mais celles qui ont également un avenir". En tout cas, chez EADS, on rappelle que EADS est le premier groupe de défense devant BAE Europe, premier fournisseur de la France, de l'Allemagne et de la Royal Air Force britannique. "Nous ne sommes pas dans une impasse", précise Marwan Lahoud au regard des positions solides du groupe en matière de défense. De son côté, Tom Enders a rappelé que les produits d'EADS collent "bien aux besoins des clients". Il a cité notamment le Tigre, qui a participé aux opérations en Afghanistan, en Libye et au Mali.

3/ Les relations avec les États partenaires d'EADS

Tom Enders souffle le chaud et le froid en dépit de sa tendance libérale... Car il reste bien conscient de l'importance des Etats, notamment dans le domaine de la défense. "Dans le secteur aérospatial et de la défense, les gouvernements auront toujours une influence qu'ils soient actionnaires ou pas", a-t-il reconnu. Une fusion "x" pourra toujours avorter dans le cas d'une opposition d'un Etat, a-t-il pris comme exemple. Toute ressemblance avec des événements récents n'ont pas lieu d'être... Mais de rappeler que la nouvelle gouvernance d'EADS, qui sera mise en place fin mars, est "une rupture par rapport au passé". "Il n'y aura pas pacte d'actionnaires en coulisse", a-t-il assuré. Et l'influence des États sera limitée à une simple "golden share", a-t-il martelé.

4/ un carnet de commandes étonnant

Tom Enders ne peut que s'en féliciter. EADS a toujours gardé cette capacité étonnante de gonfler son carnet de commandes même dans les situations de crises extrêmes qu'elles soient internes et/ou externes (crise financière de 2008 et 2009). L'échec de la fusion avec BAE Systems, provoqué par Berlin, et les tensions sur la composition du conseil d'administration avec Paris n'ont eu aucun impact sur la performance commerciale du groupe. Les prises de commandes se sont élevées à 102,5 milliards d'euros en 2012 (contre 131 milliards en 2011, grâce notamment au succès foudroyant de l'A320 NEO) et la valeur du carnet de commandes d'EADS a progressé pour atteindre 566,5 milliards d'euros, dont 52,8 milliards dans le domaine de la défense, à la fin de l'année. Un record. L'Asie représente en valeur désormais 35 % du carnet de commandes. Loin devant l'Europe (22 %). Pour Airbus, cela représente près de 8 ans d'activité, Eurocopter 2,1 ans, Astrium 2,2 ans et Cassidian 2,7 ans. Le groupe peut voir venir.

5/ Une montée en cadence d'Airbus prudente
Tom Enders reste prudent par rapport à la montée des cadences chez Airbus. "Le carnet de commandes est formidable", a-t-il expliqué. Pour autant, malgré l'envie de livrer beaucoup d'appareils, il retient les chevaux. En 2013, Airbus a comme objectif de livrer 600/610 appareils environ. "Nous sommes prudents et nous avons choisi de ne pas dépasser la cadence 42 (ndlr : pour les A320) en raison d'une éventuelle surchauffe de la supply chain en interne et en externe", a -t-il expliqué. Et d'ajouter que "notre production nous satisfait". Pour 2014 et 2015, Tom Enders n'envisage pas de baisse de la production. Le défi pour EADS et sa filiale Airbus sera de passer de l'ancienne génération d'A320 vers le NEO. "Nous avons les bonnes personnes en place pour diminuer les risques", a-t-il souligné. Interrogé sur une guerre des prix pour gagner le match MAX (737) / NEO (A320), Tom Enders a souligné qu'il était "évident que notre concurrent essaie de rattraper son retard par rapport au NEO et que cela créait des tensions sur le marché".

6/ Une deuxième chaine d'assemblage de l'A350
Pas impossible. Après les déclarations du directeur commercial d'Airbus, John Leahy, Tom Enders a confirmé que l'avionneur toulousain aura "besoin de renforcer ses moyens de production" à condition que l'A350 rencontre le succès attendu. Ce dont le président d'EADS ne doute pas. La deuxième chaine devrait concerner précisément l'A350-1000. "Il faut voir comment on le fait", a-t-il précisé. Sur le développement du programme, Tom Enders s'est montré rassurant tout en ne niant pas les risques. "L'assemblage et la mise sous tension de l'appareil (qui va voler en premier, ndlr) se déroulent bien, a-t-il expliqué. Mais un tel programme a toujours un risque inhérent propre".

7/ Le rachat d'actions ira à son terme

C'est un dossier polémique. Pour autant, EADS, qui souhaite racheter jusqu'à 15 % de ses actions sous réserve des conditions du marché, ira au bout de sa logique. Seul bémol évident, le cours de l'action. La décision a été prise quand l'action était à 26,7 euros. Elle est aujourd'hui à 37,2 euros. "Il faudra intégrer les changements dans le cours de l'action, qui déterminera le volume de rachat mais on ne mettra pas en danger les flexibilités financières d'EADS", a assuré Tom Enders.

8/ Les enquêtes sur des affaires de corruption

Tom Enders veut être le Monsieur Propre d'EADS. "Nous sommes en train de scanner notre portefeuille produits afin d'identifier les risques et de nettoyer au besoin", a-t-il expliqué. EADS coopère avec les autorités judiciaires autrichiennes dans le cadre de la vente d'Eurofighter aux forces armées. "Nous avons également lancé des enquêtes en interne et nous menons un grand nombre d'entretiens, a assuré Tom Enders. Mais on ne doit pas tirer des conclusions hatives". Il a avoué qu'il aurait souhaité annoncer "des résultats aujourd'hui mais cela n'a pas été possible". Pour autant, il a estimé qu'il n'avait "aucune raison de prévoir de nouvelles provisions en relation avec l'enquête en Autriche".

Michel Cabirol pour LaTribune.fr
©photo Rémi Benoit

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