À Toulouse, de nouveaux contrats pour la société Websourd malgré la procédure de sauvegarde

Malgré des appels d'offre gagnés récemment, notamment avec l'État et Aéroports de Paris, l'entreprise Websourd a vu sa dette atteindre 1 M€ en 2013. Acculée et privée du soutien de ses partenaires financiers, la société toulousaine de services aux personnes sourdes a demandé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au Tribunal de commerce en juin. Depuis le chiffre d'affaires progresse fortement et Websourd trouve enfin son marché. Interview de son PDG François Goudenove.
François Goudenove

Comment l'entreprise Websourd en est arrivée à demander l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ?
Comme souvent, c'est une conjonction de causes. Quand Websourd s'est créée, sous forme coopérative en 2003, le partenariat technique avec l'opérateur Orange permettait d'envisager un développement technologique régulier mais modeste, sans besoin de fonds propres importants. Quand, pour des raisons stratégiques, Orange a cessé l'exploitation de la plateforme utilisée par Websourd, il a fallu devenir "maître d'œuvre" sur les développements technologiques et les financer. Notre société coopérative d'intérêt collectif (Scic) n'était pas armée pour cela, en particulier pour ce qui concerne les fonds propres. Les outils et solutions utilisés par Websourd dans son environnement coopératif se sont avérés inappropriés à la logique de "start-up technologique" et au timing dans lesquels nous nous retrouvions.

Pour ne rien arranger, Websourd a dû faire face à une concurrence très forte à partir de 2005, lorsque la loi handicap a créé un marché du handicap. Leader historique sur ce secteur, mais basés en province, nous nous sommes retrouvés face à de nouveaux concurrents, basés à Paris, et une démarche très agressive en communication et marketing. En outre, notre statut coopératif - qui a été essentiel à la création de l'entreprise - n'est pas attractif pour des investisseurs classiques de la technologie, car dans une Scic, le capital ne prend pas de valeur, entraîne peu de dividendes et ne donne pas plus de pouvoirs. Nous nous sommes donc tournés vers nos partenaires de l'économie sociale qui nous ont permis de financer notre développement par de la dette, plutôt que par une prise de participation, pendant 5-6 ans. Mais dans notre domaine, nous ne contrôlons pas le "time to market", qui dépend de l'évolution réglementaire. Nous attendions par exemple un appel d'offres de l'État sur les centres relais téléphoniques pour sourds dès 2009, et il n'est sorti qu'en 2013. Pendant ce temps, nous avions déjà engagés des fonds. Nous avons donc accumulé plusieurs années de déficit lié à cette démarche de développement (le déficit est passé de 500.000 € en 2012 à 900.000 € en 2013, NDLR).

Comment ont réagi vos partenaires financiers ?

En 2012, nous les avons de nouveau sollicités et la plupart d'entre eux a accepté le principe en tant que sociétaires de la coopérative. Mais, certains sont aussi des établissements bancaires qui doivent appliquer d'autres règles et la levée de fonds est devenue très compliquée.
Pour réunir des fonds, nous avons décidé d'accélérer le choix stratégique de créer deux filiales sous statut non coopératif, deux SAS : Websourd Elision et Websourd 3D. Cela a pris plus de temps que prévu car, à l'époque, nous n'étions pas très familiers de ce type de mécanismes. Fin 2013, cette restructuration était réalisée. Malgré cela et l'appel d'offres de l'État, le soutien des banques était trop fragile et face à cette situation, nous n'avions pas le choix. J'ai donc demandé au Tribunal de commerce de Toulouse l'ouverture d'une procédure de sauvegarde le 19 juin dernier.

Qu'attendez-vous de cette procédure ?
En neutralisant l'endettement du passif, nous allons montrer que l'exploitation est positive et que notre problématique était essentiellement une problématique de financement du développement. Le redressement économique est d'ailleurs très important. Cette année, notre chiffre d'affaires a augmenté de 50 % pour atteindre les 3 M€. Le marché est enfin là. En janvier, nous avons gagné un appel à projets d'Aéroports de Paris pour y tester notre technologie d'avatar. D'autres contrats avec des entreprises, comme le CEA par exemple, ont été renouvelés et, pour certains, revus à la hausse. Nous ne serons pas déficitaires cette année.
Il ne faut pas confondre la procédure de sauvegarde avec un redressement judiciaire ou une liquidation. Cette procédure est faite pour aider les entreprises à se redresser en imposant un cadre de négociation. Quand le Tribunal de commerce s'engage sur cette procédure, c'est qu'il est confiant dans la capacité de l'entreprise à sortir par le haut dès lors que ce cadre est posé.
Là, nous sommes dans une phase d'observation jusqu'en décembre. Il s'agit de démontrer que nous ne creusons pas de passif nouveau et que nous aurons suffisamment de capacité d'auto-financement pour absorber un plan de sauvegarde (étalement du passif sur une période pouvant aller jusqu'à 10 ans). À l'issue de cette première phase de six mois, l'observation devrait être prolongée pour formaliser le plan de sauvegarde..
Pour le moment, nous consolidons nos acquis et nous maintenons le niveau d'actif. Le développement technologique est forcément ralenti. Concernant l'emploi, il n'y a pas de plan de licenciement à craindre. Le groupe Websourd emploie 32 salariés, dont 23 dans la coopérative concernée par la procédure de sauvegarde.

Gael Cérez
© photo Rémi Benoit

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